Au moment où les tractions gouvernementales au Liban sont toujours semées d'embûches, notamment au sujet de la répartition des portefeuilles entre les communautés et les noms des ministrables, le chef de l'État libanais Michel Aoun s'est prononcé jeudi contre une récusation du Premier ministre désigné Nagib Mikati, assurant qu'"il est de son droit" de lui faire part de ses commentaires concernant les ministrables proposés par ce dernier, et vice-versa. Cette mise au point de Baabda a été publiée alors que certaines informations de presse faisaient état d'une volonté du président d'obtenir dix portefeuilles au sein de la future équipe, c'est-à-dire une minorité de blocage, ce qui entravait à nouveau les tractations. Michel Aoun a assuré vouloir "coopérer ouvertement et positivement" avec M. Mikati afin d'éviter que le pays ne sombre dans un vide gouvernemental que certaines parties cherchent selon lui à maintenir, et qui risque de provoquer le "chaos".
Réagissant au communiqué de M. Aoun, le Premier ministre désigné a également assuré qu'"il poursuivra ses efforts pour former un gouvernement en fonction des bases préétablies".
Peu après cet échange, les deux hommes se sont entretenus au palais de Baabda et la présidence a indiqué sur Twitter que leurs tractations se poursuivraient vendredi.
La répartition des portefeuilles
Dans un communiqué publié par son bureau de presse, le chef de l'État a assuré "avoir respecté lors de ses réunions avec le Premier ministre désigné les points sur lesquels ils s'étaient mis d'accord depuis leur première rencontre, ainsi qu'au préalable avec les autres parties concernées", réitérant l'importance du respect des "critères à adopter dans la répartition des portefeuilles ministériels entre les communautés, pour qu'elle soit juste et équitable", tout en veillant au respect de l'intérêt du Liban et des Libanais et de la Constitution.
Le président a de nouveau assuré qu'"il n'a jamais cherché à détenir le tiers de blocage", soulignant que M. Mikati est au courant de cela. "Les informations qui circulent quant à une demande avancée par le président concernant la nomination de 9 ou 10 ministres de son camp sont incorrectes", a noté le bureau de presse, précisant que ces rumeurs ont pour objectif d'entraver les tractions gouvernementales.
Avant la désignation de Nagib Mikati, l'ex-Premier ministre désigné Saad Hariri avait jeté l'éponge au bout de 9 mois de tractions stériles en raison d'un bras de fer politico-personnel qui l'opposait au chef de l'État et à son camp. M. Hariri et ses alliés accusaient les aounistes de vouloir détenir le tiers de blocage.
Contre une récusation Mikati
La présidence a par ailleurs affirmé ne pas avoir nommé de personnalités partisanes et politiques pour prendre en charge les portefeuilles du futur cabinet, assurant que les personnes que le chef de l'État a proposées sont des technocrates qui ont de l'expérience dans les domaines concernés. M. Aoun estime donc qu'il n'est pas nécessaire de changer les noms qu'il a proposés vu qu'ils s'agit de "technocrates". Il a toutefois assuré qu'"il est du droit du président de la République et du Premier ministre désigné d'échanger des remarques sur les noms proposés qu'ils ou que les autres groupes parlementaires proposent et qu'il est tout à fait naturel de s'opposer à certains noms".
Le président Aoun a par ailleurs souligné que les demandes de certains partis politiques étaient en perpétuel changement, ce qui a retardé la mise en place d'une formule du futur cabinet. "Tout changement relatif à un portefeuille implique une reconsidération des autres portefeuilles", a-t-il expliqué, exprimant l'espoir que M. Mikati et lui pourront trouver une issue.
Le chef de l'État a enfin mis en garde contre les fausses interprétations de ses points de vue, craignant que ces informations ne poussent le Premier ministre désigné à se récuser et "à garder le pays sans gouvernement au moment où il traverse une période difficile et critique". Michel Aoun a ainsi assuré qu'il ne veut pas que M. Mikati se récuse. "Le président Aoun est déterminé à coopérer ouvertement et positivement avec le Premier ministre désigné afin de former un gouvernement dont les Libanais seront satisfaits et qui sera soutenu par la communauté internationale", a souligné le bureau de presse de la présidence. "M. Aoun continue, comme il l'a toujours fait, de faciliter le travail de M. Mikati, sans s'arrêter à un portefeuille ou un nom spécifique, vu qu'il ne cherche pas à détenir de tiers de blocage ni d'autres garanties, étant conscient du fait que plusieurs parties cherchent à bloquer la formation du gouvernement et à acheminer le pays vers le chaos afin d'assurer des enjeux politiques".
Mikati poursuit ses efforts
Réagissant au communiqué de Baabda, le Premier ministre désigné a de son côté assuré qu'il poursuivra ses efforts pour former un gouvernement "qui réponde aux attentes des Libanais et de la communauté internationale". Un communiqué publié par son bureau de presse précise que le député de Tripoli "poursuivra son action en vue de mettre en place un gouvernement au plus vite en fonction des bases préétablies".
"Il ne nous reste plus que quelques mètres à parcourir", avait affirmé M. Mikati mardi à l'issue de sa réunion avec le chef de l'État mardi à Baabda. Le Liban qui sombre dans multiples crises poursuit entre-temps sa descente aux enfers. Un cabinet réformateur est la condition sine qua non pour obtenir l'aide de la communauté internationale dont le pays a cruellement besoin.
commentaires (12)
On voit bien Monsieur le président, c'est le 3ème chef de gouvernement désigné dont vous facilitez la tâche,..
Esber
15 h 36, le 21 août 2021