
Des partisans du tandem chiite lors des affrontements de Tayouné le 14 octobre. Anwar Amro/AFP
Après les avoir entamés jeudi dernier, le juge d’instruction près le tribunal militaire, Fadi Sawan, devrait poursuivre aujourd’hui les interrogatoires des 18 détenus dans le cadre de l’affaire des affrontements meurtriers de Tayouné qui avaient fait, le 14 octobre dernier, 7 morts et plus de 30 blessés. Les accrochages avaient opposé des habitants de Aïn el-Remmané et des éléments armés probablement partisans des Forces libanaises à des miliciens du mouvement Amal et du Hezbollah, lesquels avaient fait une incursion dans ce quartier chrétien dans le sillage d’une manifestation contre le juge Tarek Bitar en charge de l’enquête sur les explosions au port de Beyrouth. Parmi les 18 individus encore arrêtés, seuls trois seraient affiliés au camp du tandem chiite, tandis que 15 sont des sympathisants des FL ou des habitants de Aïn el-Remmané.
Les 15 détenus chrétiens font l’objet de poursuites qu’avait engagées, aussitôt après les événements sanglants, le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Fadi Akiki, lequel a été momentanément dessaisi du dossier la semaine dernière. Ces mêmes détenus ainsi que le chef des FL, Samir Geagea, avaient en effet porté contre lui un recours en dessaisissement pour motif de parenté avec Nabih Berry, chef du mouvement Amal et partie au conflit. Fadi Akiki est marié à la nièce de M. Berry, la magistrate Nada Dakroub. La cour d’appel devant laquelle le recours a été porté n’a pas encore rendu sa décision, mais l’affaire est actuellement entre les mains du juge Sawan, sur « l’impartialité » duquel parient les avocats des 15 détenus chrétiens pour que ces derniers soient remis en liberté dès la fin des investigations.
Un détenu passé à tabac ?
« Le juge Sawan a interrogé les détenus jeudi et lundi derniers, et devrait poursuivre ses audiences demain (aujourd’hui) et la semaine prochaine », indique Me Eliane Fakhri, qui fait partie du groupe des avocats des détenus de Aïn el-Remmané, révélant avoir soumis au magistrat des exceptions de procédure pour « obtenir l’annulation des enquêtes préliminaires ». L’avocate affirme à cet égard que, sur demande du commissaire du gouvernement, les jeunes suspects avaient été interrogés par le service de renseignements de l’armée en l’absence de leurs avocats, en violation de la loi sur le droit à l’assistance d’un avocat devant la police judiciaire, adoptée en septembre 2020. « Le commissaire du gouvernement avait d’abord refusé de nous autoriser à charger un notaire de se rendre auprès de nos clients pour qu’ils nous fassent une procuration », allègue Me Fakhry, affirmant que l’autorisation n’a été donnée qu’après que « le service de renseignements eut clôturé son enquête ». « Entre-temps, les dépositions ont été extorquées sous pression », soutient-elle, affirmant qu’« une désignation d’un médecin légiste a été demandée pour examiner un détenu qui semble avoir été violemment passé à tabac ».
L’avocate affirme, par ailleurs, que parmi les personnes incarcérées se trouve un jeune homme qui se trouvait dans la région de Douar (Metn) le jour des accrochages. Avec ses confrères, elle compte soumettre aujourd’hui une demande de mise en liberté en sa faveur. Elle déplore en outre que d’autres personnes qui se trouvaient également à Douar le 14 octobre font l’objet de mandats d’amener. Et de noter à cet égard « une politique du deux poids, deux mesures au bénéfice des personnes recherchées du côté de la banlieue sud, dans le sens où ces dernières ne seront jamais appréhendées ». Une source du parquet militaire a affirmé toutefois à L’OLJ que Fadi Akiki avait lancé des mandats de recherche contre une trentaine de suspects habitant dans des fiefs du tandem chiite. À ce jour, aucun d’entre eux ne semble néanmoins avoir été interpellé.
« Les vrais agresseurs courent toujours, tandis que les victimes sont emprisonnées », tonne pour sa part Antoine Saad, autre avocat des 15 détenus. « De nombreuses vidéos montrent que des francs-tireurs appartenant visiblement au tandem chiite ont été emmenés, après leur participation aux combats, dans des voitures aux vitres fumées appartenant vraisemblablement à des services sécuritaires », avance-t-il, alléguant que « les premiers tirs sont provenus du toit d’un immeuble dont la porte d’entrée a été ouverte par le concierge du bâtiment à la demande d’éléments armés ».
commentaires (10)
Fadi Sawan est toujours le juge alerte, indépendant et libre selon ses convictions en travail judiciaire. On ne s'inquiète nullement de ses décisions.
Esber
18 h 06, le 04 novembre 2021