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Nos Lecteurs ont la Parole

Un « plus » de trop pour un « plus » de moins


Nous vivons dans un monde qui fait l’apologie de la performance, de la vitesse et de la compétitivité. Un monde qui rend hommage au record et à la prouesse.

Il faut toujours aller à la vitesse supérieure pour être reconnu et intégré. Un système qui va vertigineusement vite et qui ne tient pas compte des vieux, des retardataires, des personnes défavorisées et de ceux qui ont du mal à suivre la technologie, appelée trop souvent, à tort ou à raison, le progrès. Une société qui se désintéresse, sans scrupules, de celles et ceux qui sont lents à la détente et qui tardent à comprendre les choses et à réagir. Ces personnes ne sont pas nécessairement inintelligentes. Il s’agit plutôt d’individus qui peuvent avoir un QI acceptable, mais qui requièrent un certain temps de réflexion. Qualité de ceux qui évitent la hâte dans les jugements et la précipitation dans les prises de décision. Ne dit-on pas d’ailleurs, à bon escient, qu’il y a plusieurs sortes d’intelligences ?

Pour revenir au sujet de la rapidité, il faut par conséquent, comme au rythme des grandes métropoles, marcher absolument vite, au risque de faire un faux pas ou de trébucher, manger vite et ingurgiter plats préparés, fast-foods et poulets aux hormones, réfléchir vite, quitte à raisonner faux ou même aberrant. Une rapidité qui doit toujours, et selon la « logique » du monde, être accompagnée d’un « plus » bien particulier. Un « plus » caractéristique, pour être en phase avec l’époque et dans le vent. Un « plus » up to date, mais quelque peu regrettable. Parce qu’il a des conséquences fâcheuses, surtout lorsqu’il devient le but ultime, se trouvant au sommet de la hiérarchie des objectifs de l’existence. Par exemple, vouloir à tout prix être plus riche, plus productif, plus intelligent, plus beau, plus puissant, plus en vue, plus important (même si ici, l’importance est trop souvent liée à la formule très répandue, de nos jours, « des ignorants prétentieux »).

Une approche sociologique qui fait que, d’une manière inconsciente, l’individu devient tel un automate robotisé et programmé à outrance et à l’avance.

Notre qualité de vie est la première à en pâtir. De ce fait, notre organisme est mis à rude épreuve. Il est soumis à une vitesse qui n’est plus à une échelle humaine ni à une dimension tolérable. Une vitesse hors normes, incontrôlable et incontournable qui, à la longue, altère notre anatomie, en particulier nos nerfs. Nos nerfs qui, il faut le préciser, ne sont pas d’acier et qui, au final, peuvent facilement craquer. C’est là que l’on comprend le plus la locution « c’est à devenir fou ». (Ou bien, c’est à devenir « dingue » pour ceux qui ont un penchant pour l’argot).

Nous rentrons ainsi, bon gré mal gré, dans ce syndrome de l’exploit démesuré. N’exister que pour réaliser un record et ne vivre que pour accomplir une performance (même si, pour cela, on se permet, sans honte ni retenue, d’écraser les autres et de piétiner leurs droits les plus élémentaires), pour en sortir parfois avec un déséquilibre mental et des perturbations psychiques manifestes. Et comme, généralement, notre psychisme influe sur notre physique, c’est, à la longue, les diverses maladies pernicieuses qui, malheureusement, pointent le bout de leur nez.

Un « plus » donc, qui est utilisé outrageusement, dans notre société actuelle, à mauvais escient et sans discernement. Au lieu de recourir à un autre « plus » mais, cette fois, sans modération aucune. Puisque nettement mieux en qualité. Par exemple, s’émerveiller plus, s’amuser plus, rire plus, aimer plus, méditer plus, partager plus, écouter plus, être plus sensé, pratiquer plus un sport, un hobby, un violon d’Ingres ou une passion exaltante qui nous procurent un vif plaisir, des émotions intenses ou peut-être des sensations fortes... À la place de cela, on se contente d’un quotidien rien de plus morose, sans satisfaction, ni bien-être, ni montée de sérotonine. Nous optons donc sciemment pour un rythme de vie monotone, qui essouffle, qui se traduit par une qualité de vie bien au-dessous de la moyenne et qui se résume en fin de compte par ce quotidien routinier du « métro, boulot, dodo ». Avec déplorablement, par moments, une espérance de vie insuffisante et qui laisse à désirer. Accompagnée en fin de compte de funérailles à la va-vite, sans recueillement dédié à la mémoire du défunt. Ainsi, la page est tournée pour finalement passer à autre chose... Une réalité rien de plus triste et rien de plus désolante.

Nous avons cru à un certain moment, surtout après l’absurde épisode du Covid, que les choses allaient changer drastiquement. Que la pandémie allait modifier les mœurs et les habitudes de fond en comble. Que la personne humaine, comme valeur, allait devenir plus importante que l’individu vu comme entité économique de consommation. Eh bien, rien n’y fait. D’une façon inconsciente, nous reprenons, lentement mais sûrement, le rythme d’antan et sa cadence effrénée et tout ce qui en découle comme désastre.

Et l’on se demande, après, pourquoi l’Homme (avec un grand « H ») n’est pas heureux et pourquoi notre monde actuel va mal et fait route (ou plutôt fausse route) les yeux fermés vers sa perte.

Il faudrait peut-être réfléchir en profondeur pour revoir les conséquences de ce « plus », notamment lorsqu’il est utilisé d’une manière nocive, afin de lui ôter son sens ravageur aux répercussions insalubres.

Je sais, pour terminer, que je vais être taxé d’utopique et de vouloir développer une vision personnelle, théorique, qui relève de l’hypothétique conceptuelle.

Une vue de l’esprit ! Oui, probablement... Et pourquoi pas ?

Après tout, le seul but de ma réflexion est de trouver, autant que faire se peut, les moyens possibles, afin que le monde soit meilleur et que les citoyens de ce même monde retrouvent un minimum de bonheur et de sérénité. Ne

serait-ce qu’un minimum, rien que le minimum acceptable.

En fin de compte, dans la vie, tout est à la base vue de l’esprit. Tout commence par une inspiration et une aspiration et tout se déclenche par la tête et par les neurones. D’ailleurs, l’esprit ne désigne-t-il pas, à la fois, l’intelligence et la conscience ? Même l’existence de Dieu peut être considérée comme une vue de l’esprit.

Pour certains, le concept de Dieu n’est qu’illusion et opium du peuple, alors que d’autres sont foncièrement convaincus de Son existence.

Avocat à la Cour

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Nous vivons dans un monde qui fait l’apologie de la performance, de la vitesse et de la compétitivité. Un monde qui rend hommage au record et à la prouesse. Il faut toujours aller à la vitesse supérieure pour être reconnu et intégré. Un système qui va vertigineusement vite et qui ne tient pas compte des vieux, des retardataires, des personnes défavorisées et de ceux qui ont du mal à...
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