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Moyen-Orient - Éclairage

Pourquoi Kobané serait dans la ligne de mire d’Ankara

Erdogan discuterait en coulisses avec son homologue russe en vue d’organiser une opération militaire turque dans cette localité située à la frontière avec la Syrie afin de chasser les forces kurdes des Unités de protection du peuple, en échange de concessions voulues par le Kremlin à Idleb.

Pourquoi Kobané serait dans la ligne de mire d’Ankara

Un franc-tireur kurde observe la ville syrienne de Kobané en ruine le 30 janvier 2015. Bulent Kilic/AFP

Alors que la Turquie agite depuis plusieurs semaines la menace d’une opération militaire en Syrie contre les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) – considérées comme une branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé terroriste par Ankara –, celle-ci pourrait se produire plus tôt que prévu. Selon des sources proches du dossier citées par Middle East Eye (MEE), Recep Tayyip Erdogan discuterait en coulisses avec son homologue russe en vue d’organiser une opération militaire turque dans la ville frontalière de Kobané afin d’en chasser les YPG.

Ces négociations interviennent dans un contexte de recrudescence des attaques attribuées aux unités kurdes syriennes contre des positions tenues par Ankara dans le nord du pays voisin, alors que deux policiers turcs ont été tués dans la région le mois dernier. En représailles, la Turquie a récemment bombardé plusieurs positions des YPG de l’autre côté de la frontière et se préparerait à une opération de grande envergure. Deux responsables turcs cités la semaine dernière par Bloomberg ont révélé qu’Ankara avait déployé à cet effet des centaines de soldats supplémentaires dans le Nord syrien alors que le Parlement turc a approuvé fin octobre un projet de loi visant à étendre de deux ans le mandat de l’armée pour mener des opérations transfrontalières contre les forces kurdes en Irak et en Syrie.

Problème sécuritaire

Aux yeux de la Turquie, qui cherche à empêcher la formation d’un État kurde dans la région, la présence des YPG à ses portes représente un problème sécuritaire de premier plan. La prise de Kobané lui permettrait de relier Jarablos – ville du gouvernorat d’Alep tenue par les rebelles appuyés par Ankara – et Tall Abiad – localité du gouvernorat de Raqqa sous contrôle turc – et ainsi de sécuriser la partie ouest de sa frontière sud. « Endiguer le flux de nouveaux réfugiés de Syrie vers la Turquie est une autre priorité », remarque Bilgehan Ozturk, chercheur à la fondation SETA, un think tank basé à Ankara et réputé proche du pouvoir turc. « La menace sécuritaire et la question des réfugiés sont ainsi deux éléments qui pèsent dans l’équation lorsqu’il s’agit de décider et d’évaluer la méthode d’une opération militaire dans le nord de la Syrie », poursuit-il.

En vertu d’un accord signé entre Ankara et Moscou le 22 octobre 2019, les deux puissances s’étaient déjà entendues sur un départ des combattants des YPG d’une zone de 30 km de profondeur le long de la frontière syro-turque. Les responsables turcs reprochent cependant au Kremlin de n’avoir jamais appliqué cet accord. Connue pour avoir été le théâtre d’une importante bataille entre l’État islamique et les YPG entre 2014 et 2015, la ville de Kobané est un symbole de résistance pour les unités kurdes alors que ces dernières sont parvenues, avec l’aide des Américains, à repousser les jihadistes de la ville. Les troupes syriennes et russes y étaient entrées, par la suite, dans le sillage d’une incursion turque menée dans la région en 2019. Moscou y a, depuis, maintenu une présence.

Pour mémoire

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Mais si la Russie donnait son accord à la Turquie en vue d’une offensive à Kobané, les observateurs s’interrogent sur la nature des concessions qui pourraient être exigées par le Kremlin à Ankara. « Selon certains médias, la Russie souhaiterait obtenir davantage de territoires à Idleb (dernière poche rebelle dans le Nord-Ouest syrien, NDLR) en échange », rapporte Bilgehan Ozturk. Cités par Bloomberg la semaine dernière, des responsables turcs ont déclaré qu’Ankara envisage de se retirer de quelques zones au sud de l’autoroute stratégique M4 formant la frontière sud d’Idleb. « Moscou cherche à sécuriser Jabal Zawai (région montagneuse du gouvernorat d’Idleb situé dans le nord-ouest de la Syrie) jusqu’au mont Turkmène, situé dans le nord de Lattaquié, et le reste de la route M4 à Idleb, explique Navvar Saban, chercheur au centre Omran basé à Istanbul et au centre Orsam. Si la Russie contrôle ces zones, elle peut forcer un siège complet sur Idleb. » Les deux pays discuteraient également de la possibilité de déployer des patrouilles communes le long de l’ensemble de l’autoroute M4 reliant la province de Raqqa jusqu’à Idleb.

Se contenter d’un accord

Plus largement, la stratégie d’Ankara viserait à chasser les unités kurdes syriennes de plusieurs zones sous leur contrôle, à l’instar de Aïn Issa, Tall Tamr ou encore Manbij. « Kobané est venu au premier plan simplement parce que la Russie préfère une opération turque dans cette ville plutôt que dans les autres localités », observe Bilgehan Ozturk. Moscou exclurait par exemple une incursion turque à Tell Rifaat, zone tampon entre les régions contrôlées par la Turquie et Alep, prise aux rebelles par les YPG en 2016 et où la Russie exerce une influence.

Certains observateurs restent cependant prudents pour affirmer que les négociations engagées en coulisses entre Moscou et Ankara portent sur une opération militaire turque à venir. « Les discussions n’ont pas pour objectif de donner le feu vert à la Turquie pour attaquer une zone spécifique, mais elles visent à convaincre Ankara de se contenter d’un accord qui lui garantira le retrait total des Forces démocratiques syriennes (coalition militaire largement dominée par les YPG) de la zone frontalière au nord, estime Bilgehan Ozturk. Les Turcs seront heureux s’ils parviennent à atteindre leurs objectifs sans mener d’opération militaire. »

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Du côté occidental, la Turquie serait probablement sanctionnée par Washington et ses alliés en cas d’opération militaire en Syrie, à l’heure où Ankara cherche à se procurer 40 avions de combat américains F-16 et près de 80 kits de modernisation pour sa flotte actuellement en service. Alors qu’ils se sont rencontrés la semaine dernière en marge du sommet du G20 à Rome, Recep Tayyip Erdogan et Joe Biden auraient abordé la question de l’offensive militaire turque, estiment plusieurs observateurs. « Nous devons nous rappeler que la trajectoire de l’opération ne sera pas seulement décidée par les pourparlers bilatéraux turco-russes, la Turquie ajoutera également les États-Unis dans ses propres calculs, résume Bilgehan Ozturk. Les États-Unis critiqueront l’opération militaire et pourraient même aller jusqu’à menacer de sanctions. »

Alors que la Turquie agite depuis plusieurs semaines la menace d’une opération militaire en Syrie contre les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) – considérées comme une branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé terroriste par Ankara –, celle-ci pourrait se produire plus tôt que prévu. Selon des sources proches du dossier citées par...

commentaires (1)

quand les connards des petites nations laissent aux grands le champ libre de decider de leur sort, dans l'interet hautement INAVOUE de leur propre politique

Gaby SIOUFI

09 h 48, le 04 novembre 2021

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Commentaires (1)

  • quand les connards des petites nations laissent aux grands le champ libre de decider de leur sort, dans l'interet hautement INAVOUE de leur propre politique

    Gaby SIOUFI

    09 h 48, le 04 novembre 2021

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