Le Courant patriotique libre a organisé samedi dernier la première étape d’élections internes visant à choisir les candidats de la formation fondée par Michel Aoun aux prochaines législatives. Théoriquement, il s’agit d’une façon de permettre aux membres encartés du parti d’avoir leur mot à dire dans la sélection des candidats au prochain scrutin prévu en mars 2022. Mais rien n’est encore joué, même pour ceux qui ont remporté les batailles interpartisanes. Tout dépendra surtout des calculs du chef du CPL, Gebran Bassil, sur base desquels il prendra lui-même la décision finale quant au choix définitif des candidats.
Le scrutin de samedi n’était que la concrétisation d’une « démocratie à la Gebran Bassil », réagit un analyste interrogé par L’Orient-Le Jour. Derrière cet exercice de pure forme se cache, selon lui, une tentative du chef du CPL, qui semble se doter d’un pouvoir absolu, de tailler sur mesure le prochain scrutin, c’est-à-dire s’assurer la victoire la plus large, même si cela se ferait aux dépens des orientations des adhérents à son parti.
Ces derniers, c’est-à-dire les membres encartés de la formation, ont voté samedi pour les potentiels candidats qui prendront part aux législatives sous le label du CPL. Une source au sein du parti indique que quinze parmi les 18 députés aounistes ont présenté leur candidature pour cette première étape des élections internes. La deuxième phase, qui devrait avoir lieu dans quelques semaines, sera celle des sondages d’opinion que le CPL effectuera en partenariat avec des organismes de statistiques auprès de la base populaire aouniste et des indépendants, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’affiliation politique claire. Les personnes concernées seront sondées sur les candidats qui se sont qualifiés pour cette étape. Quant à la troisième phase du processus, qui devrait avoir lieu d’ici à deux mois, elle sera ouverte et concernera un plus large éventail de Libanais, le CPL voulant avoir une idée des réactions que suscitent leurs potentiels choix électoraux.
Premières lectures
Pour le moment, l’heure est à la lecture des résultats de la consultation de samedi, dont le parti n’a pas fourni à la presse une version officielle. Le département média du CPL s’est contenté de publier mardi soir un communiqué dans lequel il indique que les résultats du vote de 10 000 adhérents ont été communiqués aux 55 candidats qui avaient pris part à la compétition, et dont 27 ont été qualifiés pour la deuxième phase. Et de préciser que le scrutin s’est déroulé dans les quinze circonscriptions prévues par la loi électorale actuellement en vigueur.
Une source informée confie toutefois à L’Orient-Le Jour quelques noms de gagnants : il s’agit de plusieurs actuels députés du parti, dont Ibrahim Kanaan (maronite, Metn), Simon Abiramia (maronite, Jbeil) Assaad Dergham (grec-orthodoxe, Akkar), Alain Aoun (maronite, Baabda), César Abi Khalil (maronite, Aley) et Nicolas Sehnaoui (grec-catholique, Beyrouth I). Une liste à laquelle s’ajoute le nom de Nada Boustani (maronite), ex-ministre de l’Énergie, et qui a remporté la bataille au Kesrouan, grand fief traditionnel du CPL, représenté pendant onze ans à la Chambre par Michel Aoun avant qu’il n’accède à la présidence de la République. De son côté, Ghassan Atallah (grec-catholique), ancien ministre des Déplacés, a remporté haut la main la bataille dans le Chouf. Mais c’est surtout Amal Abou Zeid, ancien député de Jezzine, qui a créé la surprise en battant son principal adversaire, Ziad Assouad, qui occupe actuellement un des deux sièges maronites du caza. M. Assouad est connu pour ses positions politiques fermes, notamment à l’égard du président de la Chambre, Nabih Berry, un des principaux rivaux politiques du tandem Michel Aoun-Gebran Bassil. De même source, on apprend qu’Élias Bou Saab, Roger Azar et Antoine Pano, actuels députés respectifs du Metn, du Kesrouan et de Beyrouth, ont boycotté le scrutin. Quelles leçons tirer de ces résultats ? Il y a d’abord le fait que la bataille face à Nabih Berry dans son fief de Jezzine s’annonce difficile pour le parti qui y avait battu le chef du législatif lors du scrutin de 2009. « D’autant que la base populaire de M. Assouad est beaucoup plus large que celle de M. Abou Zeid, et que l’actuel député ne va pas se laisser faire », explique un ex-cadre du CPL. Ensuite, il y a la victoire de plusieurs figures perçues comme hostiles à l’actuel directoire du parti. C’est notamment le cas de Simon Abiramia, Ibrahim Kanaan et Alain Aoun. Ce dernier s’était disputé la présidence du parti avec Gebran Bassil qui a fini par être nommé d’office à ce poste, fort de l’appui de Michel Aoun.
Que fera M. Bassil de ces barons de sa formation ? Va-t-il les abandonner au profit de nouvelles figures ? La question est d’autant plus légitime qu’un cadre aouniste qui a requis l’anonymat croit savoir que le leader du CPL préférait Tarek Sadek, cadre du parti originaire du caza de Jbeil, à Simon Abiramia, en poste depuis 2009. Le responsable aouniste souligne toutefois le rôle « crucial » que joue Ibrahim Kanaan dans l’étude et la préparation des dossiers dont le CPL fait ses chevaux de bataille. « Je vois donc très mal Gebran Bassil lâcher ces personnes », ajoute-t-il. « Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, M. Bassil ne veut pas écarter tous ceux qui ne lui sont pas favorables. Ce qui lui importe, c’est de gagner le plus grand nombre de sièges », précise ce responsable.
Eddy Maalouf affirme lui aussi que Gebran Bassil ne tournera pas le dos à ceux qui ont remporté le scrutin de samedi. « Nous sommes les seuls à faire ce genre d’exercice démocratique. Nous ne pouvons pas outrepasser les résultats, surtout dans nos fiefs », explique le député, tout en reconnaissant que M. Bassil a un pouvoir décisionnel dans le choix final des candidats, dans la mesure où les alliances que le parti serait amené à tisser devraient être prises en considération.
Un dissident prédit un échec
Cette large marge de manœuvre laissée au leader du courant aouniste inquiète aussi bien certains membres du parti que nombre de ses dissidents qui voient dans les élections de samedi un scrutin « inutile », pour reprendre les termes du responsable aouniste cité plus haut. « Je fais partie de ceux qui sont favorables à Gebran Bassil et qui défendent ses prises de position. Mais je n’ai pas présenté ma candidature, parce que ces élections ne servent à rien, Gebran Bassil pouvant exercer un pouvoir absolu dans le choix des candidats, si cela s’avère nécessaire », confie-t-il.
De même, un dissident, qui a claqué la porte du parti il y a presque un an, perçoit les élections de samedi comme « un exercice de pure forme » qui « finira par tomber à l’eau, dans la mesure où Gebran Bassil pourrait torpiller les résultats en fonction de ses alliances électorales ». Sans attendre les choix pour lesquels optera M. Bassil, cet ancien responsable du CPL prédit un échec du parti dans les prochaines législatives. « D’abord, parce que plusieurs cadres et coordinateurs, qui sont en contact quotidien avec les responsables radiés du CPL, confient vouloir claquer la porte du parti, mais ne comptent pas le faire tant que Michel Aoun est à Baabda, explique-t-il. Ensuite parce que le seul allié qui reste aux aounistes est le Hezbollah, largement décrié par les chrétiens, notamment après les affrontements du 14 octobre à Tayouné et les développements liés à l’enquête sur le drame du 4 août 2020 ».
Peut être il serait temps messieurs les censeurs à l’OLJ d’envoyer un petit mot personnel à celui dont vous censurez les commentaires pour lui expliquer la raison de cette censure. Ça lui évitera au moins de recommencer à être censuré Merci
10 h 58, le 12 novembre 2021