Rechercher
Rechercher

Politique - Enquête sur les explosions au port de Beyrouth

Pas de quorum attendu pour la séance parlementaire de jeudi après des boycotts en série

Le président de la Chambre n'a toujours pas reporté ou annulé la réunion.

Pas de quorum attendu pour la séance parlementaire de jeudi après des boycotts en série

Les députés libanais en séance plénière au palais de l'Unesco, le 30 juin 2021. Photo Ali Fawaz / Parlement libanais

Le quorum ne devrait pas être assuré pour permettre la tenue de la séance parlementaire prévue jeudi et destinée à examiner une éventuelle mise en accusation, devant une commission parlementaire, de trois députés poursuivis par le juge Tarek Bitar, en charge de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Selon des informations de notre correspondante Hoda Chédid et les annonces faites tout au long de la journée par les différents groupes parlementaires, plus de la moitié des députés, issus de différents horizons politiques, entendent boycotter la réunion. Toutefois, le président de la Chambre, Nabih Berry n'a jusque là ni reporté ni annulé la séance. 

Tout au long de la journée, les annonces des groupes parlementaires se sont succédé concernant leur intention de ne pas se rendre jeudi au palais de l'Unesco. Après ces déclarations, moins de 59 des 117 députés en exercice (après la démission de huit d'entre eux en août 2020 et le décès de trois autres depuis janvier 2021) comptaient être présents à la séance, donc moins de la majorité absolue requise.

Le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar avait demandé début juillet la levée de l’immunité des trois députés Ali Hassan Khalil, Ghazi Zeaïter et Nouhad Machnouk, respectivement anciens ministres des Finances, des Travaux publics et de l’Intérieur, ainsi que de l'ancien ministre Youssef Fenianos, de juges et de responsables sécuritaires en vue de les inculper pour "éventuelle intention d'homicide, négligence et manquements" à leurs responsabilités. Tentant de court-circuiter cette procédure, plusieurs députés, dont des parlementaires relevant des groupes du président de la Chambre, Nabih Berry, et du leader du Courant du Futur Saad Hariri, avaient signé une pétition pour que les responsables en question soient poursuivis devant la Haute Cour chargée de juger les ministres et le président de la République. Plusieurs experts et observateurs doutent de l'impartialité d'une telle procédure, qui avait provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. 

Selon le texte de la convocation à la réunion de jeudi, la Chambre doit examiner "la demande de mise en accusation, en vertu de l’article 22 annexé à l’article 20 de la loi 13/90 (Procédures pour les procès devant la Haute Cour en vertu de l’article 80 de la Constitution)". L’article 22 en question stipule que "le Parlement convoque une séance spéciale qui se tiendra dix jours après que la ou les personnes qui doivent faire l’objet de poursuites ont obtenu une copie de l’acte d’accusation. Après avoir entendu les plaidoyers de l’accusation et de la défense, le Parlement décide à la majorité absolue de ses membres de transférer immédiatement devant une commission parlementaire spéciale, nommée “commission d’enquête”, la demande d’accusation, avant de voter ou de rejeter cette demande".

Lire aussi

Geagea déconstruit l’argumentation de Nasrallah décrédibilisant Tarek Bitar

Dans un bref communiqué, le chef du Parlement a justifié, après les annonces de boycott, la légalité de cette Haute Cour, s'appuyant notamment sur plusieurs articles de la Constitution détaillant ses prérogatives. "A ceux qui font valoir l'illégitimité et l'illégalité" de cette instance, "quelle valeur donnez-vous aux articles 60, 50, 71 et 80 de la Constitution et à la loi 13/90 ?, s'est interrogé M. Berry. Qu'avez-vous fait lorsque vous avez élu sept députés comme membres de cette Haute Cour, en plus des huit juges ?" "Vous ne comprenez pas ce que vous faites !", a-t-il ajouté, sans toutefois évoquer la question du quorum et du maintien ou pas de la séance du lendemain.

Tentatives d'étouffer le crime
Premier groupe à exprimer officiellement son intention de boycotter la séance, les Forces libanaises ont estimé que "tous les jours, on voit des tentatives d'étouffer le crime de l'explosion et d'entraver l'enquête". "Nous avions présenté une pétition demandant que soit votée la demande de levée des immunités demandée par le juge Bitar et avons donc été surpris de la convocation à une réunion concernant l'article 22 et une pétition illégale qu'ont signée quelques députés et qui vise à détourner l'instruction", avait indiqué le chef du parti, Samir Geagea, qui n'est pas lui-même député. "Il est honteux que la majorité parlementaire veuille entraver l'enquête sur ce crime", a insisté le leader chrétien, qui a annoncé que ses députés boycotteraient la séance parlementaire, appelant tous les membres du Parlement "libres" à faire de même.

Lire aussi

Un air de déjà-vu : Nasrallah ouvre le feu sur Tarek Bitar

De son côté, le député Alain Aoun, membre du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) a annoncé à notre publication-sœur en anglais, L'Orient Today, que son bloc parlementaire boycotterait la réunion de la Chambre. 
Sur Twitter, le chef du CPL, Gebran Bassil, a estimé que la réunion n'était pas légale, selon l'article 93 du règlement interne de la Chambre. Cet article prévoit que le délai requis pour convoquer une séance plénière afin de discuter de la levée de l'immunité des députés étant de deux semaines après l'envoi d'un rapport établi par le Bureau de la Chambre et la commission de la Justice. Ce délai dépassé, le président de la Chambre doit soumettre la demande d'un délai supplémentaire aux députés en séance, qui peuvent la refuser et demander un vote immédiat sur les immunités concernées. "Nous refusons toute tentative de certains, au sein de la Chambre, de contourner la justice et d'empêcher que l'enquête se poursuive afin que la vérité soit faite", a ajouté M. Bassil dans un tweet. Les formations aouniste et berriste se sont ensuite livrées à un échange d'accusation par communiqués interposés.

Le groupe dit de la "Garantie de la montagne", composé du leader druze Talal Arslane et trois députés membres du CPL, Mario Aoun, Farid Boustani et César Abi Khalil, ne se rendront pas non plus au palais de l'Unesco, selon des informations de la chaîne locale LBCI.

Les membres de la "Rencontre démocratique", groupe principalement composé de députés joumblattistes, ont pris la même décision "étant donné leur position claire concernant la nécessité de faire la vérité" sur les causes de l'explosion et de poursuivre les personnes responsables et impliquées. Ils ont dénoncé que plus d'un an se soit écoulé depuis cette "catastrophe" et que l'instruction soit entravée par des "jurisprudences constitutionnelles, législatives et politiques". "Nous aurions voulu qu'une séance soit convoquée pour voter sur la demande de levée des immunités" transmise par le juge Bitar début juillet et non sur la comparution des anciens ministres devant la Haute cour, ont encore critiqué les députés joumblattistes. 

Selon des informations de notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, le groupe parlementaire du Courant du Futur de Saad Hariri avait, lui, finalement décidé de ne pas assister à la réunion, après avoir demandé en matinée, sans succès, au chef du Parlement de la reporter. Le boycott du Futur a été confirmé en soirée à L'Orient-Le Jour par le député Samy Fatfat. En fin d'après-midi Saad Hariri a publié un communiqué dans lequel il a réitéré son appel à suspendre les immunités de tous les responsables politiques et administratifs ainsi que celles des juges. Il n'a toutefois pas mentionné la question du boycott ou de la participation à la séance de demain. Fin juillet, le chef du courant du Futur avait en effet plaidé pour la suspension de certains articles de la Constitution, afin de lever toutes les immunités, tout en se prononçant contre le transfert du dossier devant la Cour de justice. un tribunal d'exception chargé de statuer sur les crimes portant atteinte à la sécurité nationale. Pour l'ex-Premier ministre, "toute autre démarche qui exempterait un président, un juge, un ministre ou un député, de comparaître devant le juge d'instruction, risque de porter atteinte à la vérité. "J'invite les députés à approuver sans plus tarder la proposition de loi qui met tous les présidents, ministres, députés et magistrats à la disposition du juge", a plaidé Saad Hariri.

Le bloc des Marada, du leader maronite du Nord Sleimane Frangié, envisageait lui aussi de s'absenter de la séance, afin de ne pas se retrouver à contre-courant des autres grands groupes chrétiens, FL et aounistes.  Les députés Jean Talouzian et Oussama Saad ont, eux, ajouté leurs noms à la liste des députés indépendants boycottant la séance, qui reprenait notamment, depuis mardi soir, Chamel Roukoz et Fouad Makhzoumi. 

Les députés qui comptent se rendre à la séance seront donc majoritairement composés d'élus membres du Hezbollah et du mouvement Amal, majoritairement chiites.

Les familles des victimes maintiennent leur mobilisation

La double explosion au port de Beyrouth a causé la mort d'au moins 218 personnes et fait des milliers de blessés, en plus de détruire des quartiers entiers de la capitale.

L'organisation de cette séance avait été décriée par les familles des victimes de la déflagration, qui ont dénoncé une "tentative d’étouffer la vérité et de soustraire les inculpés à d’éventuelles sanctions". Selon les familles, la réunion de jeudi "complète une série de pratiques anticonstitutionnelles menées par les forces au pouvoir pour bloquer l’action du juge d’instruction ou lui imposer des lignes rouges". Elles ont appelé les députés qui avaient dit rejeter la pétition parlementaire signée pour que les trois soient jugés devant la Haute Cour ad hoc ou qui avaient retiré leur signature de ce document, à boycotter "la séance de la honte et à provoquer un défaut de quorum".

Les familles, qui avaient déjà annoncé se mobiliser sur le terrain en marge de la séance parlementaire, ont confirmé mercredi en soirée le maintien de leur rassemblement à l'entrée du palais de l'Unesco. Dans un communiqué, les parents des victimes ont annoncé qu'ils se rassembleront aux entrées et sorties du palais à partir de 9 heures du matin, appelant "toutes les personnes libres à participer" à cette mobilisation. Les proches ont également fait savoir qu'ils se rendront à partir de mercredi soir, à 22 heures, à Verdun, et y resteront jusqu'à jeudi matin.

Le quorum ne devrait pas être assuré pour permettre la tenue de la séance parlementaire prévue jeudi et destinée à examiner une éventuelle mise en accusation, devant une commission parlementaire, de trois députés poursuivis par le juge Tarek Bitar, en charge de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Selon des informations de notre correspondante Hoda...

commentaires (3)

Berri cherche une fois de plus a bafouer la constitution pour couvrir le Hezbollah et les siens ou alliés impliqués dans ce scandale. Je cite: "le Parlement convoque une séance spéciale qui se tiendra dix jours après que la ou les personnes qui doivent faire l’objet de poursuites ont obtenu une copie de l’acte d’accusation". Nous comprenons donc que s'il y a acte d'accusation alors le parlement procède comme mentionné. Dans ce cas il n'y a pas encore d'acte d'accusation, mais une demande de levé d’immunité pour pouvoir convoquer. Je me demande ou a-t-il fait ces études d'avocat cet énergumène ou a combien l'a-t-il acheté car il est claire que pour le cours de droit constitutionnel il a surement raté ses examens. Corrompu déjà a cet age qu'attendre de plus de lui?

Pierre Hadjigeorgiou

08 h 50, le 12 août 2021

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Berri cherche une fois de plus a bafouer la constitution pour couvrir le Hezbollah et les siens ou alliés impliqués dans ce scandale. Je cite: "le Parlement convoque une séance spéciale qui se tiendra dix jours après que la ou les personnes qui doivent faire l’objet de poursuites ont obtenu une copie de l’acte d’accusation". Nous comprenons donc que s'il y a acte d'accusation alors le parlement procède comme mentionné. Dans ce cas il n'y a pas encore d'acte d'accusation, mais une demande de levé d’immunité pour pouvoir convoquer. Je me demande ou a-t-il fait ces études d'avocat cet énergumène ou a combien l'a-t-il acheté car il est claire que pour le cours de droit constitutionnel il a surement raté ses examens. Corrompu déjà a cet age qu'attendre de plus de lui?

    Pierre Hadjigeorgiou

    08 h 50, le 12 août 2021

  • De l’art de faire lanterner Bitar; mais « pas de quorum » pour quoi faire? C’est à la justice de traiter l’affaire et à nul autre. Qui va renvoyer l’assemblée dans ses cordes et l’obliger à déférer ses 3 membres devant le juge?

    Marionet

    19 h 14, le 11 août 2021

  • Est ce que le Liban est en train d’assister à la naissance de la solidarité et l’union dont rêve chaque libanais pour enfin retrouver sa souveraineté et sa liberté en se débarrassant du joug iranien et de ses mercenaires? Oh si seulement cela aurait pu avoir lieu avant la destruction de notre pays. Mais MALGRÉ tout, on est disposé à pardonner et à applaudir ces comparses qui, pour une fois font bloc pour contraindre l’ennemi à baisser l’échine. Espérons que ça soit un premier acte d’une longue liste pour en finir avec la peur et le despotisme. Il était grand temps de montrer que seule l’union des libanais nous sauvera et de donner l’exemple à tout un peuple pour qu’il n’en fasse qu’un et pour qu’enfin ce miracle ait lieu. Hellelujah. On s’attend à une contre attaque qui ne saurait tarder de la part de ces mercenaires mais tant que nous sommes unis contre eux rien ne nous arrivera. Il peuvent crier à la guerre civile en se faisant passés pour les victimes mais personne ne leur prêtera attention car ils ont été démasqués par leurs partisans en premier avec les derniers discours de HN de se servir d’eux et continuer à les martyriser sans pitié pour rester le seul bourreau du pays. Adieu Hassouna tu ne manqueras à personne, bien au contraire.

    Sissi zayyat

    17 h 27, le 11 août 2021

Retour en haut