Attendue depuis mercredi, la nouvelle grille des prix des carburants fixés par le ministère de l’Énergie et de l’Eau a finalement été publiée hier. Et l’addition est salée pour les automobilistes touchés par la crise. Le prix des 20 litres d’essence 95 octane (ordinaire) a en effet bondi de 27 400 livres pour arriver à 233 800 livres, soit +13,3 % par rapport au prix précédent publié dix jours plus tôt. L’essence 98 octane a pris 27 900 livres pour atteindre 241 400 (+13 %).
Ce prix est calculé en fonction d’un indice des cours mondiaux du brut mesuré via un indice spécifique (le « Platts Unloaded Gasoline 10 ppm »), ainsi que des coûts fixes, tous convertis à un taux de 17 000 livres pour un dollar, selon deux sources concordantes. Le taux de change sur le marché parallèle, devenu en deux ans de crise marqueur de la valeur de la monnaie nationale, est repassé au-dessus des 19 000 livres hier.
Bond de 828 % en un an
Il s’agit de la plus forte hausse des prix de l’essence, après le bond de près de 50 000 livres en un mois à mi-septembre, lors des dernières phases de la levée des subventions sur les importations d’essence, de mazout et de gaz. Un processus dont les autorités parlent depuis plus d’un an mais qu’elles n’ont entamé qu’au printemps, tout en communiquant de manière très lacunaire.
Pour donner un ordre d’idées de l’ampleur de l’opération, le prix des 20 litres d’ordinaire a bondi de 85 % par rapport à son niveau le 8 septembre (126 400 livres) et de 828 % en un an (25 200 livres).
Il y a un mois, le mécanisme de subventions de la Banque du Liban (BDL) permettait aux importateurs d’échanger leurs livres pour obtenir de la BDL 100 % des dollars demandés par leurs fournisseurs à 8 000 livres pour un dollar, contre 18 500 livres pour un dollar environ sur le marché parallèle au même moment. Il y a un an, le même mécanisme leur ouvrait la possibilité d’échanger leurs livres pour obtenir 90 % des dollars demandés que la BDL décaissait au taux de 1 507,5 livres, à charge pour eux de fournir les 10 % de dollars restants. Le taux du marché parallèle était alors de 8 000 livres pour un dollar. Les autres carburants ont suivi des courbes similaires, à quelques différences près, notamment sur le dernier mois.
Le ministère fixe par exemple deux prix pour le mazout. Un premier toujours fixé en livres et passé hier à 207 900 livres pour un bidon de 20 litres (+13,11 % ou 24 300 livres depuis la dernière mise à jour), réservé à certaines catégories de transporteurs, notamment publics. Et un second en dollars, mais avec une portion en livres pour le transport, fixé pour une quantité de 1 000 litres qui s’applique depuis environ un mois à la quasi-totalité des autres acteurs – principalement les générateurs privés.
Le nouveau prix des 1 000 litres est de 594 dollars, auxquels il faut ajouter 182 000 livres de frais de transport. Le prix de la tonne était de 540 dollars lorsqu’elle a été facturée pour la première fois dans cette monnaie. Plusieurs sources concordantes ont indiqué cette semaine à L’Orient-Le Jour que le prix actuel des 1 000 litres de mazout livrés dépassait les 600 dollars.
Enfin, s’agissant du gaz, qui évolue selon le taux dollar/livre et les cours mondiaux, le ministère a acté une hausse du prix de la bonbonne de 10 kg de l’ordre de 34 500 livres, pour atteindre 178 800 livres (+24 % en une semaine). Selon un distributeur contacté, les prix du gaz pourraient être très prochainement aussi fixés en dollars.
Problème du taux
Pour en revenir à l’essence, la publication de la nouvelle grille tarifaire a temporairement mis fin à un nouvel épisode de pénurie qui avait commencé à prendre forme mercredi, jour où le ministère de l’Énergie a l’habitude de modifier les prix des carburants.
Les acteurs des filières de distribution avaient en effet arrêté les livraisons en attendant le retour du ministre Walid Fayad, qui était jusqu’à ce jour en déplacement officiel en Égypte et en Jordanie pour suivre le dossier de l’initiative américaine visant à aider le Liban à combler son déficit en électricité.
Si le ministre a tenté dès son retour de contraindre les stations-service à rouvrir en appelant le ministère de l’Économie et du Commerce ainsi que les forces de sécurité à sévir, la majorité des stations sont restées fermées jusqu’à jeudi, tandis que des files de camions-citernes étaient agglutinées près des dépôts de certaines sociétés d’importation.
Pour les deux distributeurs contactés, la nouvelle hausse ne résout rien, dans la mesure où aucun acteur de la filière ne souhaite assumer la différence entre le taux pris en compte pour calculer le prix des carburants et celui sur le marché parallèle. Ils évoquent en outre un deuxième problème lié aux délais de traitement de la BDL, « qui obligent les importateurs à stationner leurs navires pendant plusieurs jours », ce qui engendre des coûts supplémentaires – l’un deux évoque une facture de 20 000 dollars par jour. Enfin, le problème central reste lié à la crise de liquidités en dollars que connaît le pays. Pour résumer : soit la BDL garde un certain contrôle sur le marché en maintenant ses mécanismes d’octroi de dollars, mais en se calquant cette fois à 100 % sur le prix du marché, ce qui continuera quand même de peser sur ses réserves ; soit les autorités libéralisent totalement le commerce de carburant, ce qui augmentera la demande de dollars et risquera de voir s’envoler le taux.
Le ministre de l’Énergie a en tout cas abordé la question hier, suite à une réunion avec le président Michel Aoun à Baabda centrée sur un débrief du dossier de l’électricité, soulignant qu’au cours de ses déplacements, un « responsable de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient » lui a fait part de sa « détermination » à fournir « toutes les facilités » nécessaires au Liban. Répondant aux questions des journalistes, il a indiqué que le ministère travaillait sur un mécanisme de fixation de plafonds des prix du carburant qui tienne compte du taux de la livre sur le marché parallèle ainsi que des cours mondiaux.
Il a également répondu aux critiques des propriétaires de générateurs qui se sentent lésés par le prix au kilowattheure fixé par le ministère pour les factures de septembre en assurant que ce tarif avait été fixé en tenant compte du fait qu’une partie du mazout qui leur avait été vendu au cours de ce même mois était subventionnée, accusant les réfractaires de vouloir doper leurs bénéfices.
commentaires (3)
le ministre en question n'a pas a se plaindre ! il n'avait qu'a MIEUX reflechir avant d'accepter le boulot, qui le met face a un cartel a triple ou quadruple tentacules , tout acoquinea ses patrons & ou ses pairs et a KELLON.
Gaby SIOUFI
14 h 58, le 09 octobre 2021