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Environnement - Énergie

Des lampes solaires pour éclairer Beyrouth

Deux jeunes femmes sont à l’origine de l’initiative « Light for Lebanon », née une semaine après l’explosion du 4 août 2020. Une rue d’Achrafieh vient d’être équipée et de retrouver, enfin, la lumière.

Des lampes solaires pour éclairer Beyrouth

Manal Kahalé (à gauche) et Elizabeth Boulos, deux dynamiques jeunes femmes qui ont décidé de contribuer à ramener la lumière dans les rues de Beyrouth. Photos S.B.

Au lendemain de la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, il y a un an, Manal Kahalé, conceptrice d’éclairage, et Elizabeth Boulos, avocate, s’activent, comme des milliers d’autres volontaires, à déblayer les rues et secourir les habitants. Les rues, plongées dans l’obscurité totale dès la tombée de la nuit, les interpellent, même si leur éclairage ne figure pas dans les priorités durant les premières semaines après le drame.

« Nous avons constaté que chacun tentait d’aider suivant sa spécialisation, et nous avons pensé que nous serions utiles dans ce domaine, du fait de mes études de conception d’éclairage et de mon expérience professionnelle dans ce domaine aux États-Unis, raconte Manal. J’ai appelé ma directrice de thèse à New York, fondatrice d’une organisation appelée Phoscope, qui promeut l’énergie solaire dans les pays en développement par le biais de l’initiative “Light Reach”. Notre collaboration a donné naissance à l’initiative « Light for Lebanon », qui vise à installer un éclairage de rue solaire dans le Beyrouth dévasté de l’après-4 août. »

Un an plus tard, la rue Salah Labaki, un petit tronçon de trente mètres entre le secteur de Accaoui et l’hôpital Saint-Georges, est dorénavant équipé de lampes de rue solaires alors qu’il était plongé dans le noir depuis de nombreux mois. Et c’est dans cette rue que la jeune femme raconte à L’Orient-Le Jour le long cheminement vers ce premier succès. « Nous avons installé dix lampes dans ce tronçon, raconte-t-elle, montrant du doigt l’élégant éclairage noir installé à même les balcons et les poteaux. Ce projet devrait s’étendre le long du secteur jusqu’à Jeitawi et puis s’étendre dans plusieurs quartiers d’Achrafieh. »

Depuis son balcon, Maysoun, une habitante du quartier, écoute la conversation, et ne se fait pas prier pour donner son avis. « C’est extraordinaire, notre rue est enfin illuminée, lance-t-elle. Depuis des mois que la rue était si obscure et que les nuits étaient inquiétantes ! »


Les lampes de rue solaires installées dans le tronçon Salah Labaki, dans le secteur de Accaoui, et qui sont dotées d’un système antivol. Photos S.B.

Une option aussi écologique qu’adaptée

Le projet « Light for Lebanon » ne se contente pas d’apporter une solution à un problème donné, mais il présente par le fait même une vision d’avenir de par l’utilisation des lampes solaires, une option aussi écologique qu’adaptée à la crise de l’électricité. « Telle est l’essence de la spécialité de conceptrice de lumière, mais aussi celle de l’organisation américaine avec laquelle nous collaborons, explique Manal. Notre mission ne consiste pas à pourvoir simplement les quartiers en produits, mais à concevoir des solutions adaptées aux besoins des habitants. Et dans un Beyrouth à l’infrastructure détruite, qui passe par une pénurie d’électricité sans précédent alors que la production de courant n’a jamais été suffisante, l’énergie solaire constitue une réponse adéquate. »

Eddy Bitar, fondateur de l’ONG Live Love Beirut, qui coordonne avec « Light for Lebanon » dans le cadre de ce projet, estime que l’installation des panneaux solaires répond à plusieurs besoins : l’insuffisance en production d’électricité dans le pays, l’éclairage déficient et intermittent des rues (même avant le 4 août) ou encore les problèmes sécuritaires qui en découlent…

Les équipements fournis par « Light for Lebanon » sont tous financés par des fonds levés à l’étranger, auprès de donateurs et de fournisseurs désireux d’aider le Liban : 80 000 dollars ont déjà été collectés par Manal Kahalé et Elizabeth Boulos. « Nous avons dès le début été très soucieuses de respecter les standards les plus élevés dans le choix des équipements, explique Manal. Ce sont des équipements dont le coût est plus élevé, mais qui bénéficient d’une garantie et qui sont promis à une durée de vie supérieure à d’autres, afin de pouvoir assurer les prochaines années qui risquent d’être difficiles. À titre d’exemple, les lampes de rue coûtent quelque 900 dollars pièce, mais elles nous ont été vendues par le fournisseur français à un peu plus de 400 dollars en raison du caractère social du projet. Un coût qui se justifie par une garantie de six ans, une durée de vie de dix ans au moins et une batterie intelligente nouvelle génération, différente de la batterie de lithium traditionnelle, qui permet un meilleur stockage de l’énergie solaire et une autonomie de trois jours en cas de ciel couvert. »

Jihad Biqa’i, directeur du département d’ingénierie à la municipalité de Beyrouth, qui a suivi ce projet avec Manal Kahalé et Elizabeth Boulos, confirme à L’OLJ. « Il y a eu plusieurs autres projets d’installation d’éclairage de rue dans la ville dévastée, certains ayant opté pour le solaire comme celui-là, et d’autres pour l’électricité conventionnelle, précise-t-il. Mais les standards observés par “Lights for Lebanon” sont effectivement élevés. »

De telles initiatives, même issues d’un drame, pourraient d’ailleurs inspirer la municipalité pour une future utilisation, reconnaît-il. « L’énergie solaire est une option intéressante, mais pas pour tous les axes, souligne Jihad Biqa’i. Son éclairage n’est pas suffisant pour les avenues trop larges, et elle peut être inefficace dans les ruelles trop étroites où les rayons de soleil ne pénètrent pas suffisamment. Mais elle est une solution adéquate pour certains quartiers. Voilà pourquoi nous profitons des avancées de ce projet pour effectuer un bilan de la situation qui nous sera très instructif. »

Des lampes de poche solaires aux pompiers

Les lampes de rue ne sont pas les seuls produits fournis par « Light for Lebanon » à la population sinistrée de Beyrouth. Manal précise que, grâce à cette initiative, mille lampes solaires portables ont été distribuées aux maisons touchées par l’explosion, 1 000 autres le seront bientôt et 500 ont été commandées. « Ces lampes peuvent être rechargées la journée et fonctionner la nuit, dépannant les citoyens en cas de coupures d’électricité », explique-t-elle.

De plus, ayant été prévenues par un habitant du quartier sinistré de la Quarantaine de l’insécurité qui y règne une fois la nuit tombée, Manal et Elizabeth ont équipé une centaine d’immeubles de lampes à capteur, placées à l’entrée des bâtiments, qui s’allument dès que le résident s’en approche, faisant fuir un éventuel agresseur qui voudrait profiter de l’obscurité. Elles ont également pensé à équiper la caserne de pompiers de Beyrouth, qui a été détruite et a perdu dix de ses membres dans l’explosion, de lampes solaires pour illuminer les espaces communs, ainsi que des lampes de poche solaires… Alors que leur projet commence à aboutir, les deux jeunes femmes reconnaissent que le chemin n’était pas pavé de roses. « Au début, sans association pour nous soutenir, nous n’étions pas toujours prises au sérieux, les mesures administratives étaient très lourdes et nous avons pris du retard sur notre calendrier initial, souligne Elizabeth Boulos. Mais au final, nous avons su nous imposer. » Désormais, elles ont des projets plein la tête : continuer le projet entamé, mener un dialogue avec les habitants afin de trouver d’autres solutions à des problèmes rencontrés, organiser des tables rondes sur l’énergie renouvelable…

Une énergie qui sied bien à Eddy Bitar. « Avec “Light for Lebanon”, la coopération est facile et nous avons beaucoup de projets en devenir », affirme-t-il.

Au lendemain de la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, il y a un an, Manal Kahalé, conceptrice d’éclairage, et Elizabeth Boulos, avocate, s’activent, comme des milliers d’autres volontaires, à déblayer les rues et secourir les habitants. Les rues, plongées dans l’obscurité totale dès la tombée de la nuit, les interpellent, même si leur éclairage ne figure pas dans...

commentaires (6)

ET JE RAPPELLE QU'ON VEUT DONNER ENCORE PLUS DE "PREROGATIVES" AUX MUNICIPALITES SOUS LE LABEL DE DECENTRALISATION, CELLES LA MEMES QUI SONT COMPLICES DES CORRUPTEURS, INCAPABLES ET INCOMPETENTES QUI N'Y AVAIENT JAMAIS PENSE A CE JOUR.

Gaby SIOUFI

09 h 35, le 12 août 2021

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Commentaires (6)

  • ET JE RAPPELLE QU'ON VEUT DONNER ENCORE PLUS DE "PREROGATIVES" AUX MUNICIPALITES SOUS LE LABEL DE DECENTRALISATION, CELLES LA MEMES QUI SONT COMPLICES DES CORRUPTEURS, INCAPABLES ET INCOMPETENTES QUI N'Y AVAIENT JAMAIS PENSE A CE JOUR.

    Gaby SIOUFI

    09 h 35, le 12 août 2021

  • Je dirais même plus …La classe politique et la municipalité de Beyrouth continuent à entraver autant qu’ils le peuvent l’exécution de ce projet … …,En tous les cas ils n’ont pas facilite sa réalisation et n’ont pas arrête de mettre des bâtons dans les roues ….Ce n’est pas seulement un manque de vision ….C’est pire ….Le clientélisme continue à sévir ….Ce genre de projet obviously ne convient pas à toute cette classe pourrie qui a mene à la déconfiture totale du pays ….Qui persiste dans son mode de fonctionnement basé sur les intérêts personnels ….

    Naccache Dolly

    09 h 31, le 12 août 2021

  • Excellente initiative, qui je l’espère va s’étendre mais, il y a toujours un mais, pourquoi ce type d’éclairage ne s’est pas développé au Liban d’une façon importante? Pourquoi on n’a pas installé des chauffe-eau solaires chez les particuliers???? Tout simplement parce que la classe politique, et on y revient toujours, n’avait aucune vision à long terme en dehors du profit lié au mazout et aux générateurs privés dont elle est propriétaire en majorité. Faut rappeler que le Liban a presque 300 jours d’ensoleillement par an…ceci diminuera la facture de cette énergie fossile et SA Pollution. Bonne journée chères lectrices et chers lecteurs

    mokpo

    07 h 55, le 12 août 2021

  • Bravo!

    Fadi Chami

    07 h 53, le 12 août 2021

  • Bravo à de telles initiatives Très bon travail utile et social J’imagine le courage et la persévérance que vous avez dû déployer pour vous imposer

    ayda ka

    07 h 24, le 12 août 2021

  • Good job !

    Wow

    01 h 47, le 12 août 2021

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