
Hier au palais de Baabda, le dossier des frontières maritimes était au cœur de la réunion entre le chef de l’État, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Photo Dalati et Nohra
Tant que le Liban n’a pas officiellement annoncé la révision de sa souveraineté maritime et qu’il n’a pas légalement enregistré auprès des Nations unies ses nouvelles revendications maritimes méridionales sur 1430 km2 supplémentaires délimités par la ligne 29, les hauts cris poussés par ses autorités contre l’avancée israélienne dans le dossier des hydrocarbures offshore resteront d’inutiles donquichotteries. Les experts techniques et légaux sont formels sur la question. Et ce à l’heure où le dossier du tracé de la frontière maritime commune entre le Liban et Israël, gelé depuis mai 2021 à la suite de surenchères libanaises, subit des rebondissements.
La semaine dernière, en effet, Israël engageait de nouvelles procédures administratives préalables au forage pour l’exploitation d’hydrocarbures dans le nord de sa Zone économique exclusive (ZEE). L’entreprise américaine Halliburton annonçait ainsi avoir remporté un appel d’offres pour le forage de trois à cinq puits au large d’Israël pour le compte de la société Energean. Sans pour autant préciser la zone dans laquelle seraient creusés ces puits, l’entreprise du secteur énergétique indiquait que l’obtention de ce contrat « fait suite à une campagne réussie de forage de quatre puits dans les champs gaziers de Karish et de Karish-Nord », au large de l’État hébreu. Une zone située au sud de la ligne 23, enregistrée il y a 10 ans auprès de l’ONU comme étant la délimitation d’un triangle de 860 km2 revendiqué par Beyrouth. Mais qui se trouve au sein des 1430 km2 revendiqués depuis décembre 2020 par l’équipe de négociateurs et l’armée libanaise, sur base d’un rapport de l’Institut hydrographique du Royaume-Uni (UKHO) remontant à 2011.
Entre la ligne 1 et la ligne 23, 860 km2 revendiqués par le Liban officiel et par Israël. Au sud de la ligne 23, la zone de 1430 km2 revendiquée par les négociateurs libanais, mais non officialisée par Beyrouth. C'est dans cette zone qu'Israël poursuit ses avancées. Schéma fourni par l'armée libanaise
La lettre à l’ONU
L’affaire a provoqué une levée immédiate de boucliers au Liban. La classe politique libanaise, président de la Chambre en tête, dénonçait en week-end une violation par Israël de l’accord-cadre sur les frontières maritimes qui avait lancé les négociations entre les deux voisins ennemis. Nabih Berry affirmait pour l’occasion que les adjudications et les contrats passés par Israël « dans une zone maritime controversée » constituent une infraction à l’accord-cadre et « menacent la sécurité et la paix internationales ». À son tour, le président du Conseil, Nagib Mikati, réagissait, demandant au chef de la diplomatie Abdallah Bou Habib de mener les contacts nécessaires avec les instances internationales concernées pour qu’Israël soit « empêché » de mener ses forages dans la zone contestée. À travers la représentante permanente du Liban à l’ONU, Amal Moudallali, la diplomatie libanaise adressait une lettre au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et au Conseil de sécurité pour demander « d’empêcher tout futur forage dans la zone litigieuse » et de s’assurer que les travaux annoncés dans le champ de Karish « n’ont pas lieu dans la zone contestée ». La question a même fait l’objet d’une réunion, hier, au palais présidentiel entre le chef de l’État, Michel Aoun, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères.
Car une question se pose aujourd’hui. La zone où le voisin hébreu envisage de forer est-elle vraiment une zone disputée, comme l’estime le Liban officiel ? Le cas échéant, sur quelles bases légales ? Et sinon, pourquoi toutes ces gesticulations ?
Amender le décret 6433
Pour Laury Haytayan, spécialiste en hydrocarbures et géopolitique au Proche-Orient qui suit de près le dossier des négociations sur la frontière maritime commune entre le Liban et Israël, l’avancée annoncée par la partie israélienne « concentrée sur le champ d’hydrocarbures Karish-Nord et sur le bloc 12 (entre les blocs Karish et Tanin), est bien située dans les eaux territoriales israéliennes ». Et pour cause, « le président Aoun n’a pas signé l’amendement du décret 6433/2011 visant à corriger la carte transmise par le Liban à l’ONU en 2011 ». Laquelle carte, délimitée par les lignes 1 et 23, concerne le triangle de 860 km2 que se disputent les deux États voisins. Cet amendement, signé le 13 avril dernier par les anciens ministres des Travaux publics et des Transports, Michel Najjar, et de la Défense, Zeina Acar, n’attendait plus que la signature du chef de l’État. Aujourd’hui, depuis la formation du gouvernement Mikati, elle requiert la signature du Conseil des ministres réuni. « La seule réponse que les autorités libanaises peuvent aujourd’hui espérer de l’ONU, c’est que selon les cartes fournies par le Liban, les actions d’Israël sont loin de la zone disputée entre les deux parties », explique Mme Haytayan, regrettant qu’« il ne se passe rien côté libanais depuis plus de 159 jours, alors que le dossier israélien suit son cours naturel ». Dans ce cadre, et à moins que le nouveau gouvernement ne décide d’amender le décret 6433, les protestations libanaises ne sont que « du blabla ».
Tout aussi formel, Marc Ayoub, chercheur dans le domaine de l’énergie à l’Institut Issam Farès de l’AUB, estime qu’« on ne peut parler de zone controversée », lorsqu’on évoque les préparatifs de forage israéliens, car « le Liban n’a jamais revendiqué officiellement, politiquement ou légalement la ligne 29 défendue par l’UKHO comme étant sa frontière maritime ». Par conséquent, « les protestations libanaises adressées à l’ONU seront nécessairement suivies de vérifications onusiennes, lesquelles concluront forcément que les plans de forage se situent en dehors de la ligne 23 ». « Dans ce cadre, les hauts cris poussés par la classe politique ne sont que surenchère », estime-t-il.
Le blocage convient parfaitement au voisin hébreu
Quelle alternative reste-t-il aux autorités libanaises ? « Amender le décret 6433 en Conseil des ministres et le présenter à l’ONU est la seule chance pour le Liban de faire valoir ses droits, insiste le chercheur. Ce n’est donc qu’au terme de ces deux démarches qu’il sera possible de qualifier la zone d’activité israélienne de controversée ou disputée. » Mieux encore. Pour un autre expert légal qui a requis l’anonymat, cette alternative est aussi la seule possibilité pour le pays du Cèdre d’empêcher l’avancée du voisin israélien dans le dossier des hydrocarbures. « Modifier l’amendement et le présenter à l’ONU est le seul moyen de stopper Israël et donc de le faire revenir à la table des négociations », martèle-t-il. Car les négociations sur les frontières maritimes entre les deux voisins, toujours tenus par l’accord d’armistice de 1949, sont interrompues depuis mai 2021. « Une situation qui convient parfaitement au voisin hébreu, car elle lui laisse les mains libres », regrette l’expert.
La balle est aujourd’hui dans le camp du nouveau gouvernement Mikati qui pourrait décider de rectifier le tir. Et ce, d’autant que la position du Liban présentée par le décret 6433 est émise « sous réserve » de modifications en cas de nouvelles données. À moins que les considérations politiques n’en décident autrement.
VOILA LE FIN MOT DEL'HISTOIRE ! qui en est vraiment responsable? Nabih Berry tenait lui- pt't le seul- a ce que le liban y aille de l'avant quitte a perdre quelques plumes . MAIS NON.....
10 h 43, le 22 septembre 2021