Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a été notifié lundi de sa convocation pour être entendu comme témoin dans le cadre de l'enquête sur les affrontements de Tayouné entre des partisans du Hezbollah et du mouvement Amal à des tireurs probablement proches du parti chrétien, confirme une source FL à L'Orient-Le Jour. Ces combats meurtriers, dont les circonstances restent confuses, avaient fait, le 14 octobre dans ce secteur du sud de Beyrouth, sept morts et plusieurs blessés. Le leader maronite est appelé à comparaître mercredi à 9h du matin, précise la source qui indique que ce sont les renseignements de l'armée libanaise qui ont été chargés de la notification de M. Geagea, qui devrait se rendre au ministère de la Défense.
Le texte de la convocation a été collé à l'entrée du complexe de Meerab, résidence du chef des FL. Selon des informations de la radio "la Voix de tout le Liban", le leader maronite ne se trouvait pas chez lui lors du passage des militaires et du dépôt de cette convocation, ce qui signifie qu'il n'en a pas été "officiellement averti".
Samir Geagea avait conditionné, la semaine dernière, toute éventualité de se présenter devant la justice à une convocation du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Il avait alors accusé le commissaire du gouvernement par intérim près le tribunal militaire, Fadi Akiki, d'être "le commissaire du Hezbollah".
Selon les informations qui avaient circulé jeudi dernier, Fadi Akiki avait chargé les services de renseignements de l’armée de convoquer M. Geagea, sur la base de données qui auraient été fournies par des partisans des FL interpellés. Plusieurs médias locaux avaient par la suite relayé une information selon laquelle le procureur de la République, Ghassan Oueidate, a gelé la démarche du juge Akiki. Mais M. Oueidate avait démenti toute intervention dans cette affaire. "La notification par laquelle le commissaire du gouvernement par intérim demande à la direction des services de renseignements de l’armée d’auditionner le chef des FL fait l’objet d’un suivi de la part des autorités compétentes pour déterminer si elle implique un interrogatoire auprès de cette direction ou auprès du magistrat qui a lancé la notification", avait-il expliqué.
Réagissant à ces développements, l'épouse de Samir Geagea, la députée Sethrida Geagea, a estimé qu'"il est illogique de convoquer la personne qui a subi des agressions alors que l'agresseur n'a même pas été convoqué pour livrer son témoignage", dans une critique implicite au secrétaire général du Hezbollah. Mme Geagea a également salué le chef de l'Église maronite, Béchara Raï, et le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Elias Audi, qui avaient pris la défense du chef des FL dans leurs homélies respectives ce weekend.
C'est d'ailleurs dans ce contexte que des habitants de Aïn el-Remmané qui ont été affectés par ces incidents ont déposé plainte contre Hassan Nasrallah. L'avocat Elie Mahfoud, accompagné d'autres juristes, a accusé dans sa plainte le dignitaire chiite de "porter atteinte à l'unité nationale en possédant des armes de guerre et d'avoir effectué des actes terroristes en recourant à ces armes".
Poursuites contre 68 personnes
Parallèlement, le juge Fadi Akiki a lancé lundi des poursuites contre 68 personnes, dont 18 sont actuellement sous les verrous, pour leur implication présumée dans les affrontements de Tayouné. Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), les poursuites ont été engagées pour meurtre, tentative de meurtre, incitation à la discorde confessionnelle, possession d'armes lourdes non-autorisées et destruction de biens publics et privés. Les dix-huit personnes actuellement en détention ainsi que le dossier ont été déférés devant le premier juge d'instruction militaire par intérim, Fadi Sawan. Selon des informations du quotidien arabophone an-Nahar, les poursuites lancées par contumace concernent notamment des habitants du quartier à prédominance chrétienne de Aïn el-Remmané, deux partisans d'Amal, des ressortissants syriens et un responsable sécuritaire des FL. Jeudi, M. Geagea avait indiqué, dans un entretien télévisé, avoir des informations provenant du ministère de la Défense, selon lesquelles des partisans du tandem chiite avaient été arrêtés dans le cadre de l'enquête, et non uniquement des proches des FL.
Les combats de Tayouné ont eu lieu en marge d'une mobilisation à laquelle avaient appelé Amal et le Hezbollah contre le juge Tarek Bitar, en charge de l'instruction sur la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, qu'ils accusent de politiser l'enquête. Parmi les sept morts tombés dans ces combats armés, trois étaient membres d'Amal et trois autres du Hezbollah, la dernière victime étant une civile. Depuis, le Hezbollah et les FL se livrent à une surenchère médiatique, par l'intermédiaire notamment de leurs chefs respectifs, Hassan Nasrallah et Samir Geagea.
Par ailleurs, le bureau du chef du mouvement Amal, Nabih Berry, a démenti des informations de presse selon lesquelles M. Geagea l'aurait appelé pour lui présenter ses condoléances pour les victimes des troubles du 14 octobre. Au cours du week-end, le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) avait accusé les FL et Amal de "collusion", ce qui avait provoqué une charge virulente du parti du chef du législatif à l'encontre du parti de Gebran Bassil.
commentaires (16)
Que Hasan Nasrallah et Nabil Berri se présentent d’abord…
LeRougeEtLeNoir
14 h 58, le 11 décembre 2021