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Culture - Exposition

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige réinventent le temps

La galerie parisienne In Situ-Fabienne Leclerc consacre ses cimaises à des séries de différentes époques des artistes et cinéastes libanais dans ce qui pourrait être vu comme une petite rétrospective de leur corpus d’œuvres conceptuelles.

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige réinventent le temps

« Under the Cold River Bed » (2020) ou l’histoire de la ville d’Orthosia, ensevelie sous Nahr el-Bared au Liban-Nord. Photo Aurélien Mole

Il est peut-être trop tôt pour mesurer l’étendue des transformations que nous vivons en ce moment et qui s’apprêtent à modeler le monde de demain. Mais ce qui est sûr, c’est que partout sur cette planète, et davantage au Liban, nous sommes face à ce que l’on appelle une rupture de l’histoire. Au milieu de ces grands effondrements, là où le présent semble vidé de tout, détaché à la fois d’un passé disparu et d’un futur impossible à imaginer, où regarder ? À quoi se rattacher ? De quelle manière avancer vers ce qui est à venir quand plus rien n’est ? C’est en partant de cette flopée de questions que le couple d’artistes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont pensé leur exposition Rewind Fast Forward qui se tient actuellement à la galerie In Situ-Fabienne Leclerc à Romainville dans la capitale française et dont ils expliquent le titre de la sorte : « Alors que nos vies sont complètement chamboulées, on se demande comment aborder le présent. Peut-être en explorant les lieux souterrains et invoquant ce qu’il y a sous nos pieds, comme si l’on pressait à la fois la touche rewind, en revenant en arrière, et la touche forward, en tentant de se projeter vers le futur. Le passé devient dès lors une possibilité de futur. »


« A State » (2019), une série de photos déconcertantes de 2,5 x 2,5 mètres qui cartographient des carottages effectués sur une montagne de détritus à Tripoli. Courtesy des artistes & galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Grand Paris

Passerelles secrètes

De prime abord, lorsqu’on retrouve au sein de l’exposition Rewind Fast Forward (qu’il conviendrait plutôt d’appeler une rétrospective tant des œuvres de diverses époques y conversent) une continuation de la série Trilogies (2018-2021) amorcée avec le projet Unconformities/Discordances pour lequel les artistes ont récupéré des carottages réalisés sur différents sites à travers le monde (Liban, Grèce et France) et qui leur avait valu le prix Marcel Duchamp en 2018, on pourrait facilement dire qu’on a affaire à de l’art qui tisse des passerelles secrètes entre différentes temporalités. Mais pas que. Car ce que Joana Hadjithomas et Khalil Joreige font là « en remettant les choses dans des cycles temporels plus longs », disent-ils, est une manière de réinventer le temps. La temporalité, avec eux, devient verticale, comme le témoigne par exemple A State (2019), une série de photos déconcertantes de 2,5 x 2,5 mètres qui cartographient des carottages effectués sur une montagne de détritus à Tripoli. Ces images, en plus de raconter 25 années d’empilement de déchets, proposent une nouvelle lecture, transversale, du temps. Avec Hadjithomas et Joreige, la temporalité se livre surtout à un jeu du hasard, quelque chose de l’ordre de la sérendipité, expliquent les artistes. « En 2018, nous avions été à une exposition à la Foire internationale Rachid Karamé à Tripoli, lieu conçu par le fameux architecte brésilien Oscar Niemeyer. Sous l’héliport en forme de soucoupe volante, nous avons découvert un espace abandonné que Niemeyer a réalisé pour accueillir un musée de l’espace. C’était presque fou, en sachant que nous avions travaillé sur le projet Lebanese Rocket Society. » De cet accident fortuit, les artistes ont voulu recréer l’utopie moderniste et humaniste de ce musée, en le reconstituant au sein de l’exposition Rewind Fast Forward sous le titre Scénario pour un musée et l’accompagnant d’œuvres extraites du projet Lebanese Rocket Society. Par ailleurs, l’œuvre Under the Cold River Bed (2020, travaillée en collaboration avec un groupe d’archéologues) raconte une autre histoire, également faite de hasards et de rebondissements inespérés, celle de la ville d’Orthosia autrefois disparue à la suite d’un tsunami en 551, et récemment retrouvée ensevelie sous le camp de Nahr el-Bared au Liban-Nord. Comme ce monde surgi de nulle part, ce monde que l’on croyait évaporé, le travail de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige nous rappelle qu’en dépit de ses failles, l’histoire est faite de cycles. L’espoir est permis...

« Rewind Fast Forward de Joana » Hadjithomas et Khalil Joreige à la galerie In Situ-Fabienne Leclerc, 43 rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville, France.

Il est peut-être trop tôt pour mesurer l’étendue des transformations que nous vivons en ce moment et qui s’apprêtent à modeler le monde de demain. Mais ce qui est sûr, c’est que partout sur cette planète, et davantage au Liban, nous sommes face à ce que l’on appelle une rupture de l’histoire. Au milieu de ces grands effondrements, là où le présent semble vidé de tout,...
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