« La population libanaise ne devrait pas payer le prix du bras de fer régional. » Tel est le principal message que le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Covusoglu, a désiré transmettre aux responsables politiques locaux, mais aussi aux acteurs régionaux, à l’heure où le conflit entre l’Arabie saoudite et l’Iran se fait particulièrement sentir au Liban, où le cabinet est placé dans un coma artificiel depuis cinq semaines. La visite du chef de la diplomatie turque à Beyrouth, après un passage à Téhéran, intervient alors que la brouille diplomatique entre Beyrouth et les monarchies du Golfe, royaume saoudien en tête, bat son plein. Suscitée par les propos polémiques du ministre de l’Information Georges Cordahi sur le rôle de Riyad dans le conflit au Yémen, la crise a accentué la léthargie dans laquelle sombre le cabinet depuis mi-octobre. Le Hezbollah refuse toujours que le ministre concerné démissionne, son départ étant pourtant perçu comme un premier pas sur la voie d’une solution. C’est dans ce contexte que le président de la Chambre, Nabih Berry, s’est entretenu hier avec le Premier ministre, Nagib Mikati. Mais apparemment aucune percée n’a été enregistrée. De même, la réunion que M. Mikati a tenue hier avec le leader des Marada Sleimane Frangié (qui avait nommé M. Cordahi à son poste) n’a vraisemblablement pas porté ses fruits.
Pas d’initiative diplomatique
Dans ce contexte de blocage, Ankara s’est présenté comme un médiateur qui pourrait contribuer à un règlement de la crise. « Nous espérons que le Liban pourra surmonter la brouille avec les pays du Golfe et nous sommes prêts à apporter notre aide sur ce plan », a affirmé M. Cavusoglu devant le chef de l’État Michel Aoun. « La Turquie est attristée par cette crise qui devrait être réglée sur la base du respect mutuel et par les moyens diplomatiques », a-t-il dit quelques heures plus tard, à l’issue d’un entretien avec son homologue libanais, Abdallah Bou Habib. Il a souligné que son pays était « prêt à jouer un rôle sur ce plan ».
Le ministre n’a toutefois pas donné de détails sur les modalités d’une telle démarche, se contentant d’insister sur l’importance de la stabilité, la sécurité et la prospérité du Liban. Une source proche du ministère des Affaires étrangères confie à L’Orient-Le Jour que la question d’une médiation turque entre Beyrouth et les monarchies du Golfe n’a pas été abordée lors du tête-à-tête avec M. Bou Habib. « Le ministre turc a surtout proposé une augmentation des aides en faveur du Liban et un renforcement des échanges commerciaux », confie la source.
« La visite du chef de la diplomatie turque a essentiellement porté sur la redynamisation des voies de transit entre Beyrouth, Tripoli et la ville turque de Mersin », souligne une source bien informée. Il s’agira, selon elle, d’une façon de remédier aux problèmes que les commerçants et industriels libanais pourraient rencontrer du fait de la crise politique avec les pays du Golfe.
Lors d’une conférence de presse conjointe avec Abdallah Bou Habib, Mevlut Cavusoglu a d’ailleurs tenu des propos en rapport avec cette brouille qui bloque l’action du cabinet. Il a ainsi appelé « tout le monde à soutenir le gouvernement pour que le pays sorte de la crise et que les législatives se tiennent à temps ». Il a dans ce cadre précisé, citant le président de la Chambre Nabih Berry avec qui il s’est entretenu à Aïn el-Tiné, que ce scrutin se tiendrait en mars 2022, alors que le Courant patriotique libre s’apprête à présenter un recours devant le Conseil constitutionnel contre la modification apportée par le Parlement à la date de l’échéance, initialement prévue en mai.
L’appui au cabinet, le responsable turc l’a réitéré au Sérail devant le Premier ministre Nagib Mikati. Ce dernier s’est félicité de ce soutien et a reçu une invitation officielle pour se rendre à Ankara, en vue de renforcer la coopération entre les deux pays.
Les réfugiés syriens
L’épineuse question des réfugiés syriens a figuré au menu des entretiens du haut responsable turc au Liban, notamment avec le chef de l’État et le ministre des AE, « surtout que nous sommes les deux pays les plus touchés par la crise syrienne », a souligné M. Cavusoglu lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue libanais. À ce sujet, le président Aoun a salué « toute aide que la Turquie pourrait apporter pour un retour des Syriens déplacés », selon des propos rapportés par le bureau de presse de Baabda. De son côté, Abdallah Bou Habib a exhorté la communauté internationale à « s’acquitter de ses responsabilités sur ce plan, opter pour un partage égalitaire des tâches, unifier l’approche face à ce dossier et œuvrer pour un retour des réfugiés dans leur pays ».
Le ministre turc a enfin insisté lors de ses entretiens avec les responsables libanais sur la nécessité de renforcer les liens commerciaux entre Beyrouth et Ankara. Il doit inaugurer aujourd’hui plusieurs projets de développement à travers le pays.
on les a eus 500 ans : que des dégâts ! qu'ils dégagent...
00 h 05, le 18 novembre 2021