Alors que la formation du gouvernement continue de buter sur le traditionnel partage de parts entre les partis politiques et que le Liban poursuit sa descente aux enfers, miné par une grave crise, le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, a mis en garde contre l'absence de nouveau cabinet, prévenant que cela mènerait à "plus d'effondrement". Il a également exprimé sa volonté de mener à bien cette mission, alors que dans certains milieux on laisse entendre que le milliardaire sunnite pourrait bientôt jeter l'éponge, tout comme l'ont fait ses prédécesseurs Saad Hariri et Moustapha Adib, en raison de tensions avec le président de la République, Michel Aoun.
Mardi, et contrairement aux attentes, le Premier ministre désigné ne s’était finalement pas réuni avec le chef de l'Etat, sa nouvelle mouture – actuellement en gestation – n’étant toujours pas prête. Le treizième round de pourparlers entre MM. Aoun et Mikati devait être l’occasion pour le leader sunnite de remettre à M. Aoun un nouveau projet de gouvernement de 24 ministres, à raison de huit pour chacun des trois grands ensembles politiques du pays. Une nouvelle réunion qui devait également se tenir aujourd'hui a été reportée à jeudi, selon la chaîne LBCI.
"Mission suicidaire"
"Je suis déterminé à mener cette mission suicidaire, comme certains l'ont qualifiée, en espérant que je puisse former un gouvernement à même de résoudre les dossiers urgents, d'assurer un minimum de résolutions rapides afin d'améliorer le mode de vie des Libanais, de les rassurer quant à une sortie du tunnel noir qu'ils traversent et de limiter la migration d'un grand nombre de Libanais", a affirmé M. Mikati, en réponse à un article du quotidien An-Nahar daté de mardi et signé Akl Awit. Dans l'article en question, intitulé "Que fais-tu Nagib ?", le journaliste demande au PM désigné s'il est "vraiment persuadé de pouvoir former un gouvernement pour sauver le pays".
"L’alternative à la non formation d’un nouveau gouvernement sera encore plus d'effondrement et le classement du Liban en tant qu'Etat failli", a prévenu Nagib Mikati en réponse à M. Awit. Le PM désigné a également affirmé être déterminé à mener "le chantier de sauvetage promis", assurant toutefois qu'il "ne dispose pas de baguette magique". "La première étape est de former le gouvernement attendu et de rassembler tous les Libanais" afin de "dépasser les difficultés". "Certains estiment que c'est une aventure difficile mais je vais la mener et persévérer afin de réussir", a-t-il enfin assuré, écartant ainsi sa récusation, du moins pour le moment.
Les élections parlementaires, un "véritable tournant"
Nagib Mikati a également expliqué que "la classe politique est le résultat d'un choix démocratique qu'on ne peut négliger. L'un des enjeux du nouveau gouvernement est donc de tenir les élections parlementaires qui constitueront le véritable tournant vu qu'elles permettront de déterminer les choix des Libanais en fonction du soulèvement populaire dont a témoigné le Liban depuis le 17 octobre 2019". Il a rappelé avoir affirmé, depuis le début du soulèvement, que "les Libanais ont dit leur mot et ont retiré leur confiance à la classe politique". "Nous devons tous voter de nouveau afin que le peuple dise son mot et détermine ses choix", a-t-il ainsi plaidé, alors que la tenue des législatives l'année prochaine est plus qu'incertaine au vu de la crise. Une présidentielle et des municipales sont également prévues en 2022.
Une grande partie de la population libanaise réclame, depuis le 17 octobre 2019, la chute de la classe dirigeante au pouvoir qui n'a pas su assumer, selon elle, ses responsabilités, faisant sombrer le pays dans une série de crises paralysantes. Entre temps, le pays reste sans cabinet actif depuis le 10 août 2020, dans la foulée de l'explosion meurtrière du 4 août de la même année au port de Beyrouth. Le pays poursuit sa descente aux enfers, miné par une crie socio-économique inédite, alors qu'environ 78% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.
Mercredi après-midi, le patriarche maronite Béchara Raï a reçu l'ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea au siège du patriarcat à Dimane, au Liban-Nord. Ils ont discuté des derniers développements sur la scène libanaise notamment de la nécessité de former un gouvernement et de mettre en œuvre des réformes.
Nagib Mikati avait été nommé Premier ministre le 26 juillet dernier. Avant lui, Saad Hariri et Moustapha Adib avaient fini par jeter l'éponge après avoir échoué à s'entendre avec le président Aoun sur le processus. La formation d'un gouvernement capable de sérieuses réformes est une condition sine qua non pour débloquer l'aide financière internationale dont le Liban a grandement besoin.
commentaires (16)
Ce sont les Libanais qui sont suicidaires, Mr Mikati, à commencer par ceux de votre ville, qui vous ont élu.
Christine KHALIL
22 h 08, le 25 août 2021