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Politique - Explosion dans le Akkar

Le Conseil de défense charge l'armée et la police de "surveiller" la distribution des carburants

Aoun dénonce les actions de "groupes radicaux" dans le Akkar ; les forces de sécurité et la troupe chargées de "contrôler la situation sécuritaire" dans le Nord.

Le Conseil de défense charge l'armée et la police de

Michel Aoun présidant une réunion du Conseil supérieur de défense, à Baabda, le 15 août 2021. Photo Dalati et Nohra

Le Conseil supérieur de défense, présidé par le chef de l'Etat, Michel Aoun, a chargé dimanche les forces de sécurité et l'armée de "surveiller" pendant un mois la distribution des carburants dans le pays et de "contrôler la situation sécuritaire" dans la région du Akkar, suite à l'explosion nocturne d'une citerne de mazout à Tleil, au Liban-Nord, qui a fait au moins 28 morts. 

L'explosion de Tleil a eu lieu dans un terrain de la localité loué, selon les informations disponibles, à un homme de Wadi Khaled actuellement en détention pour contrebande. Le stock d'essence se trouvant dans la cuve avait été découvert par des militants du Akkar et des soldats de l'armée avaient décidé, selon un communiqué de la troupe, de le laisser à disposition des habitants de la région. Dans la nuit, lors de la distribution du stock, la cuve a explosé, pour des raisons qui ne sont pas encore connues. En plus des 28 personnes décédées dans la déflagration, selon un bilan établi par le ministère de la Santé, des dizaines d'autres sont grièvement blessées et hospitalisées. Cette explosion a eu lieu alors que le Liban connait depuis des mois de graves pénuries de carburant, une situation qui s'est encore aggravée depuis jeudi, lorsque la Banque du Liban (BDL) a annoncé qu'elle ne pouvait plus subventionner les importations de carburant. Jusqu'à présent, les importateurs pouvaient bénéficier d'un mécanisme leur permettant d'acheter des dollars nécessaires à l'achat de leurs stocks au taux de 3.900 livres libanaises pour un dollar, contre un taux sur le marché parallèle qui tourne autour des 20.000 LL. Après deux jours de fermeture de la plupart des stations-service du pays, dans l'attente de la publication d'un nouveau tarif des carburants reflétant la décision de la BDL, à laquelle s'opposent les autorités, l'armée a finalement été chargée d'ouvrir de force les stations et d'obliger leurs propriétaires à vendre leur stock au tarif jusque là en vigueur. 

C'est dans ce cadre que, sur base d'un décret qui devra être émis par le Conseil de Défense et approuvé par le Conseil des ministres, les participants à la réunion sécuritaire ont décidé de charger l'armée, les forces de sécurité et les polices municipales "de surveiller pendant un mois, jusqu'au 15 septembre, les sources de carburant et organiser leur distribution". La troupe et la police devront notamment, dans ce cadre, s'assurer que tous les endroits où du carburant est stocké de manière illégale soient vidés. 

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Hôpital de Saïda
Les ministres sortants de la Santé, Hamad Hassan, et de l'Energie, Raymond Ghajar, sont en outre tenus de s'assurer que les installations pétrolières continuent de fournir du carburant aux hôpitaux afin qu'ils puissent faire fonctionner leurs générateurs, en l'absence d'électricité fournie par l'Etat.

Le Conseil a également demandé au ministère de la Santé de prendre en charge les soins de santé de tous les blessés, de demander aux soignants et secouristes de "rester mobilisés" et de communiquer avec les pays ayant proposé leur aide pour l'envoi à l'étranger des patients les plus gravement atteints. Le ministère de la Santé doit également s'assurer de l'ouverture de l'hôpital turc de Saïda, qui devait notamment être consacré au traitement des grands brûlés, et s'assurer qu'il est opérationnel le plus rapidement possible. "Une autorisation exceptionnelle devra être publiée par le Conseil des ministres pour autoriser les embauches temporaires" au sein de cet établissement. La mise en opération de l'hôpital turc de Saïda, dont la construction avait été lancée il y a dix ans grâce à une aide de 20 millions de dollars fournie par la Turquie, est en suspens depuis de nombreuses années en raison de conflits politiques.

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Réagissant d'ailleurs aux décisions du Conseil de défense, le conseil d'administration de l'établissement, nommé en décembre 2020, a publié un communiqué dans lequel il dit avoir prévu un "plan précis pour la remise en opération progressive de l'hôpital" et achevé les travaux de maintenance nécessaires, mais que "depuis plus de huit mois les autorisations nécessaires pour permettre au conseil d'administration d'embaucher du personnel sont bloquées au niveau du Conseil des ministres".

Groupes radicaux
Au début de la réunion, le président Aoun a appelé "les autorités judicaires concernées à mener des enquêtes le plus rapidement possible afin de déterminer les circonstances et les causes qui ont provoqué la catastrophe à Tleil et de poursuivre ses auteurs et instigateurs conformément aux lois en vigueur". Le président a également mis en garde contre la "politisation" de la tragédie, alors que depuis la matinée, le parti qu'il a fondé, le Courant patriotique libre (CPL) et le courant du Futur, dirigé par l'ex-Premier ministre Saad Hariri, s'échangent des accusations. Il a regretté que "le sang des martyrs soit exploité pour lancer des slogans et des appels qui révèlent clairement les intentions de leurs auteurs et le fait qu'ils sont au courant de plans qui visent à nuire au système et à ses institutions". M. Aoun a dans ce cadre appelé à la "solidarité au vu des circonstances difficiles" et à "transcender les divisions". Il a enfin rappelé avoir exposé, lors de la dernière réunion du Conseil, "un rapport sur la situation dans la région du Liban-Nord", notamment en ce qui concerne les "activités de groupes radicaux qui veulent créer une sorte de chaos et d'anarchie sécuritaire" et avoir "demandé aux chefs des services de sécurité de coordonner entre eux afin d'en tirer des conclusions et de prendre des mesures adéquates".

Pour sa part, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a estimé lors du Conseil de défense que "cette explosion résulte de la corruption qui est devenue monnaie courante dans le pays". "La catastrophe qui a eu lieu aujourd'hui dans le Akkar a frappé tout le Liban. Il s'agit d'un avertissement lancé à tous ceux qui ont vendu leur conscience et qui contribuent à aggraver les peines des Libanais", a-t-il affirmé. "Depuis un an et demi, nous demandons aux autorités militaires et sécuritaires de poursuivre les corrompus et nous avons demandé au pouvoir judiciaire d'émettre des jugements plus sévères", a ajouté M. Diab, appelant à l'adoption de "mesures strictes" à l'égard de ceux qui aggravent la misère des Libanais.

"Le Akkar n'est pas Kandahar"
Les propos du président ont provoqué rapidement une réaction de Saad Hariri qui a estimé que ces propos sont "suspects" du fait qu'ils "recoupent une fois de plus ceux du chef du CPL", son gendre. M. Bassil avait, dans un tweet, évoqué une "mise en garde lancée il y a deux semaines, concernant le fait que le Akkar semble sortir du contrôle de l'Etat à cause des gangs des carburants qui coupent les routes et ferment les stations et qui interceptent des camions-citernes". Le chef du CPL avait appelé à "déclarer le Akkar zone militaire afin d'assurer la sécurité de tous ses habitants".

Saad Hariri a reproché à MM. Aoun et Bassil de lancer de "fausses accusations" contre le Akkar et le Liban-Nord. "Comment le chef de l'Etat se permet-il de passer outre la faim des Akkariotes pour évoquer en Conseil de défense des "actions de groupes radicaux ?", s'est indigné le leader sunnite. "Le Akkar n'est pas Kandahar et n'est pas en dehors de l'Etat. C'est vous, Monsieur le président, qui êtes hors de l'Etat et uniquement président de la République du courant aouniste", a-t-il lancé. "Le Akkar est lésé par le président et son mandat et les flammes ont envahi le cœur de ses habitants bien avant qu'elles ne fassent exploser des citernes de carburant de contrebande", a-t-il ajouté. "Ceux qui provoquent le chaos et l'anarchie sécuritaire, ce sont ceux qui sont au pouvoir", a encore écrit M. Hariri. "Vous percevez la douleur des gens comme de la sédition tandis que nous y voyons un cri lancé à votre encontre : Démissionnez", a conclu M. Hariri.

Le CPL a de nouveau réagi aux propos de l'ancien Premier ministre, l'accusant une fois de plus d'avoir "protégé" des députés de son groupe qui stockent et font de la contrebande de carburant et lui reprochant de ne pas avoir "investi dans le développement" de la région pauvre du Liban-Nord. Saad Hariri a publié un autre communiqué, appelant à nouveau le chef de l'État à démissionner "pour conserver un peu de dignité". "Vous ne trouverez bientôt plus aucune ambassade pour vous héberger, ni aucun avion qui pourra vous transporter là où l'histoire ne vous maudira pas", a-t-il ajouté.

Le Conseil supérieur de défense, présidé par le chef de l'Etat, Michel Aoun, a chargé dimanche les forces de sécurité et l'armée de "surveiller" pendant un mois la distribution des carburants dans le pays et de "contrôler la situation sécuritaire" dans la région du Akkar, suite à l'explosion nocturne d'une citerne de mazout à Tleil, au Liban-Nord, qui a fait au moins 28...

commentaires (3)

Et nous citoyens, dénonçons les "groupes radicaux" de nos dirigeants qui ont amené, de par leur égoïsme et entêtement incroyables, le pays à la situation catastrophique actuelle. Et s'imaginent maintenant y remédier avec des déclarations grandiloquentes et des mesures tardives et inefficaces, comme toujours. - Irène Saïd

Irene Said

07 h 42, le 16 août 2021

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Commentaires (3)

  • Et nous citoyens, dénonçons les "groupes radicaux" de nos dirigeants qui ont amené, de par leur égoïsme et entêtement incroyables, le pays à la situation catastrophique actuelle. Et s'imaginent maintenant y remédier avec des déclarations grandiloquentes et des mesures tardives et inefficaces, comme toujours. - Irène Saïd

    Irene Said

    07 h 42, le 16 août 2021

  • Ils sont géniaux quand même! Le président fort et son conseil de défense traite le mal par la mal. En effet, ils chargent l’armée d’une mission en dehors de sa compétence et juste après un exemple macabre typique de son incompétence totale dans la gestion sécurisée des stocks de carburant. Hallucinant!

    Alexandre Husson

    23 h 54, le 15 août 2021

  • Et une petite idée sur la surveillance des frontières et la lutte contre la contrebande, cher Monsieur?

    Christine KHALIL

    17 h 56, le 15 août 2021

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