Zéro immunité

Contrairement à ce qui est communément dit, le président du Conseil des ministres et les ministres n’ont aucune immunité quand ils commettent un crime. L’explosion au port de Beyrouth, crime contre une grande partie de la capitale, ayant causé plus de 200 morts et plus de 6 000 blessés, ne peut être couvert par une immunité fictive, inventée par ceux qui veulent, à tout prix, essayer d’échapper à la justice.

En effet, l’article 70 de la Constitution stipule qu’il appartient au Parlement d’accuser le président du Conseil des ministres et les ministres dans deux cas uniquement :

• en cas de haute trahison ;

• en cas de manquement aux devoirs qui leur incombent.

L’article 70 ne mentionne donc pas le crime qui n’est pas inclus dans les prérogatives du Parlement quant à l’accusation du président du Conseil des ministres et des ministres. Ces derniers devront, par conséquent, être directement soumis à l’enquête menée par la Cour de justice ainsi qu’à l’acte d’accusation émis éventuellement par le juge d’instruction près cette cour et au reste de la procédure, jusqu’au jugement et à l’exécution de la peine encourue.

En effet, quand l’article 71 stipule que le président du Conseil et les ministres sont jugés devant la Haute Cour, ils ne peuvent l’être que pour haute trahison et manquement à leurs devoirs, comme le stipule l’article 70, mais aucunement quand ils commettent un crime.

Même les anciens ministres qui sont actuellement députés n’ont pas d’immunité quand il s’agit de crime, car l’article 40 de la Constitution empêche, durant les sessions parlementaires, que des mesures « pénales » soient prises à leur égard, comme le fait de les attraper, de les arrêter ou de les priver de leur liberté sans le consentement du Parlement (sauf dans le cas de flagrant délit). Cependant, ce même article 40 n’empêche pas les députés d’être soumis à une procédure légale comme une investigation, une enquête ou même qu’une action en justice soit intentée à leur égard.

Ainsi, la Constitution ne couvre pas le crime par l’immunité et aucune levée d’immunité n’est requise comme certains se plaisent à affirmer.

Il ne s’agit que d’appliquer la Constitution. À la lettre.

Toutefois, le seul qui reste protégé, en cas de crime, par une immunité constitutionnelle est le président de la République. En effet, l’article 60 de la Constitution stipule que la responsabilité du président de la République est retenue :

• en cas de violation de la Constitution ;

• en cas de haute trahison ;

• au cas où il commettrait un crime de droit commun.

Ainsi, concernant les crimes commis, tout autant que la violation de la Constitution et la haute trahison, la responsabilité du président de la République ne peut être engagée que par le Parlement et il ne peut être jugé que devant la Haute Cour, toujours selon l’article 60.

S’il faut donc rendre les responsables égaux devant la justice, au cas où un crime serait commis, il faudra soustraire l’acte criminel au texte de l’article 60.

Cependant, comme le président de la République a déclaré, vendredi dernier, qu’il était prêt à témoigner et que personne n’est plus important que la justice, quel que soit son rang, cela résout donc le problème de l’article 60.

Salah HONEIN

Ancien député de Baabda

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