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Économie - Subventions

Les prix des carburants désormais calculés au taux du marché

Le dernier relèvement décisif des tarifs survient au moment où des responsables du Fonds monétaire international sont en visite officielle à Beyrouth.

Les prix des carburants désormais calculés au taux du marché

Au printemps dernier, les autorités libanaises entamaient une levée progressive des subventions des prix en livres dont bénéficiaient les importateurs et distributeurs d’essence, de mazout et de gaz domestique. Une mauvaise nouvelle annoncée à grand renfort d’éléments de langage et de promesses d’aménagement à des Libanais aux finances déjà asséchées par près de deux ans de crise. Aussi opaque qu’irrégulier et ponctué de fausses alertes, le processus semble être arrivé à son terme hier, comme le suggère la nouvelle grille tarifaire publiée par le ministère de l’Énergie et de l’Eau et dans laquelle tous les prix ont nettement augmenté par rapport à leurs niveaux déjà globalement en hausse depuis plusieurs semaines.

Si le gouvernement n’a pas fait d’annonce, plusieurs représentants des filières de distribution l’ont confirmé à L’Orient-Le Jour : le taux dollar/livre pris en compte pour calculer les prix en livres est désormais aligné sur celui du marché parallèle du moment qui gravite autour de 20 500 livres pour un dollar. Le taux retenu par le ministère était encore de 16 000 à 17 000 livres la semaine dernière, sauf pour le mazout vendu au kilolitre et qui est facturé en dollars frais depuis septembre dernier.

La levée des subventions sur les carburants a une nouvelle fois fait bondir les prix à la pompe. Photo P.H.B.

Addition salée

Selon le porte-parole du syndicat des propriétaires de station-service Georges Brax ainsi que les différentes sources contactées, les taux employés oscilleraient entre 20 000 et 20 700 livres pour un dollar en fonction des types de carburant. Les cours du carburant pris en compte incluent la moyenne affichée sur 4 semaines, ajoute le syndicaliste. Ceux du gaz ou du pétrole sont en hausse sur les marchés internationaux. Le ministère a, lui, publié un document détaillant les différents éléments pris en compte dans ses calculs pour le prix de l’essence à 98 octane. Le taux de change y est fixé à 20 000 livres pour un dollar et la grille tient compte d’un indice relayé par la société S&P Global Platt qui mesure la moyenne des cours du pétrole sur 4 semaines, entre autres éléments. Qu’il s’agisse d’une imprécision de la part du ministère ou des distributeurs, l’addition finale reste de toute façon extrêmement salée pour le consommateur.

• Les 20 litres d’essence à 95 et 98 octane (ordinaire et super) ont bondi d’environ 25 % par rapport à leur précédent niveau, pour atteindre respectivement 302 700 et 312 700 livres (le super est devenu quasi introuvable sur le marché au fur et à mesure que la crise s’est étendue).

• Le prix en livres des 20 litres de diesel, qui est applicable uniquement aux transporteurs dont les véhicules consomment ce type de carburant, a pris 15 %, soit 270 700 livres.

• Les 1 000 litres de mazout achetés par les propriétaires de générateur privé coûtent désormais 640 dollars, soit une hausse moins sévère, de presque 4 % (le supplément de transport de 182 000 livres par kilolitre n’a pas bougé).

• Enfin, le prix de la bonbonne de gaz de 10 kg n’a augmenté « que » de près de 4,5 %, pour être fixé à 229 600 livres, mais cette variation est toutefois la 4e en moins de deux semaines. À titre de comparaison, ce prix a augmenté de près de 29 % depuis le 12 octobre.

Selon les distributeurs, la Banque du Liban est a priori toujours disposée à échanger ses dollars contre des livres fournies par les importateurs d’essence selon le même mécanisme qu’elle avait mis en place pour subventionner certaines importations. Cela ne semble plus être le cas en revanche pour ceux de mazout et de gaz. Ceux-ci ne seront donc pas encore obligés de chercher eux-mêmes les dollars sur le marché, sauf changement. Mais rares sont les voix qui estiment que la banque centrale maintiendra encore longtemps cette procédure et qui appréhendent alors l’impact de sa suppression sur le taux de change ainsi que la capacité de la filière à se réapprovisionner.

Pour mémoire

Où et comment a été distribué, jusqu’à présent, le fuel iranien au Liban ?

Un risque qui devrait être toutefois mitigé, au moins pour l’essence, par la baisse spectaculaire de la fréquentation des stations-service dont les allées désormais clairsemées de véhicules contrastent violemment avec les scènes de cohue que le Liban a connues pendant l’été. Idem pour le mazout, les propriétaires de générateur étant nombreux à rationner leur production pour éviter de se retrouver avec trop d’usagers incapables de payer leur facture.

« Mendier » auprès du FMI

Au-delà des chiffres, il convient de noter que la levée définitive des subventions a été actée plus tôt que ce qu’avait anticipé mardi Georges Brax, qui s’attendait à un étalement des dernières étapes de la levée des mécanismes de subvention sur les trois semaines à venir, mais qui a reconnu hier à la radio que ceux-ci faisaient désormais partie du passé. « On peut dire aujourd’hui que les prix sont en dollars », a renchéri le président du Service de protection des consommateurs, Zouhair Berro, que nous avons contacté.

Si rien n’a permis hier de confirmer l’existence d’un lien de cause à effet, le fait que les dirigeants aient finalisé cette levée à six mois des élections législatives et sans que la carte d’approvisionnement – le dispositif d’aides directes aux plus démunis voté fin juin – n’ait été mise en place survient pile au moment de la visite de plusieurs hauts responsables du Fonds monétaire international (FMI) à Beyrouth. Ce lien, Zouhair Berro n’hésite pas à le faire. « Après avoir épuisé les réserves de devises du pays pour rester en place malgré la crise, la classe politique s’empresse désormais de mendier des dollars auprès du FMI », a-t-il lancé.

L’organisation a confirmé mardi avoir renoué le contact avec le Liban pour relancer les discussions préliminaires à des négociations pouvant aboutir au déblocage d’un programme d’assistance financière impliquant la mise en œuvre de réformes structurelles. Or, la hausse des prix des carburants consommés par le pays – que ce soit via la suppression des subventions ou la majoration des taxes et des droits d’accise – a toujours figuré dans les recommandations adressées au Liban par le Fonds dans le cadre de sa mission de surveillance financière (consultations annuelles au titre de l’article IV).

La situation du pays et la tenue de ces discussions ont été au centre d’une réunion hier entre le ministre de l’Économie et du Commerce, Amine Salam, et la délégation du FMI conduite par son directeur exécutif, Mahmoud Mohieddine. Aucun détail précis sur le contenu de la réunion n’a été communiqué par les participants, mais le ministre a néanmoins clarifié des propos qu›il avait relayés dans la presse dans la matinée et selon lesquels le gouvernement projetait de stabiliser le taux à 12 000 livres pour un dollar, notant qu’il s’agissait d’un objectif à moyen terme ayant comme point de départ le succès des négociations avec le FMI. Mahmoud Mohieddine a, lui, poursuivi sa tournée entamée mardi en se rendant ensuite chez le ministre des Finances, Youssef Khalil.

Menaces des syndicats

En attendant ce dénouement hypothétique, les Libanais devront composer avec cet ajustement somme toute brutal des prix des carburants par rapport à leurs conditions de vie. « Avec les nouveaux prix, un salaire minimum de 650 000 livres équivaut à trois bonbonnes de gaz », a déclaré à L’Orient-Le Jour le président du syndicat des distributeurs de ce produit, Jean Hatem. Pour Zouhair Berro, cet ajustement parachève la levée de la quasi-totalité des subventions mises en place au début de la crise (seul le blé servant à fabriquer le pain arabe et certains médicaments « vitaux » bénéficient encore du mécanisme). S’il juge cette levée inéluctable, il critique néanmoins le temps et l’argent perdus à cause des chemins détournés empruntés par la classe dirigeante pour adopter cette mesure impopulaire. Il souligne enfin la responsabilité des banques dans la crise actuelle, lesquelles ont restreint de manière illégale l’accès de leurs clients à leurs avoirs en devises. Une situation qui dure depuis l’automne 2019 et que ni la BDL ni le Parlement n’a encore corrigée.

La hausse des prix des carburants a enfin été accueillie avec moult fracas par les transporteurs publics. Peu après leur publication, des chauffeurs de taxi ont coupé la route menant à la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, afin de dénoncer la flambée des prix des carburants, tandis que d’autres se sont réunis à Jdeidé (porte nord de Beyrouth). Le président de la Fédération des syndicats des transports terrestres, Bassam Tleiss, a, lui, menacé de majorer lui-même dès lundi prochain les tarifs appliqués par la profession (taxis, et taxis-services notamment) sans attendre l’aval des autorités. Enfin, le président de la Confédération générale des travailleurs libanais (CGTL), Béchara Asmar, a, lui, mis en garde contre « une paralysie totale de l’activité économique » ainsi qu’une « grande explosion sociale », avant d’appeler les autorités à lancer la carte d’approvisionnement.

Au printemps dernier, les autorités libanaises entamaient une levée progressive des subventions des prix en livres dont bénéficiaient les importateurs et distributeurs d’essence, de mazout et de gaz domestique. Une mauvaise nouvelle annoncée à grand renfort d’éléments de langage et de promesses d’aménagement à des Libanais aux finances déjà asséchées par près de deux ans de...
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"""la Banque du Liban est a priori toujours disposée à échanger ses dollars contre des livres fournies par les importateurs d’essence""" c a d, que la BDL devra acheter les $ necessaires a l'ouverture des lettres de credits puisqu'elle n'utilise plus SES/NOS $ appeles reserves obligatoires ! les acheter de quel marche? de qui? des mafias(si elles existaient ) ? PS. ET SI ELLE LES ACHETAIT DE CES MEMES VOLEURS DE LA NATIONS LEUR FAISANT FAIRE ENCORE PLUS DE PROFITS?

Gaby SIOUFI

09 h 56, le 21 octobre 2021

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  • """la Banque du Liban est a priori toujours disposée à échanger ses dollars contre des livres fournies par les importateurs d’essence""" c a d, que la BDL devra acheter les $ necessaires a l'ouverture des lettres de credits puisqu'elle n'utilise plus SES/NOS $ appeles reserves obligatoires ! les acheter de quel marche? de qui? des mafias(si elles existaient ) ? PS. ET SI ELLE LES ACHETAIT DE CES MEMES VOLEURS DE LA NATIONS LEUR FAISANT FAIRE ENCORE PLUS DE PROFITS?

    Gaby SIOUFI

    09 h 56, le 21 octobre 2021

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