L’été masculin 2022 de Celine, une collection « gender-fluid » pour touriste spatial

Hedi Slimane n’a pas fait dans la guimauve pour la collection homme 2022 de Celine. Sur l’île méditerranéenne de Grand Gaou, dans l’archipel des Embiez, une équipe de motocross freestyle chauffe les moteurs dans une poussière phénoménale, à travers les sentiers d’un bois de maquis, avant de s’élancer vers une structure futuriste de carbone noir où des tremplins les projettent dans le ciel. Ce moment où le cœur retient un battement est scandé par une musique spatiale avec la voix obsédante d’Izzy Camina. Comment classer celle qui se qualifie, hésitante, de « Britney Spears Cyberpunk » ? Le morceau créé pour Celine est en tout cas on ne peut plus pertinent, avec son côté comptine dystopique, écartelé entre résistance et acceptation, excitation et apaisement.

Les cascadeurs cèdent la place aux mannequins qui semblent faire partie de leur bande et circulent avec détermination sur la plate-forme futuriste. La collection, ni féminine, ni masculine, ni estivale, ni hivernale, offre un vestiaire suspendu dans le temps au même titre que les motos défiant la gravité au sommet des tremplins. Beaucoup de cuir – on est chez Hedi Slimane –, mais également des tapis de cristaux et de studs en métal argenté. Blousons, gilets, colliers de chien, bermudas de cuir, cuissardes, la palette est dominée par un noir lumineux dont Soulages n’est pas loin, éclairé de matières qui scintillent au soleil. Sous les casques, les cheveux se portent longs et brushingués.

Celine homme, collection « Cosmic Cruiser » 2022. Photo DR

Derrière les lunettes miroir, des minois vulnérables, presque enfantins, résolument féminins, démentent presque la violence du spectacle qui précède la présentation. Les pantalons sont très larges, très palazzo, très fluides. Tout est large d’ailleurs dans cette collection qui fait la place belle aux superpositions et collages. Des impressions forestières sont apposées en ombres sur des vestes en denim. On trouvera du zèbre, du doré, du brocard, des hoodies imprimés de motifs New Age. La jupe masculine prend le pouvoir, noire et brillante elle aussi. Le fuchsia succède au noir en pleine couleur sur les blousons biker. De la dentelle noire dépasse des superpositions. Partout courent des clous diamantés, des dessins fluos, de grands sautoirs, des graffitis brodés, de grands paysages crépusculaires en paillettes sur des vestes déstructurées.

Pour quelle saison ? Quel climat ? Cette collection aussi précieuse que déboussolée, réfléchie que déroutante, répond mot pour mot à une humanité perplexe qui se prépare autant à des inondations au cœur de l’été qu’à des épisodes de canicule en hiver. Les bijoux s’en donnent à cœur joie, notamment en colliers et boucles d’oreille. Qu’importe que l’on soit homme ou femme, ou l’un et l’autre, ou rien du tout ? Le vêtement n’est plus un déterminant de genre, qu’on se le dise une fois pour toutes. Hedi Slimane lance à travers cette collection masculine chez Celine un manifeste qui nous emporte loin des vieux préjugés terriens, ou plutôt au-dessus. Très au-dessus. Cosmique, on nous aura prévenus.