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Moyen-Orient - Éclairage

Ankara veut prolonger ses opérations militaires en Irak et en Syrie

Le parti d’Erdogan a soumis mercredi au Parlement un projet de loi visant à étendre de deux ans le mandat de l’armée pour mener des opération transfrontalières contre les forces kurdes. Un mandat qui arrive à expiration le 30 octobre.

Ankara veut prolonger ses opérations militaires en Irak et en Syrie

Des soldats turcs au sud-est d’Idleb, dernière poche rebelle en Syrie soutenue par Ankara, le 10 février 2020. Omar Haj Kadour/AFP

L’issue du vote ne laisse presque aucun doute. Mais son enjeu est bien crucial pour Recep Tayyip Erdogan, qui a agité au cours des derniers jours la menace d’une opération militaire turque en Syrie contre les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), considérées comme une branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) classé terroriste par Ankara. Le parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir a soumis mercredi au Parlement un projet de loi visant à prolonger de deux ans le mandat permettant à l’armée turque de mener des opérations transfrontalières dans le nord de l’Irak et de la Syrie, a rapporté l’agence Anadolu. Depuis avril dernier, la Turquie – qui dispose d’une dizaine de bases militaires au nord de l’Irak – mène également une offensive terrestre et aérienne contre les bases du PKK dans la région. Le pays affirme régulièrement qu’il entend « s’occuper » de ces combattants « si Bagdad n’est pas en mesure de le faire ». Ces opérations transfrontalières devront s’arrêter le 30 octobre si les députés ne votent pas en faveur du texte. Il s’agit cependant d’une procédure de routine pour le reis, dont la coalition au pouvoir détient par ailleurs la majorité au Parlement. « Dans la plupart des cas, même les partis d’opposition, à l’exception du parti kurde, soutiennent ce vote et la prolongation est toujours accordée », observe Özgür Ünlühisarcikli, directeur du bureau d’Ankara au German Marshall Fund. Pour la première fois, le président turc a cependant sollicité une prolongation de deux ans, au lieu d’un an habituellement. « Il ne semble pas y avoir de raison spécifique pour cela, si ce n’est que deux ans donnent la possibilité à Erdogan de mener une opération militaire pendant une campagne électorale », nuance Henri J. Barkey, chercheur au Council on Foreign Relations, alors que le scrutin présidentiel turc doit se tenir en juin 2023. « Il ne voulait peut-être pas risquer un débat dans un an, surtout lorsque sa popularité décline rapidement », poursuit-il.

Éliminer les menaces

Le projet de loi de l’AKP survient quelques jours seulement après que Recep Tayyip Erdogan eut promis de répliquer à une attaque attribuée au YPG à Aazaz – petite ville de Syrie située dans le gouvernorat d’Alep et administrée par Ankara – ayant tué deux policiers turcs et blessé deux autres. « Nous sommes déterminés à éliminer les menaces émanant de ces lieux avec les forces qui y sont actives ou avec nos propres moyens », avait déclaré le 11 octobre le président turc à la télévision.

Depuis 2016, la Turquie a mené trois opérations transfrontalières dans le pays ravagé par plus de dix ans de guerre dans le but officiel de prévenir toute insurrection sur son sol fomentée par les milices kurdes depuis la Syrie. Les forces turques et les factions syriennes soutenues par Ankara contrôlent désormais trois zones du pays : la région d’Idleb, dernière proche rebelle de Syrie ; Afrine, ancienne enclave kurde prise par la Turquie en mars 2018 à l’issue de son opération baptisée « Rameau d’olivier » – toutes deux situées au nord-ouest – ; et la ville de Ras al-Aïn, située dans le gouvernorat de Hassaké au nord-est.

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Alors que les attaques attribuées aux militants du YPG contre les forces de sécurité turques ou les civils habitant les zones contrôlées par Ankara se sont multipliées au cours des dernières semaines, certains observateurs ont récemment laissé entendre que la Turquie pourrait s’appuyer sur les troupes qu’elle soutient en Syrie au lieu de son propre contingent pour prendre une zone aux mains des milices kurdes. « La Turquie considère la présence des YPG dans le nord de la Syrie non seulement comme un problème de sécurité frontalière, mais s’inquiète également de la possibilité qu’un État kurde se forme en Syrie, explique Özgür Ünlühisarcikli. Les opérations menées par Ankara visent ainsi à assurer la sécurité de ses frontières mais aussi à perturber le plan kurde de création d’une région autonome et à assurer la sécurité des factions en Syrie contrôlées par la Turquie. »

Cette stratégie pourrait avoir été discutée par Recep Tayyip Erdogan lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine fin septembre à Sotchi. « Poutine et Erdogan ont des agendas très différents. L’accord que les deux dirigeants ont pu mettre en place n’est peut-être pas aussi précis qu’il n’y paraît, estime Henri J. Barkey. Poutine veut séparer Erdogan des États-Unis ou du moins créer des problèmes dans cette relation déjà houleuse. Il peut donc avoir donné son feu vert (à une opération dans la région). En revanche, il ne veut pas trop affaiblir la main d’Assad et souhaite que les Kurdes négocient avec Damas. »

Concessions

Parmi les zones susceptibles de se trouver dans la ligne de mire du président turc : Tall Rifaat, ville du gouvernorat d’Alep prise aux rebelles par le YPG en 2016 et où la Russie exerce une influence. « Il est peu probable que Moscou autorise Ankara à mener une incursion à Tall Rifaat, zone-tampon entre les régions contrôlées par la Turquie et Alep, reprise par le régime syrien, estime Özgür Ünlühisarcikli. En cas de contrôle turc de cette ville, Alep ne serait pas sécurisée aux yeux du régime syrien. Si la Russie a donné son accord là-dessus, la Turquie a dû faire d’importantes concessions au sujet d’Idleb, ce qu’elle ne peut pas se permettre. »

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Certains observateurs estiment en outre que le timing d’une telle opération n’est pas idéal, alors que la Turquie cherche à améliorer ses relations avec Washington – qui soutient les milices kurdes en Syrie dans sa lutte antiterroriste contre Daech. Les récents développements surviennent en effet alors qu’Ankara cherche à se procurer 40 avions de combat américains F-16 et près de 80 kits de modernisation pour sa flotte actuellement en service. Les relations entre les deux pays s’étaient tendues suite à l’acquisition turque en 2019 des systèmes de défense antimissile S-400 de fabrication russe, un achat sanctionné par les États-Unis. « Erdogan s’appuiera probablement d’abord sur la diplomatie, avance Özgür Ünlühisarcikli. Il met la carte de l’incursion sur la table afin de voir ce que ses homologues américain et russe peuvent lui offrir pour empêcher une opération militaire. » Ce dossier figurera probablement au sein de la réunion prévue au cours du mois entre les présidents turc et américain en marge du sommet du G20 à Rome.

L’issue du vote ne laisse presque aucun doute. Mais son enjeu est bien crucial pour Recep Tayyip Erdogan, qui a agité au cours des derniers jours la menace d’une opération militaire turque en Syrie contre les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), considérées comme une branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) classé terroriste par Ankara. Le parti...

commentaires (1)

Neither Turkey nor Syria accepts the establishment of an autonomous kurdish State on their respective territories,as stipulated in the Adana Agreement signed between the two countries.So why does Turkey maintain a military presence in Syria? M.Z

ZEDANE Mounir

12 h 48, le 22 octobre 2021

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Commentaires (1)

  • Neither Turkey nor Syria accepts the establishment of an autonomous kurdish State on their respective territories,as stipulated in the Adana Agreement signed between the two countries.So why does Turkey maintain a military presence in Syria? M.Z

    ZEDANE Mounir

    12 h 48, le 22 octobre 2021

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