Énième rebondissement dans l'affaire de l'enquête sur les explosions au port de Beyrouth qui avaient fait le 4 août 2020 plus de 200 morts et dévasté des quartiers entiers de la capitale. Une heure après le lancement d'un mandat d'arrêt contre le député et ancien ministre Ali Hassan Khalil, par le juge Tarek Bitar, ce dernier était de nouveau dessaisi de l'enquête. Les responsables de tous bords refusent d'être interrogés par le juge, même si les autorités ont imputé le drame au stockage sans mesures de précaution d'énormes quantités de nitrate d'ammonium.
Mardi matin, le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, a en effet lancé un mandat d'arrêt contre Ali Hassan Khalil, poursuivi dans cette affaire et qui a refusé de se présenter devant la justice. Mais peu après l'émission de ce mandat par contumace, le juge a été une deuxième fois temporairement dessaisi de l'enquête, après avoir été informé de la nouvelle plainte déposée contre lui par M. Khalil et Ghazi Zeaïter, également ancien ministre et député du mouvement Amal. Une information rapportée par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle) et confirmée par une source judiciaire à notre publication-sœur L'Orient Today. L'enquête est donc de nouveau suspendue jusqu'à ce que la Cour de cassation tranche sur la demande de dessaisissement, et les interrogatoires prévus mercredi, ceux de M. Zeaïter et du député Nouhad Machnouk, sont reportés.
Ce recours avait été présenté lundi par les avocats des deux membres du Parlement devant le premier président de la Cour de cassation, Souhail Abboud, qui est également président du Conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci avait ensuite déféré la demande devant la première chambre civile de la Cour de cassation de Naji Eid, et la notification a alors été envoyée au juge Bitar. Cette nouvelle procédure lancée par MM. Khalil et Zeaïter avait été entamée après le rejet, il y a 24 heures, par la chambre civile de la Cour de cassation d'une demande de dessaisissement du magistrat présentée par les mêmes députés. La cour s'était déclarée incompétente pour traiter cette plainte, M. Bitar ne faisant pas partie des magistrats de la Cour de cassation, sur lesquels la chambre saisie a le droit de statuer concernant les demandes de dessaisissement.
Enquête "sélective"
Ali Hassan Khalil, bras droit du président de la Chambre, Nabih Berry, ne peut pas, pour le moment, se prémunir de son immunité parlementaire, la session ordinaire de la Chambre ne devant reprendre que le 19 octobre, soit exactement dans une semaine. Il devait être entendu par le juge Bitar pour son implication présumée, mais il semblait clair qu'il n'entendait pas répondre à la convocation, estimant que la Cour de justice n'est pas compétente pour poursuivre des responsables politiques et que le magistrat mène son enquête de manière "sélective", selon une source du mouvement Amal.
M. Khalil est le deuxième responsable visé par un mandat d'arrêt dans ce dossier, après l'ancien ministre des Transports et des Travaux publics Youssef Fenianos. Avec MM. Zeaïter, Machnouk et l'ancien Premier ministre Hassane Diab, ainsi que plusieurs responsables sécuritaires et judiciaires, ils sont poursuivis pour "intention présumée d'homicide, négligence et manquements".
"Parodie de justice"
"Il y a une décision politique de ne pas permettre au juge de travailler", a réagi Nizar Saghieh, directeur de l'ONG juridique Legal Agenda à ces derniers développements. "Les forces qui le contestent épuisent pour le moment tous les recours juridiques, mais il est clair que certaines parties sont prêtes à recourir à des moyens non légaux pour l'empêcher de travailler", a-t-il dit à l'AFP. Selon M. Saghieh, le discours violent de Hassan Nasrallah de lundi soir, à l'encontre du juge Bitar, montre par ailleurs que la classe politique avait "perdu patience". Le chef du parti chiite avait accusé le magistrat de politiser l'enquête et appelé à ce qu'elle soit confiée à un autre juge.
Aya Majzoub, de Human Rights Watch, a de son côté estimé que "la ligne de conduite adoptée par les politiciens dans l'affaire tourne à la parodie" de justice. "Les politiciens déposent toutes les plaintes auxquelles ils peuvent penser pour suspendre l'enquête (...) dans une tentative ridicule d'échapper à la justice", a-t-elle déclaré à l'AFP.
La Conseil supérieur chiite a, pour sa part, appuyé la prise de position du chef du Hezbollah, affirmant que l'affaire ne pouvait pas "être politisée" ni servir à exercer une "vengeance politique". "Jour après jour, le juge d'instruction s'éloigne de la voie de la justice et fait preuve de clientélisme", soutient la haute instance religieuse, qui dénonce "le silence des hautes autorités judiciaires".
Tony Saliba et Abbas Ibrahim
Par ailleurs, le Conseil supérieur de défense, réuni à Baabda sous la présidence de Michel Aoun, a examiné la demande d’autorisation de poursuivre le directeur de la Sécurité de l’État, Tony Saliba, que lui avait adressée le juge Tarek Bitar, et "a pris la décision qui convient à ce sujet", selon un communiqué publié à l'issue de la réunion. Le général Saliba, réputé proche du président, est soupçonné par M. Bitar de manquements aux devoirs de sa fonction ayant entraîné la mort de centaines de personnes. Si le communiqué du Conseil supérieur de défense n'a pas voulu donner des détails, ses décisions devant rester secrètes, en vertu de la loi, plusieurs médias locaux ont rapporté que l'autorisation requise par le juge Bitar ne lui a pas été accordée. Le Conseil avait déjà refusé en août de statuer sur cette demande, estimant qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour inculper Tony Saliba et la semaine dernière, l'avocat général près la Cour de cassation, Imad Kabalan, avait décidé qu’il n’engagerait pas de poursuites à son encontre.
Lundi, le ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, avait de son côté rejeté, comme l’avait fait son prédécesseur, la demande d’autorisation que lui avait adressée récemment le juge pour interroger le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim. M. Maoulaoui a motivé sa décision par le fait que cette demande ne comporte que les éléments sur la base desquels son prédécesseur, Mohammad Fahmi, avait refusé l’autorisation, comme pour affirmer qu’en l’absence d’indices supplémentaires fournis par M. Bitar, il s’en tiendra à la décision de M. Fahmi.
Les commentaires vont bon train…n’empêche que les personnes visées n’ont aucun amour-propre, aucune dignité et surtout elles sont sans scrupules se croyant au dessus des lois à commencer par la taupe du sous-terrain qui donne l’exemple et pousse ses sbires à continuer leurs attaques.
07 h 50, le 13 octobre 2021