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Moyen-Orient - Analyse

De Bagdad à Beyrouth, Téhéran broie du noir... en essayant de sauver la face

En Irak comme au Liban, l’Iran est confronté au rejet grandissant des populations, mais dispose de la puissance des armes pour y faire face.

De Bagdad à Beyrouth, Téhéran broie du noir... en essayant de sauver la face

Des partisans irakiens du Fateh assistent à un rassemblement électoral à Bagdad, le 5 octobre 2021. Photo AFP

Au Liban, elle est confrontée au retournement de l’opinion publique chrétienne contre ses alliés. Exit le temps du Hezbollah comme prétendu barrage à l’État islamique, et plus généralement au jihadisme sunnite. Le parti de Dieu est dorénavant perçu par une grande partie d’entre elle comme l’obstacle numéro un à l’établissement des responsabilités dans le cadre de l’enquête sur la double explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. En Syrie, la République islamique est contrainte par son partenaire mais rival russe de réduire sa présence dans l’aéroport de Damas, le tout pour satisfaire son ennemi juré, Israël. En Irak, alors que la plupart des chiites soutenaient le recours à la coalition paramilitaire d’al-Hachd al-Chaabi (PMF) pour vaincre la menace existentielle de l’EI, le bras politique des PMF – l’alliance du Fateh appuyée par Téhéran – s’est effondré au scrutin législatif du 10 octobre, dans un contexte d’abstention massive. En d’autres termes, l’Iran est d’humeur contrariée. Or, quand il est d’humeur contrariée, il réagit de deux manières : en criant à la conspiration d’une part ; en faisant monter la pression par les armes d’autre part. En témoigne à la fois la réaction de ses partisans au Liban dans le cadre de l’investigation relative au drame du 4 août, et en Irak après leur débâcle aux élections. Une attitude qui s’inscrit dans la continuité du renvoi par les autorités iraniennes des soulèvements populaires irakien et libanais d’octobre 2019 au rang de manigance ourdie de l’étranger.

Geagea et Sadr

À Beyrouth, les événements tragiques qui ont pris en otage la population de Tayouné jeudi dernier– opposant des miliciens affiliés au Hezbollah et au mouvement Amal à des hommes armés, visiblement issus ou proches des Forces libanaises– ont ravivé le souvenir funeste de la guerre civile et des haines sectaires. Si les principaux intéressés se rejettent la faute du déclenchement des hostilités, les choses paraissent, pour Téhéran, on ne peut plus claires. À en croire la une du 15 octobre de la version internationale du Keyhan, le quotidien dirigé par le bureau du guide suprême de la République islamique, il s’agit d’un « complot américain pour entraîner le Liban dans la guerre civile ». La situation irakienne quant à elle donne à voir une réponse double, avec d’une part une contre-attaque verbale des supplétifs de Téhéran dans le pays, et d’autre part une réaction prudente des médias iraniens. Du côté des milices, on n’hésite pas à souligner une « fraude électorale » historique. Le chef de l’alliance du Fateh, Hadi el-Ameri, a ainsi indiqué le 12 octobre que son bloc « n’acceptera pas ces résultats fabriqués, quel qu’en soit le coût ». Une déclaration du Comité de la coordination de la résistance publiée samedi dernier affirmait en outre que « les résultats des élections avaient été manipulés par des mains étrangères ».

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Si Moqtada Sadr, dont la liste est arrivée largement en tête des législatives, peut, de manière plus ou moins explicite, faire l’objet de critiques issues des rangs du Hachd au sujet d’une éventuelle connivence avec le royaume wahhabite et les EAU – l’homme fort de la scène politique irakienne ayant, depuis 2017, commencé à renforcer ses liens avec les deux États de la péninsule Arabique–, la République islamique joue pour le moment la carte de la prudence le concernant. Le média conservateur Jam e-Jam insiste par exemple sur le fait que les « courants chiites » et de la « Résistance » ont obtenu le plus de voix. Un arrangement avec la réalité qui vise à sauver la face. Repris par le site Amwaj, l’expert iranien de l’Irak, Morteza Mousavi Khalkhali, a confié le 13 octobre à l’agence ILNA que Moqtada Sadr œuvrait au rapprochement avec les pays du Golfe. D’autres préfèrent cependant voir en lui le chantre de l’opposition à l’occupation américaine de l’Irak, ou encore celui qui a appelé ses partisans à déserter les places publiques au lendemain de l’élimination par Washington de Kassem Soleimani, ancien commandant en chef au sein des gardiens de la révolution iranienne, ou encore d’Abou Mahdi el-Mohandis, ex-leader de facto des PMF. En résumé, si pour l’Iran Samir Geagea fait office au Liban d’ennemi tout désigné – en témoigne la une du quotidien proche du Hezbollah al-Akhbar qui le dessine sous les traits d’Adolf Hitler dans son édition de vendredi –, le constat est plus nuancé concernant M. Sadr.

Pour autant, même si Téhéran se montre ambigu vis-à-vis du clerc chiite, les proches du Hachd en Irak multiplient les sorties belliqueuses. Dans une récente intervention télévisée, Ahmad Abdulsadah, l’un des commentateurs pro-PMF les plus radicaux dans le pays, a estimé que la réponse de l’Alliance du Fateh aux résultats électoraux pourrait se « militariser », avec, notamment, des actions contre les Émirats arabes unis – avec qui le Premier ministre sortant Moustapha al-Kazimi a de bonnes relations – qu’il accuse d’avoir parrainé la falsification du scrutin. Une démarche qui cependant pourrait davantage relever de l’effet d’annonce que d’une réelle intention. Avec pour objectif d’assurer l’intégration du Fateh dans la coalition gouvernementale qui doit se mettre en place dans les mois qui viennent.

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Car il n’est pas sûr qu’il soit véritablement dans l’intérêt de la maison mère iranienne de faire monter la pression au point de remettre en cause l’un des buts principaux de politique étrangère du gouvernement ultraconservateur du président Ebrahim Raïssi, proche du guide suprême, à savoir la normalisation des relations avec Riyad, allié d’Abou Dhabi.

Ni milices ni alliés

Un communiqué publié le 14 octobre par le porte-parole du parti Huqooq, la formation politique liée au Kataëb Hezbollah, l’une des plus puissantes factions au sein des PMF, rappelle que ce sont les acteurs locaux non armés qui courent le plus gros danger. Ainsi, l’annonce s’en prend directement aux membres de la Commission électorale et à des « hommes du Premier ministre au sein des services de renseignements nationaux » qu’il accuse d’avoir altéré les résultats en faveur du mouvement Emtidad, l’une des formations issues de l’intifada d’octobre à s’être présentées aux élections. C’est là l’une des menaces les plus concrètes. Prendre, certes, pour cible Moustapha al-Kazimi, très faible sur la scène politique intérieure, pour l’empêcher de proroger son mandat ou l’obliger à de nouvelles concessions au Hachd, s’il est reconduit. Mais surtout, cibler les contestataires et les opposants politiques qui risquent de payer le prix le plus cher aujourd’hui. Car contrairement aux puissances étrangères contre qui toute attaque pourrait donner lieu à une riposte nettement plus forte, en plus de compromettre les objectifs diplomatiques de Téhéran, les voix dissidentes en Irak n’ont ni milice ni alliés pour les protéger.

Au Liban, elle est confrontée au retournement de l’opinion publique chrétienne contre ses alliés. Exit le temps du Hezbollah comme prétendu barrage à l’État islamique, et plus généralement au jihadisme sunnite. Le parti de Dieu est dorénavant perçu par une grande partie d’entre elle comme l’obstacle numéro un à l’établissement des responsabilités dans le cadre de...

commentaires (6)

The "Mighty" Iran! The "Mighty" Pasdaran! The "Mighty" Hezbollah. Ils ont essuyé des défaites locale et en Irak. Quelle gifle en Irak, et quelle fessée par les habitants de 3ayn el remeneh. Bassil Gebran est un soumis, sans aucun Charisme, ni envergure. Le 16 octobre tout ce que j'ai vu c'est des milliers de Collabos Iraniens avec leur chef. Les événements du 14 Octobre 2021, pour moi fût un BASTA par la population Libre du Liban, envoyé son déboussolé Hassan Nasrallah. Liban Neutre, souverain et libre!

Marwan Takchi

20 h 43, le 19 octobre 2021

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Commentaires (6)

  • The "Mighty" Iran! The "Mighty" Pasdaran! The "Mighty" Hezbollah. Ils ont essuyé des défaites locale et en Irak. Quelle gifle en Irak, et quelle fessée par les habitants de 3ayn el remeneh. Bassil Gebran est un soumis, sans aucun Charisme, ni envergure. Le 16 octobre tout ce que j'ai vu c'est des milliers de Collabos Iraniens avec leur chef. Les événements du 14 Octobre 2021, pour moi fût un BASTA par la population Libre du Liban, envoyé son déboussolé Hassan Nasrallah. Liban Neutre, souverain et libre!

    Marwan Takchi

    20 h 43, le 19 octobre 2021

  • JOBRANO aka TOUT PTI GENDRE REALISE T IL L'ENFER OU LUI ET SON BO DADDY NOUS ONT FOUTUS DEPUIS LEUR ALLIANCE AVEC KHOMEYNI?

    Gaby SIOUFI

    16 h 49, le 19 octobre 2021

  • Imagine le Liban transformée en République islamiste (chiite), avec une censure totale, une police de la pensée et des gestes équipée de matraques et de fouets, où les femmes seraient toutes voilées de noir, où nos enfants bénéficieraient des très stupides programmes scolaires hezbolites pour fabriquer des supers crétins prêts à tous les sacrifices y compris les plus macabres. Quelle différence avec les islamistes sunnites me diriez-vous ? Aucun, en fait. C'est pour cela que la France a ressusciter le Liban biblique, la Phenicie, pour les Chrétiens, plus particulièrement pour les maronites (catholiques) autrefois majoritaire à eux tout seul. Seulement voilà les invasions palestiniennes, syriennes, iraniennes sont passées par là !

    Nicolas ZAHAR

    16 h 33, le 19 octobre 2021

  • De Téhéran à Beyrouth en passant par Bagdad, Téhéran broie du noir... en essayant de sauver la face" devrait lire le titre car les iraniens rejettent leur classe gouvernante mais se font écraser toujours de façon sauvage. Un régime qui n'a à offrir à son peuple que la violence et le désespoir ne saurait exporter que la violence et le désespoir avec, en option gratis, la mort.

    Wlek Sanferlou

    15 h 07, le 19 octobre 2021

  • LES MOLLAHS IRANIENS ET LEURS ACCESSOIRES AU LIBAN SONT LES PROVOCATEURS DE TOUTE LA REGION ET LES DESTRUCTEURS DU LIBAN, DE LA SYRIE, DE L,IRAQ, DU YEMEN ET ONT ESSAYE DE DETRUIRE LE BAHREIN. AU LIBAN ILS ONT RECU UNE LECON INOUBLIABLE DES HABITANTS DE TAYYOUNE ET AIN EL REMMANEH COMME AVANT DE L,ACHRAFIEH. ILS SONT AUX ABOIS ET ILS LE SAVENT, LES IRANIENS ET LEURS SUPPOTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 51, le 19 octobre 2021

  • Vous parlez de M Geagea dans l’article. Faut savoir que suite aux provocations, destructions, casse et insultes faites par le Hezbollah en plein quartier chrétien de Ain el remmaneh…. La riposte des habitants a été exemplaire. Le nom de M GEAGEA a été cité par le Hezbollah parce qu’il fallait bien désigner un adversaire… nommer « les habitants de Ain el remmaneh , tayyouneh et BADARO ?? Serait leur déclarer la guerre. M GEAGEA est le bouc émissaire à chaque fois… Ainsi, ils pourraient raviver encore plus la tension pour permettre au gendre de plonger dans le piège tendu par le Hezbollah… ils s’attendent maintenant que le gendre attaque les FL… c’est le but de nasrallah… diviser encore plus les chrétiens dont Franjieh en fait partie … il l’a cité aussi en ravivant de vieux dossiers et ouvrant diverses pages maudites de l’histoire entre FL et Marada… il est DIABOLIQUE, ce nasrallah… ATTENTION aux divisions et pièges qu’il sème et tend à chacun. A l’approche des élections présidentielles, il en profite pour attiser les divisions.

    LE FRANCOPHONE

    14 h 17, le 19 octobre 2021

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