
Nabih Berry, Michel Aoun et Nagib Mikati, lors de leur réunion hier à Baabda. Photo Dalati et Nohra
Pour le 78e anniversaire de l’indépendance du Liban, le président de la République, Michel Aoun, le chef du législatif, Nabih Berry, et le Premier ministre, Nagib Mikati, se sont réunis hier pour la toute première fois depuis la mise du gouvernement sous coma artificiel il y a plus d’un mois. Une léthargie dont il ne sortira vraisemblablement pas prochainement, le compromis politique qui devrait être conclu à cet effet n’ayant toujours pas mûri. La réunion tripartite est intervenue dans un contexte de crise politique aiguë marqué par un bras de fer entre M. Aoun et son camp d’une part, et Nabih Berry de l’autre, autour de plusieurs questions épineuses, notamment les législatives de 2022 et l’enquête sur la double explosion meurtrière survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020. Avec entre les deux camps, un Nagib Mikati toujours incapable de réunir son gouvernement. L’entretien, tenu à Baabda à l’issue de la parade militaire symbolique organisée au ministère de la Défense, à Yarzé, à l’occasion de la fête de l’Indépendance, a uniquement permis de briser la glace entre MM. Aoun et Berry, sans pour autant opérer de percée à même de relancer l’exécutif.
Le Conseil des ministres ne s’est plus réuni depuis le 12 octobre dernier. Ce jour-là, le ministre de la Culture, Mohammad Mortada, affilié au mouvement Amal de Nabih Berry, avait demandé au cabinet de prendre une position claire au sujet de Tarek Bitar, le juge chargé de l’enquête sur la tragédie du 4 août 2020, une affaire dans le cadre de laquelle plusieurs faucons du tandem chiite et ses alliés sont poursuivis. Le ministre a même agité le spectre de la démission de ses collègues chiites si Tarek Bitar n’était pas déboulonné. Deux jours plus tard, les tensions politiques se sont transposées dans la rue, lorsque des affrontements meurtriers ont opposé, à Tayouné, des miliciens relevant du binôme chiite à des éléments présumés proches des Forces libanaises.
Dialogue « sérieux »
Une source informée contactée par L’Orient-Le Jour croit savoir que les discussions engagées à Baabda ont porté sur un projet de solution axé sur la réactivation de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres, afin de lui confier la tâche de poursuivre les responsables politiques incriminés par Tarek Bitar, qui limiterait donc son enquête aux responsables sécuritaires et administratifs. Cette option pour une sortie de crise, concoctée par le président de la Chambre en octobre dernier avec le patriarche maronite, Bechara Raï, avait suscité la colère des parents des victimes du 4 août. Ce qui avait poussé le chef de l’Église maronite à faire marche arrière, réitérant son appel à préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire et à lui permettre de dévoiler la vérité sur le drame du port. Sans dévoiler la teneur des débats tripartites, Nagib Mikati s’est contenté de déclarer que « le dialogue était sérieux ». Il a espéré que l’entretien mènera à des conclusions positives, selon des propos rapportés par la présidence. Interrogé par des journalistes au sujet d’une résolution de la crise, le chef du législatif a, lui aussi, formulé l’espoir que « les choses iront mieux », selon la même source.
« La réunion s’est déroulée dans une ambiance positive », commente pour sa part un proche de Baabda contacté par L’OLJ. Affirmant que les trois pôles du pouvoir sont « convaincus que les circonstances difficiles que le pays vit à l’heure actuelle nécessitent un règlement rapide », il a précisé que Michel Aoun, Nabih Berry et Nagib Mikati se sont entendus sur l’importance de continuer à déployer des efforts afin de résoudre la crise à travers les institutions. Le chef de l’État avait tenu des propos allant dans ce sens la veille. Dans le cadre de son « dernier » message (avant la fin de son mandat) adressé à la nation pour l’Indépendance, dimanche soir, il avait affirmé que la solution à la crise est fournie par le point E du préambule de la Constitution qui stipule que le régime libanais est fondé sur le principe de séparation des pouvoirs. Une façon pour lui d’exclure toute interférence de l’exécutif dans l’action de la justice, comme le veulent Amal et le Hezbollah.
En attendant le 29 novembre
À Aïn el-Tiné, on semble convaincu que l’initiative Berry est toujours sur la table, mais que « des contacts devraient encore être menés », pour reprendre les termes d’un proche du président de la Chambre, contacté par L’OLJ. « Nous devons profiter de la convergence (entre MM. Aoun, Berry et Mikati) sur la nécessité de sortir le pays de l’impasse actuelle », dit-il, affirmant que des contacts sont en cours avec tous les protagonistes, dont le Hezbollah.
Sauf que rien ne prête à croire que le parti chiite est prêt à faire des concessions à même de relancer le Conseil des ministres, bloqué par le bras de fer autour de l’affaire Bitar, mais aussi en raison de la crise diplomatique entre Beyrouth et les pays du Golfe, suscitée par des propos polémiques du ministre de l’Information, Georges Cordahi, sur le rôle de Riyad dans la guerre du Yémen. Si les trois pôles du pouvoir semblent favorables à une démission du ministre concerné pour réduire les tensions avec les monarchies arabes, le parti de Dieu s’y oppose catégoriquement. S’exprimant sur ces deux points vendredi dernier, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, s’est livré à une attaque contre l’Arabie saoudite, l’accusant de « s’ingérer dans les affaires libanaises en appelant à la démission d’un ministre ». Il s’est en outre dit favorable à la reprise des réunions ministérielles « après avoir remédié aux problèmes qui les avaient suspendues ». Soit après le départ de Tarek Bitar.
« Le Hezbollah ne fera aucune concession avant la relance des négociations de Vienne, le 29 novembre », décrypte un analyste politique. En attendant, Nagib Mikati s’apprête à se rendre demain au Vatican où il rencontrera le pape François, puis en Égypte et en Turquie.
Pour le 78e anniversaire de l’indépendance du Liban, le président de la République, Michel Aoun, le chef du législatif, Nabih Berry, et le Premier ministre, Nagib Mikati, se sont réunis hier pour la toute première fois depuis la mise du gouvernement sous coma artificiel il y a plus d’un mois. Une léthargie dont il ne sortira vraisemblablement pas prochainement, le compromis politique...
commentaires (13)
ILS SONT RELAXES CES TROIS PREMIER RESPONSABLES. S'IL Y A UN PETIT GRAMME DE JUSTICE DANS CE PAYS, CES TROIS LÀ DEVRAIENT TERMINER LEUR VIE EN PRISON.
Gebran Eid
15 h 55, le 23 novembre 2021