
Le Premier ministre libanais Nagib Mikati s’entretenant avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, à Glasgow, en Écosse, le 2 novembre 2021. Photo Dalati et Nohra
Les États-Unis ne ratent pas, ces derniers temps, une occasion de signifier leur soutien au Liban et à ses institutions légales, à leur tête le gouvernement présidé par Nagib Mikati. Depuis que la crise diplomatique a éclaté entre le Liban et l’Arabie saoudite ainsi que certains pays du Golfe à la suite des déclarations controversées du ministre de l’Information, Georges Cordahi, sur la guerre du Yémen, Washington tente de calmer le jeu et de sauver ce qui reste encore de l’ossature de l’État libanais.
Ne pouvant vraisemblablement directement influer sur la décision de Riyad avec qui l’administration du président Joe Biden entretient des relations relativement distanciées ces derniers temps, Washington a décidé de réitérer à qui veut l’entendre son souci de préserver la stabilité du Liban et de lui épargner les retombées des mutations régionales et du bras de fer entre l’Occident et l’Iran, notamment sur le dossier du nucléaire. C’est dans ce contexte qu’il faudra placer les propos du secrétaire d’État, Antony Blinken, à l’occasion d’une conférence de presse conjointe avec son homologue qatari Mohammad ben Abdel Rahmane al-Thani, vendredi à Washington.
Interrogé sur la situation au Liban, M. Blinken a souligné l’urgence avec laquelle il faut répondre aux « besoins du peuple libanais ». Il a également salué les efforts déployés par Nagib Mikati pour sortir le pays de l’ornière. « Je pense que le Premier ministre a un bon programme pour faire avancer le Liban et essayer de faire progresser l’économie, tout d’abord en travaillant avec les institutions financières internationales », a affirmé le secrétaire d’État américain, avant de réitérer l’appui de son gouvernement aux forces armées libanaises, « qui sont une source de stabilité dans le pays », a-t-il assuré.
MM. Blinken et Mikati s’étaient entretenus au début du mois à Glasgow, en marge de la conférence de l’ONU sur le climat. « Depuis le sommet de Glasgow, la position de l’administration américaine est restée la même à l’égard du gouvernement libanais », confie un proche de M. Mikati, qui estime que les propos du secrétaire d’État américain viennent confirmer une constante à Washington. À Glasgow, Antony Blinken avait qualifié, le 2 novembre, sa réunion avec le Premier ministre libanais de « productive » et exprimé par la même occasion le souci de son administration de rétablir la stabilité du Liban, frappé depuis deux ans par une grave crise socioéconomique et financière.
Un message aux pays du Golfe
Sauf que les derniers propos du secrétaire d’État ne semblent pas uniquement destinés à soutenir le gouvernement libanais. Vendredi, Antony Blinken ne s’est pas privé d’adresser dans la foulée un message implicite à l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe qui ont durci le ton et pris des mesures de rétorsion à l’égard de Beyrouth, les invitant à reconsidérer leur position. M. Blinken a ainsi encouragé les « amis et parties qui soutiennent le Liban à l’aider et à lui donner l’opportunité d’avancer, sur base du programme mis en place » par M. Mikati pour faire face aux défis économiques et, à terme, assurer sa stabilité. « C’est de cela que nous discutons avec nombre de nos partenaires et dont nous venons juste de parler » avec le chef de la diplomatie qatarie, a-t-il poursuivi. Des propos qui font écho à ceux prononcés, le 10 novembre, par Amos Hochstein, le nouveau négociateur américain dans les pourparlers entre le Liban et Israël sur la frontière maritime. Dans un entretien avec la chaîne américaine CNBC, ce dernier a déclaré, en réponse à une question sur l’imbroglio libano-saoudien, que « les choses se passeraient mieux si les pays du Golfe se décidaient à soutenir le Liban politiquement et financièrement. C’est un appui dont le Liban a grandement besoin en ce moment ».
Selon une source à Washington, les propos de M. Blinken sont effectivement adressés aux pays du Golfe pour leur rappeler qu’il est important de ne pas lâcher le Liban en ces temps extrêmement problématiques. C’est aussi une manière de dire que l’administration américaine, qui continue d’entretenir des relations privilégiées quoique plus distantes avec l’Arabie saoudite, refuse de s’aligner sur la position radicale de Riyad à l’égard du Liban. Les relations entre Riyad et Washington se sont refroidies depuis la publication du rapport de la CIA incriminant l’Arabie saoudite dans l’affaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul en 2018.
« Il y a des divergences entre la position des États-Unis et celle des États arabes dans le sens tactique (sur la question libanaise), mais non stratégique (sur la question de la prééminence du Hezbollah au Liban) », commente Ziad el-Sayegh, expert en politiques publiques.
Alors que les Américains, mus par un réalisme politique, jouent à sauver les meubles, les pays du Golfe, à leur tête l’Arabie saoudite, ont décidé que la politique d’endiguement pratiquée au Liban s’est soldée par un échec, puisqu’elle a ouvert la voie à la politique de grignotage progressif de l’État par le Hezbollah. D’où le récent durcissement de ton. Les États-Unis, eux, préfèrent maintenir une position de soutien aux institutions de l’État libanais dans le seul objectif de réduire les dégâts et d’éviter que le pays ne replonge dans le chaos. On le sait déjà : Washington ne veut surtout pas que le gouvernement libanais, né au forceps après des mois d’âpres marchandages, et dont la mission principale est de mener des réformes et organiser les législatives, ne soit contraint de démissionner.
« Les États-Unis préfèrent la stabilité au Liban. Tout ce qu’ils souhaitent pour l’heure, c’est que le pays ne leur explose pas à la figure », commente un responsable libanais rodé aux coulisses américaines.
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Et on se demande pourquoi les États Unis durcissent le ton avec l’Arabie Saoudite qui refuse de financer les alliés de l’Iran et se plier à leurs exigences alors qu’on se montre mielleux et hésitant avec l’Iran et le HB qui sont la cause même de la destruction et l’anéantissement de notre pays. Ils veulent garder sous perfusion le Liban en fonction des tournants que prendraient leurs négociations. On les a connu plus fermes et plus décidés que cela lorsqu’il s’agit de défendre un pays qu’il veulent sauver. Alors qu’ils arrêtent de nous prendre pour des bobets on ne nous la fait plus. Si un des pays avait l’intention de vraiment sauver notre pays ça se saurait et on en serait pas là.
Sissi zayyat
11 h 58, le 16 novembre 2021