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Attention, diversion

Ce n’est plus du déni. Ce n’est plus la politique de l’autruche. Il s’agit là d’une véritable cécité politique dans la « gestion » des affaires publiques. Le terme gestion étant utilisé ici par abus de langage…

Dans son dernier discours télévisé samedi dernier, le président Michel Aoun a qualifié la situation présente dans le pays de « grave » (!), blâmant sans détour sur ce plan le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé – comme il se doit– ainsi que le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab et… le Parlement dans son ensemble. Pas un mot, pas une allusion, sur les véritables causes de la crise. Il a ainsi fait diversion, encore une fois, en pointant du doigt les acteurs périphériques de la crise de manière à éviter soigneusement de dénoncer, ne fut-ce que de manière tangente, les véritables responsables directs de l’effondrement total et généralisé qui a précipité le pays dans les abysses.

Les hautes sphères du pouvoir continuent ainsi d’ignorer de la plus belle des façons que la principale cause du déficit de la balance des paiements (avec l’interruption des investissements et des transferts de l’étranger, du fait de l’attitude du Hezbollah), et donc de la chute drastique des réserves en devises de la BDL, est la politique effrénée de subvention des carburants dont l’importation dépasse très largement, selon nombre d’experts, les besoins de la consommation intérieure. Et pour cause : les produits ainsi subventionnés aux frais du contribuable libanais et de la Banque du Liban sont allègrement acheminés en Syrie en contrebande sous l’œil vigilant, et (pécuniairement) très intéressé, du Hezbollah et de ses acolytes.

À cet égard, l’attitude de la BDL (plus précisément de son conseil central, qui compte parmi ses membres des cadres aounistes, convient-il de préciser), ainsi que la position du chef du gouvernement qui n’en finit plus d’être sortant, ne sont que les effets collatéraux de cette crise provoquée par la contrebande galopante en direction de la Syrie. S’attaquer donc aux seuls symptômes en occultant superbement dans son argumentation l’origine du mal relève d’une incroyable cécité politique. Une cécité délibérée, auto-infligée, par manque de courage.

Mais il est un autre facteur, non moins important, que le président de la République a soigneusement passé sous silence dans son dernier discours. La rapacité de nombre de notables (et de députés) solidement protégés soit par le Hezbollah soit par des formations qui détiennent les rênes du pouvoir – plus spécifiquement le courant aouniste ou certains milieux du courant du Futur. Sous l’effet d’une avidité insatiable pour le gain rapide et facile, ces rapaces sont eux aussi directement responsables de la tragédie que vivent les Libanais à différents niveaux de la vie quotidienne du fait de la pénurie, devenue chronique, des carburants.

Le drame survenu il y a quelques jours au Akkar a dévoilé dans le sang l’étendue du méprisable stockage à grande échelle de l’essence et du fuel, organisé loin des regards officiels et populaires, dans l’attente d’une hausse des prix ou d’une vente juteuse sur le marché noir. Ne pas stigmatiser publiquement et très clairement de telles pratiques honteuses d’accaparement de produits stratégiques à des fins bassement mercantiles et mafieuses revient à aggraver davantage la crise en donnant aux accapareurs l’impression qu’ils peuvent poursuivre impunément leur action maléfique.

Le président Bachir Gemayel, dont c’était hier, 23 août, l’anniversaire de l’élection à la magistrature suprême, disait qu’il faut « dire la vérité, aussi dure et difficile soit-elle ». En politique, comme en médecine et dans d’autres domaines scientifiques, pour s’attaquer à un problème, il est nécessaire au préalable de faire le bon diagnostic, de cerner et dévoiler, sans crainte, la source du mal. Fermer les yeux et se livrer à une diversion ne peuvent avoir pour conséquence que d’approfondir et de prolonger la crise.

Dans sa dernière homélie dominicale, le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a lancé une petite phrase très lourde de conséquences, soulignant qu’il « est devenu clair » que certains hauts responsables sont « partie prenante dans le coup de force engagé contre la légalité et l’État ». Une grave allusion qui accrédite la thèse de ceux qui affirment que la persistance depuis un an de l’impasse politique et de la paralysie institutionnelle est due en réalité à une volonté régionale délibérée, plus spécifiquement iranienne, d’empêcher l’émergence d’un État central crédible et efficace réellement capable de mettre en place une politique de bonne gouvernance. Une fois de plus, c’est à ce niveau précis que le bât blesse : l’absence d’un pouvoir légal central qui ait l’audace et suffisamment d’envergure pour s’opposer à la politique déstabilisatrice et expansionniste de puissances régionales. En clair, un pouvoir qui sache s’imposer pour reprendre à son compte le projet de neutralité prôné inlassablement par le patriarche maronite. Car plus que jamais, ce sont l’identité, la spécificité pluraliste et la vocation du Liban qui sont aujourd’hui en jeu.

Ce n’est plus du déni. Ce n’est plus la politique de l’autruche. Il s’agit là d’une véritable cécité politique dans la « gestion » des affaires publiques. Le terme gestion étant utilisé ici par abus de langage… Dans son dernier discours télévisé samedi dernier, le président Michel Aoun a qualifié la situation présente dans le pays de « grave » (!),...

commentaires (7)

Seuls le Hezbollah,les pasdran ,les mollah le président et son gendre tournent dans votre orbite Monsieur Touma . Pointez du doigt ,avec des noms à l'appui, ne serait-ce qu' une fois seulement,ceux qui ont largement contribué ,depuis trois décennies , à la faillite du pays . Toutes les crises actuelles dont sont nous souffrons à tous les niveaux, ne sont que le fruit pourri des mal gérances économiques financières et bancaires.

Hitti arlette

15 h 09, le 24 août 2021

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Commentaires (7)

  • Seuls le Hezbollah,les pasdran ,les mollah le président et son gendre tournent dans votre orbite Monsieur Touma . Pointez du doigt ,avec des noms à l'appui, ne serait-ce qu' une fois seulement,ceux qui ont largement contribué ,depuis trois décennies , à la faillite du pays . Toutes les crises actuelles dont sont nous souffrons à tous les niveaux, ne sont que le fruit pourri des mal gérances économiques financières et bancaires.

    Hitti arlette

    15 h 09, le 24 août 2021

  • inutile de nous repeter, inutile de pleurnicher. dorenavant faudra FONCER. lire les commentaires ce jour du 24 aout ds l'OLJ(lecteurs ont la parole), commentaires de Marianne Chebl issa El Khoury & Hoda Kerbage.

    Gaby SIOUFI

    14 h 15, le 24 août 2021

  • Il ne suffit pas de "stigmatiser publiquement et très clairement de telles pratiques honteuses d'accaparement...",mais il faut jeter les responsables de ces pratiques en prison, comme a dit Nasrallah. Avant d'attribuer le mal à une volonté régionale délibérée,il faut laver d'abord devant sa porte. M.Z

    ZEDANE Mounir

    14 h 10, le 24 août 2021

  • AVEC DES IDÉES NAÏVES, ON VA DIRECTEMENT DROIT AU MUR. LE PATRIARCHE SOUHAITE COMME PLUSIEURS D'AUTRE PENSEURS UN GOUVERNEMENT FORMÉ PAR AOUN ET MIKATI OU AOUN ET HARIRI. ÇA SERA LE GOUVERNEMENT FATAL POUR LE PETIT PEUPLE. " T'ES PAS MORT, MAIS T'AS PAS VU QUI EST MORT ?"

    Gebran Eid

    12 h 34, le 24 août 2021

  • Excellente analyse. Je suppose que le mot "diversion" dans le titre cache une réalité plus grave.

    Bassam Youssef

    08 h 54, le 24 août 2021

  • Analyse, malheureusement, tres judicieuse et convaincante. Lorsque la plus haute autorite officielle ne reagit pas aux debordements continuels d’une milice armee illegale soumise, selon ses propres dires, a un Etat retrograde et sectaire, c’est qu’il contribue pleinement a la destruction du Liban. Tout cela pour des raisons politiciennes personnelles…et familiales ! Le patriarche Rai ne s’y est pas trompé

    Goraieb Nada

    08 h 38, le 24 août 2021

  • Des millions de déposants, libanais ou étrangers, résidents au Liban ou émigrés ont été spoliés, dépossédés de leurs avoirs, depuis déjà presque 2 ans, parfois volés du fruit du travail de toute une vie. Or personne n'en parle. Ni les hommes politiques, ni les médias, ni même ceux qui devraient être les premiers intéressés par le sauvetage économique du pays. Or telle est la cause principale de la crise, beaucoup plus que les pénuries de carburant, de fioul ou autres et qui n'en sont que la conséquence. Tant que le système bancaire n'est pas redressé et n'inspire pas à nouveau confiance aux déposants et aux investisseurs locaux et étrangers, point de salut. Cette confiance pour être retrouvée suppose le remboursement intégral des fonds confisqués. Tout le reste n'est que littérature et poudre aux yeux.

    Georges Airut

    04 h 08, le 24 août 2021

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