Comme si le Liban n’avait pas suffisamment de problèmes, il doit désormais gérer une crise diplomatique grave avec l’Arabie saoudite qui, de l’avis de sources politiques et diplomatiques, est appelée à se prolonger.
Indépendamment de l’évaluation des propos du ministre de l’Information, Georges Cordahi, dans le cadre d’un entretien avec la chaîne al-Jazeera enregistré avant la formation du gouvernement, il est clair que le froid dans les relations entre le Liban et l’Arabie saoudite est antérieur à ces propos. Il remonte en quelque sorte à l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République et il n’a cessé de se consolider au fil des années en prenant différentes formes. Les propos de Georges Cordahi ont donc été en quelque sorte la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ou encore, selon certains, le prétexte qui a permis aux dirigeants saoudiens de frapper un grand coup au Liban et de remettre en question le gouvernement présidé par Nagib Mikati en le plaçant au bord de la démission.
D’ailleurs, selon des sources ministérielles, la décision saoudienne d’exiger la démission du ministre de l’Information a pris le gouvernement de court. Le président du Conseil, qui se trouve à l’étranger, a songé à présenter la démission de son cabinet après la prise de position saoudienne, qui est d’ailleurs rapidement devenue celle des pays du Conseil de coopération du Golfe avec le Liban. Mais rapidement, le conseiller du président français pour les Affaires de l’Afrique et du Moyen-Orient Patrick Durel a adressé un message à Nagib Mikati pour lui demander de ne pas démissionner. La secrétaire d’État adjointe américaine pour les Affaires politiques Victoria Nuland est entrée en contact avec le Premier ministre pour la même raison. Il était donc clair que la France et les États-Unis ne voulaient pas de la démission du gouvernement, car, comme l’a dit le chef des Marada Sleiman Frangié depuis Bkerké, si ce gouvernement s’en va, il sera très difficile d’en former un nouveau dans un avenir proche.
Le maintien de l’actuelle équipe acquis, il restait encore à régler la crise avec l’Arabie et les pays du Golfe. Dans les coulisses du pouvoir, la démission de Georges Cordahi a été évoquée. Un scénario a même été élaboré, prévoyant d’inviter Sleiman Frangié et le ministre de l’Information à Bkerké et la démission de ce dernier serait annoncée depuis le siège patriarcal maronite. Mais le chef des Marada a refusé de « sacrifier » son ministre et d’en faire un « bouc émissaire », selon ses propres termes, alors que ce dernier avait assuré au patriarche maronite qu’il était prêt à démissionner si cette démarche servait les intérêts du pays. Il a aussi demandé à son interlocuteur si sa démission suffira à calmer la colère des Saoudiens, d’autant que celle-ci remontait à quelque temps déjà.
Georges Cordahi a ainsi mis le doigt sur la plaie. Pour les responsables libanais, si la crise avec les pays du Golfe pouvait être résolue par la démission du ministre de l’Information, ils seraient prêts à adopter ce scénario, mais il n’y a aucune certitude à ce sujet, surtout que le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhane a lui-même déclaré que le véritable problème avec le Liban, c’est l’influence grandissante du Hezbollah dans ce pays. Comprenant que l’affaire dépasse les enjeux purement locaux, les responsables ont donc décidé de solliciter l’aide de l’administration américaine et de celle de la France.
En réalité, selon une source diplomatique arabe, la décision saoudienne serait due à une volonté de la part du prince héritier du royaume de pousser les Occidentaux, et en particulier les Américains, à lui parler. En effet, depuis l’arrivée du nouveau président Joe Biden à la Maison-Blanche, les relations entre lui et l’émir Mohammad ben Salmane ne sont pas au beau fixe. Il n’y a même pas eu une rencontre entre eux, et MBS n’a pas participé au sommet du G20 qui s’était tenu samedi et dimanche à Rome. De plus, le prince, qui ne cache pas sa position hostile à l’égard du Liban en raison de l’influence du Hezbollah sur ce pays, n’a pas apprécié le fait que les Américains appuient la formation d’un nouveau gouvernement au Liban dans lequel le Hezbollah est présent. Tout comme il n’a pas apprécié l’inertie américaine face à l’arrivée du mazout iranien au Liban pour le compte du Hezbollah. Enfin, toujours selon la source diplomatique précitée, au cours de la dernière rencontre de dialogue entre les Saoudiens et les Iraniens, les premiers auraient évoqué la guerre au Yémen en demandant une intervention iranienne auprès d’Ansarullah (les houthis) dans ce dossier. Mais les Iraniens auraient répondu qu’ils n’ont pas d’influence sur ce groupe. La seule partie qui pourrait en avoir, auraient-ils déclaré à leurs interlocuteurs, serait le Hezbollah.
Les propos de Georges Cordahi sur la guerre au Yémen seraient donc, ajoute-t-on de même source, arrivés au bon moment pour permettre aux dirigeants saoudiens de provoquer une grave crise au Liban, où la situation est déjà bien précaire, et pousser ainsi les parties concernées par les développements dans ce pays à parler avec eux. La source précitée confirme ainsi l’impression des responsables libanais qu’au-delà de la dimension purement locale de la crise provoquée par les propos du ministre de l’Information, il y aurait aussi pour les Saoudiens des enjeux plus importants qui se situent au niveau régional, voire international.
Si cette approche se vérifiait, cela signifierait que la crise provoquée (en principe) par les propos du ministre de l’Information est appelée à se prolonger et que le règlement devrait se mettre en place en douceur, loin des provocations et des surenchères.
commentaires (9)
Décryptage mon œil. La situation est simple et ne nécessite point tant de cliquetis de clavier : Hezbollah a cancerisé le Liban, le Prez fort est fortement neutralisé, la métastase a atteint tout les rouages du pays et progresse même dans les quelques dizaines de neurones de ministres vantards qui supporte l'exportation de notre cancer vers les pays amis. Et pof on se trouve mis à l'écart comme les lépreux des temps passés! Capice??
Wlek Sanferlou
00 h 31, le 02 novembre 2021