Depuis près de deux ans maintenant, le Liban fonctionne avec trois monnaies : la livre, le dollar américain et le lollar.

Officiellement, la livre est indexée sur le dollar à un taux d'environ 1 500 LL depuis 1997. Mais au début de la crise économique, à l'été 2019, l'offre en dollars américains a commencé à se raréfier et la valeur de la livre à chuter.

Dans ce contexte, les banques commerciales, de plus en plus insolvables, ont introduit des contrôles informels des capitaux qui ont d'abord limité puis empêché l'accès aux dépôts en dollars. Dans la pratique, les clients ne pouvaient accéder qu'à une partie de leurs dollars américains piégés dans les banques, appelés lollars, à la condition de les retirer en livres à un taux considérablement déprécié. Depuis avril 2020, ce taux est fixé à 3 900 LL, soit seulement un peu moins d’un quart de la valeur marchande actuelle du dollar.

Avec la chute continue de la valeur de la livre, la ou les monnaies (livre, lollar, dollar) dans lesquelles est payé un salaire a un impact considérable sur le pouvoir d’achat. Pour ceux qui ont toujours un salaire du moins. Car la crise économique prolongée a été dévastatrice pour l’emploi, l'Observatoire des droits de l'homme Euro-Med estimant le taux de chômage à 37% en août 2021. Parmi ceux qui ont toujours un emploi, la grande majorité des Libanais - dont 95% du secteur public - reçoivent leur paye exclusivement en livres. Or le Liban a connu des mois d'inflation à trois chiffres, les prix des produits de base ayant doublé, triplé voire quadruplé pour tous les consommateurs.

Un segment de la population active, y compris les Libanais et ceux employés par des entreprises multinationales et des agences humanitaires internationales, reçoit toutefois une partie ou la totalité de son salaire en lollars ou en dollars frais, ce qui augmente considérablement leur pouvoir d'achat dans l'économie très inégale du Liban.

Un outil que les économistes utilisent pour illustrer le pouvoir d'achat relatif des salaires consiste à comparer le nombre de minutes ou d'heures de travail que différentes personnes doivent fournir pour acheter un même produit.

L'Orient Today a comparé le temps de travail que doivent fournir des salariés, au Liban, pour acquérir différents produits de base. Les résultats de ces calculs mettent en lumière la gravité de la crise pour les salariés rémunérés en livres libanaises, et l'inégalité flagrante avec ceux qui encaissent un salaire en dollars.

Par exemple, une personne qui travaille 40 heures par semaine pour un salaire minimum mensuel de 675 000 LL -qui n'a pas changé depuis le début de la crise-, payé en livres libanaises doit travailler une heure et 4 minutes pour acheter un gros paquet de pain à la boulangerie. Et ce alors même que l'État plafonne son prix -fixé récemment à 4 500 LL- afin qu’il reste abordable. Un kilo de bœuf haché nécessiterait 23 heures et 42 minutes de travail. Vingt litres d'essence prendraient plus d'une semaine de salaire – 47 heures et 59 minutes. Avant la crise, le salaire minimum équivalait à 450 $. Sa valeur en dollars n’était que de 36 dollars au taux du 6 octobre 2021 (autour de 18000 LL/USD).

Un travailleur au Liban qui gagne 75 000 LL par jour, soit plus du double du salaire minimum, doit travailler plus d'une heure et 16 minutes pour acheter une bouteille de Pepsi de 2,25 litres. A titre de comparaison, un employé égyptien moyen doit travailler trois fois moins (27,3 minutes) pour s’acheter ladite bouteille. Un Américain moyen lui, doit travailler 4,3 minutes et un Allemand moyen 3,6 minutes.

Pour savoir combien d'heures vous devez travailler pour acheter une bouteille de Pepsi ou un paquet de pain, entrez votre nombre d’heures de travail par semaine dans la calculatrice programmée par L'Orient Today ci-dessous, ainsi que le montant de votre mensuel dans chaque devise. Vous pouvez également tester d’autres combinaisons pour vous mettre dans la situation d’autres libanais. Les prix et les taux de change en vigueur sont ceux du 26 septembre 2021 et seront mis à jour périodiquement.

(Cet article a été originellement publié en anglais sur le site de L'Orient Today le 27 septembre 2021)

How many hours do you have to work to afford everyday items in Lebanon?