Parce que vivre sans aucune ressource, sans fuel, sans médicaments, sans recours, ne peut pas être un état durable. Parce que, même sous les pires gouvernances, il est rare de voir un peuple à ce point avili, réduit à quémander l’essentiel, pris de pulsions meurtrières et parfois passant à l’acte pour une place dans ces files qui dévorent inutilement de grandes parties de sa journée. On va se dire que c’est un cauchemar, qu’on va se réveiller. Et on doit se réveiller.
Ceux qui ont connu la guerre savent qu’il ne sert à rien d’attendre des solutions de la communauté internationale. Au plus fort de l’occupation syrienne, il nous est arrivé de supplier tel responsable étranger, entre autres Michel Rocard, alors Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand, ne serait-ce que de prononcer ce mot : « occupation », reconnaître cette violation flagrante de notre souveraineté nationale. En vain. Au seuil de la guerre du Golfe, c’est du bout des lèvres qu’était reconnue une « présence » syrienne sur l’ensemble du territoire libanais. Il ne fallait pas fâcher un potentiel allié avec de bêtes chicaneries sémantiques. Depuis la grande famine de 1916 dont aucun manuel d’histoire n’a dénoncé les accapareurs, en passant par les « événements » de 1975 à 1991, l’euphémisme nous aura tués lentement. Quel nom donner à ce que nous vivons aujourd’hui? Qui consignera notre histoire? Où commencera la sinistre chronique du plus gigantesque racket des années 20 du XXIe siècle? Par quels noms, quelles familles, quelles religions, quelles régions seront définis les clans mafieux déguisés en partis politiques, offerts à l’adoration de naïfs qui leur mangent dans la main, jettent dans leurs bras leurs enfants, chantent leurs louanges et les blanchissent en accablant leurs rivaux ? À quel moment aurons-nous suffisamment de recul pour voir l’image dans son ensemble et les liens organiques flagrants qui font tenir tout ce beau monde, qu’ils soient d’amour, de haine ou les deux à la fois ? Dès octobre 2019, nous avions spontanément compris, en voyant le premier élan de panique généralisée qui avait gagné les pôles du pouvoir, qu’il suffirait que l’un d’eux tombe pour emporter dans sa chute l’ensemble des dominos. Ensemble, ils ont tenu, pragmatiquement solidaires contre leurs administrés aujourd’hui asservis. Avec le coriace Covid, le dérèglement climatique et la menace qui pèse sur son économie, la communauté internationale, une fois de plus confrontée aux dysfonctionnements de ce petit pays ingouvernable, n’a ni le temps ni l’envie de barboter dans le marécage libanais. Des milliards ont été versés ces dernières années à nos gouvernements en guise d’aides au développement, sans résultat et sans qu’il n’en reste de trace. Des sommes considérables ont même été refusées, par ailleurs, quand elles étaient accompagnées de conditions de transparence. Tout au plus pourrons-nous désormais espérer ces aides directes, alimentaires ou médicales, qui sont le lot de consolation des États faillis. Encore faudra-t-il que celles-ci ne disparaissent à leur tour dans les hangars occultes des monopolisateurs ou qu’elles ne traversent la frontière par les filières mafieuses qui règnent désormais sur notre économie.
Est-ce une fatalité ? Sommes-nous désormais condamnés à la mendicité ? Retrouverons-nous un jour nos écoles et nos enseignants, nos hôpitaux et nos médecins, nos ingénieurs, nos architectes et nos artistes ?
Souvenons-nous, il y a deux ou trois ans seulement, Beyrouth était encore cette ville vibrante, chaotique, certes, mais si magnétique avec sa communauté créative, sa générosité, son art de vivre le présent comme une éternité. Certes, c’était avant la double explosion qui avait achevé de nous mettre à genoux. Alors s’étaient révélées au grand jour les forces maléfiques qui prétendent veiller sur nos destinées. Alors nous les avons tous vus esquiver effrontément la justice et se protéger les uns les autres pour que la chute de l’un n’emporte pas le reste de la cordée.
Une issue est encore possible. Il ne s’agit pas de s’adapter aux restrictions, comme nous y invitait récemment l’une de leurs lumières, mais de relancer notre énergie créative, mettre en commun nos compétences pour contourner les obstacles. Face au manque, installons des alternatives durables qui nous débarrasseront en premier lieu des mafias du fuel et du ramassage des ordures. Ces deux dépendances, pour ne citer qu’elles, n’ont été maintenues que pour servir les intérêts des cartels. Elles appartiennent à une époque bientôt révolue. Ne laissons pas le temps s’arrêter sur l’effacement du Liban. N’oublions pas le métier qui nous a été assigné à la naissance : celui de devenir libanais.
Parce que vivre sans aucune ressource, sans fuel, sans médicaments, sans recours, ne peut pas être un état durable. Parce que, même sous les pires gouvernances, il est rare de voir un peuple à ce point avili, réduit à quémander l’essentiel, pris de pulsions meurtrières et parfois passant à l’acte pour une place dans ces files qui dévorent inutilement de grandes parties de sa...
commentaires (4)
Pour que la révolution ait lieu il faut que les voleurs pilleurs soient démasqués. Les libanais partisans de ces mafieux se rendront à l’évidence et peut être qu’à ce moment là ils s’insurgeraient contre leurs tortionnaires zaims qu’ils ont jusque là appuyé sans réserve. Il faut que ces libanais aveuglés par les slogans fallacieux se rendent à l’évidence que leur malheur est causé par ces mêmes voleurs qui viennent exercer le lavage de cerveaux quotidien en leur répétant qu’ils ne veulent que leur bien et qu’ils défendent leurs droits et leur dignité alors qu’ils n’ont de cesse de les humilier et de les torturer tout en les assenant de belles paroles et de fausses promesses pour mieux les achever. Mais pour les démasquer TOUS il faut que les pays amis décident enfin de les citer avec preuve à l’appui pour que ce peuple n’en fasse plus qu’un et qu’il décide de les anéantir comme ils l’ont soigneusement et méticuleusement humilié et détruit. Nous sommes tous à nous demander comment les pays qui veulent aider notre pays hésitent encore à franchir le pas et dans quel but ils hésitent à prononcer leurs sanctions accompagnées d’exigence de les traduire en justice TOUS.
Sissi zayyat
11 h 24, le 26 août 2021