Le Premier ministre libanais, Nagib Mikati, a critiqué mercredi le juge d'instruction Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 aout 2020, affirmant qu'il avait une "différence entre le populisme et l'application de la Constitution".
Dans des propos accordés à la chaîne britannique Sky News Arabia, Nagib Mikati a d'abord salué "l'intégrité du juge" Bitar. Il a toutefois affirmé qu'il y avait "une différence entre le populisme et l'application de la Constitution". Un type de déclaration dont est coutumier M. Mikati, qui tente de ménager le chou et la chèvre. Car avant d'être nommé Premier ministre, le milliardaire sunnite avait violemment critiqué le juge Bitar, à l'instar des autres membres du club des anciens Premier ministres, dont il fait partie. Mais depuis qu'il a pris la tête du gouvernement, il tente de rassurer les proches des victimes de l'explosion. "Selon la Constitution, les présidents et ministres doivent être jugés devant une Haute cour spéciale", a ajouté Nagib Mikati, reprenant un argument brandi par plusieurs responsables poursuivis par le juge, alors que le bien-fondé juridique de cet argument est remis en question par de nombreux experts.
Dans ce contexte, Nagib Mikati a rappelé qu'il avait signé, en tant que député, une proposition de loi élaborée par le courant du Futur de Saad Hariri en juillet dernier pour suspendre toutes les immunités, notamment celle du président de la République, Michel Aoun. La formation haririenne s'était toutefois dit contre le fait que l'enquête soit menée par la Cour de justice, un tribunal d'exception chargé de statuer sur les crimes portant atteinte à la sécurité nationale. "J'ai signé une proposition de loi portant sur la levée de toutes les immunités afin que tout le monde puisse comparaître en justice", a rappelé le Premier ministre. Toutefois, la chaîne Sky News Arabia, citant le chef du gouvernement, évoquait "un projet de loi", une retranscription qui a provoqué la confusion, alors que M. Mikati faisait uniquement allusion à la proposition de loi du courant du Futur.
Mardi, le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, en charge de l'enquête, a repris son travail au palais de Justice après avoir été provisoirement dessaisi de l'enquête et a fixé à la semaine prochaine les interrogatoires de trois députés et anciens ministres poursuivis dans cette affaire, ainsi qu'à la fin du mois celui de l'ancien Premier ministre Hassane Diab. Ces responsables sont poursuivis pour "intention présumée d'homicide, négligence et manquements" et leurs audiences, initialement prévues en ce début du mois, avaient été annulées de facto pendant la suspension de l'enquête, après le dépôt d'un recours lancé par les députés contre le juge Bitar. La déflagration, qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés, a dévasté des quartiers entiers de la capitale et a été imputée, de l'aveu même des autorités, au stockage sans mesures de précaution depuis 2013 d'énormes quantités de nitrate d'ammonium.
Le magistrat a fixé au 12 octobre l'interrogatoire de Ali Hassan Khalil (Amal), au 13 ceux de Ghazi Zeaïter et Nouhad Machnouk, et au 28 celui de Hassane Diab. Ce dernier, sous un mandat d'amener, a quitté le territoire libanais en septembre pour un séjour familial aux États-Unis. Un voyage perçu par de nombreux observateurs comme un prétexte pour ne pas se plier à la décision du juge d’instruction dont l’ex-Premier ministre conteste fermement la compétence, appuyé en cela par les responsables politiques et religieux, notamment dans les milieux sunnites. Le timing de ces audiences est très important, les parlementaires poursuivis ne bénéficiant plus, conformément à la Constitution, de leur immunité depuis le vote de confiance au gouvernement (qui a eu lieu le 20 septembre) jusqu'à l'ouverture de la nouvelle session ordinaire de la Chambre, le 19 octobre.
Cet article a été modifié le 6 octobre 2021 à 20h49
commentaires (10)
A t il fait cette déclaration à partir du Liban où off shore là où il semble être coutumier
Lecteur excédé par la censure
11 h 09, le 07 octobre 2021