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Politique - Focus

Les dernières obsessions de Michel Aoun

Le locataire de Baabda mène ses ultimes combats pour venir à bout de ce qu’il appelle la troïka.

Les dernières obsessions de Michel Aoun

Le président Michel Aoun prêtant serment au Parlement après son élection à la magistrature suprême le 31 octobre 2016. Photo d’archives AFP

Dans les salons de Baabda, lorsque le président reçoit ses convives en petit comité, il se lâche : « Je vais tous les mettre en prison », répéterait-il à l’envi. Des propos dont la présidence dément que le chef de l’État les ait tenus. Dans la ligne de mire de Michel Aoun, tous ses adversaires politiques, tous ceux qu’il accuse de l’avoir empêché d’accomplir ses grands desseins pour le pays, de Saad Hariri à Nabih Berry en passant par Walid Joumblatt et Riad Salamé. Tel Don Quichotte contre les moulins, Michel Aoun est convaincu, ou en tout cas cherche à convaincre tous ceux qui l’entourent, qu’il se bat seul et sans arrêt contre le reste du monde.

Voilà près de quatre décennies que Michel Aoun est à la recherche permanente d’un ennemi. C’est ce qui l’habite, tant le conflit nourrit autant ses ambitions que ses obsessions. « Avec Aoun, la paix ne peut être que temporaire », assure un de ses vieux adversaires politiques, qui a souhaité garder l’anonymat. Durant la guerre d’élimination qui a opposé le général aux Forces libanaises en 1990, Samir Geagea décrivait par ces mots son ennemi intime : « Le général Aoun est un cycliste qui a besoin de ne jamais s’arrêter de pédaler pour ne pas tomber. » Les FL peuvent en témoigner. La réconciliation scellée en 2016 entre les deux adversaires historiques n’aura tenu que quelques mois. Très vite, les habitudes ont repris le dessus. « Aoun veut toujours plus. Dès qu’il obtient quelque chose, il réclame quelque chose d’autre, c’est ce qui rend la relation avec lui impossible », affirme un vieux briscard de la politique qui a souhaité lui aussi garder l’anonymat.

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Même le tout-puissant Hezbollah ne parvient pas à calmer les ardeurs de son allié chrétien, qui se présentait comme son plus féroce adversaire avant l’accord de Mar Mikhaël en 2006. Le président accuse aujourd’hui le parti chiite de ne pas avoir rempli sa part du contrat, en refusant de le soutenir dans son combat contre la corruption, celui-là même qui doit lui permettre de sauver son mandat.

Fermer la parenthèse de Taëf

Le général mène désormais ses derniers combats. « L’enjeu n’est pas le gouvernement ou l’attribution des portefeuilles. C’est la lutte contre la corruption, contre la troïka qui a mené le pays à sa perte », dit un proche du président. Michel Aoun utilise le mot troïka pour désigner Hariri, Joumblatt et Berry, qu’il accuse d’être à l’origine de tous les maux du pays depuis Taëf. « Michel Aoun est un pilier essentiel du système qu’il prétend combattre », dénonce son adversaire cité plus haut. D’après lui, le président reste coincé à la fin des années 1980 et veut prendre sa revanche sur l’histoire. « Il ne pense qu’à cela : fermer la parenthèse de Taëf. En accédant à la présidence, il a réussi à retrouver une grande partie du pouvoir qu’il avait à l’époque », dit-il.

En exil, le général a dû prendre son mal en patience et regarder les anciens chefs de guerre se partager le pays. À son retour en 2005, il cherche à rattraper le temps perdu. « Aoun a voulu réaliser en quelques années ce qu’il considère que Hariri, Berry et Joumblatt ont réalisé en 30 ans », affirme un autre de ses opposants. « Tout cela explique qu’il veuille être sur tous les terrains à la fois, quitte à dire tout et son contraire. Il dit vouloir rebâtir l’État et ses institutions et lutter contre la corruption, et en même temps il veut enterrer la Constitution de Taëf, après avoir fait le serment de la respecter, et restaurer les pouvoirs du président de la République. Il affirme être favorable à un État laïc, mais il prétend aussi défendre les droits des chrétiens. Il déclare être hors du système mais conclut des accords et s’allie avec tous les piliers de celui-ci », ajoute-t-il.

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Dans l’entourage du locataire de Baabda, on estime que toutes ces critiques sont injustes et témoignent d’une campagne interne et externe visant à affaiblir le plus possible le mandat présidentiel. « Aoun subit un double siège dont il ne peut s’extraire », confie le proche du président.

Salamé, « boîte de Pandore »

Parmi toutes les obsessions du général, il y en a une qui prend le dessus depuis déjà quelques mois : avoir la tête de Riad Salamé. Le gouverneur de la Banque du Liban est considéré par le camp aouniste comme le gardien du temple de la corruption. « Pour Aoun, la banque centrale est la boîte noire qui contient tous les fichiers et secrets financiers du pays », souligne encore le proche du président. Il a fait de la défense de l’audit juricomptable, qui a des implications pénales, son principal cheval de bataille. Quitte à en faire un enjeu de la formation du gouvernement. « Aoun a proposé à Hariri, quand ce dernier était Premier ministre désigné, d’ouvrir une enquête contre Riad Salamé. Mais le chef du courant du Futur a refusé. S’il avait dit oui, le gouvernement serait déjà formé », assure un cadre du Courant patriotique libre (CPL). Le président a opéré de la même façon avec le nouveau Premier ministre désigné Nagib Mikati, assurant que les Français le soutiennent dans cette démarche. « Mikati a répondu qu’il était nécessaire de former un gouvernement avant de s’attaquer à ces dossiers », assure un proche du milliardaire de Tripoli.

Une personnalité s’étant récemment rendue à Baabda assure que Michel Aoun lui a dit qu’il ne quitterait pas son poste avant de voir Salamé en prison. Pourtant, le renouvellement du mandat du gouverneur de la BDL faisait partie d’un deal entre Michel Aoun et Saad Hariri dans le cadre du compromis présidentiel de 2016. Mais la crise économique et financière qui frappe le pays a tout remis en question. « Aoun voit Salamé comme la boîte de Pandore qui lui permettra de s’attaquer à tous les autres », décrypte son vieil adversaire politique.

S’ils démentent que le président ait pu tenir de tels propos, plusieurs de ses proches admettent que ce sont bien là ses intentions. Il s’agit pour lui de s’attaquer à la Middle East Airlines et à son président, Mohammad el-Hout, un proche de Saad Hariri, mais aussi au Conseil du Sud, une structure considérée comme dépendante du président du Parlement Nabih Berry, et enfin, selon le contexte politique du moment, à la Caisse des déplacés, une institution gérée pendant des années par une personnalité plus ou moins proche de Walid Joumblatt, que le président préfère cependant aux deux autres, le considérant comme le seul à être franc. « Michel Aoun veut s’attaquer à tout le système financier. Soit il réussit à redistribuer le gâteau à son avantage. Soit il œuvre à le transformer à son profit et surtout à celui du Hezbollah », analyse un bon connaisseur de la politique libanaise.

Dans les salons de Baabda, lorsque le président reçoit ses convives en petit comité, il se lâche : « Je vais tous les mettre en prison », répéterait-il à l’envi. Des propos dont la présidence dément que le chef de l’État les ait tenus. Dans la ligne de mire de Michel Aoun, tous ses adversaires politiques, tous ceux qu’il accuse de l’avoir empêché d’accomplir...

commentaires (18)

Lorsque le chef de l’Etat libanais déclare ne pas avoir un droit de regard sur ce qui se passe dans l’enceinte du port de Beyrouth, cela dépasse l’entendement. Son autorité s’étend sur tout le territoire national et de premier chef sur le port de Beyrouth.

Un Libanais

22 h 02, le 02 août 2021

Tous les commentaires

Commentaires (18)

  • Lorsque le chef de l’Etat libanais déclare ne pas avoir un droit de regard sur ce qui se passe dans l’enceinte du port de Beyrouth, cela dépasse l’entendement. Son autorité s’étend sur tout le territoire national et de premier chef sur le port de Beyrouth.

    Un Libanais

    22 h 02, le 02 août 2021

  • ERRATUM : une erreur d’inattention fatale s’est glissée dans le texte précédent. Faut lire : Merci de CET article, au lieu de CETTE article. veuillez accepter mes excuses.

    Le Point du Jour.

    19 h 24, le 02 août 2021

  • Aoun n'a nullement le profil d'un dirigeant digne de gérer tout un pays. La faute incombe en premier à ceux qui lui ont permis d'accéder à la présidence,

    Esber

    18 h 55, le 02 août 2021

  • Merci pour cette article Monsieur Mounir Rabih. Il y a des Ecoles qui forment l’élite d’une nation, il y a aussi des élites qui forment une nation par leur savoir et, leurs connaissances, nous en avons des exemples types, tel que Calos Ghosn, Amine Maalouf, Mounir Rabih etc… Ce dernier, est le journaliste par excellence, qui ne ménage pas sa peine pour aller au fond du sujet, nous surprend par sa plume qui roule naturellement sans excès ni précipitation, pour nous affranchir du passé présent et avenir. A Chaque fois il nous surprend par des infos inconnues par le commun des mortels, il nous gratifie avec élégance et un savoir-faire digne du seigneur de la plume qu’il est. C’est l’alter ego de Monsieur Amine Malouf, pour ses livres qui relatent souvent les us et coutumes des Libanais, présenté autrement qu’un catalogue ennuyeux, mais avec des mots innovants et haut en couleur. Quel bonheur de lire ces Messieurs ! Carlos Ghosn n’est pas en reste, Capitaine d’Industrie de haut vol. En Voilà des exemples cent pour cent Libanais, qui seraient dignes de diriger ou de donner leurs avis pour relancer un Liban en peine de se mettre sur ses deux jambes. Je ne parlerai pas de Aoun/Bassil, sujet inintéressant, maintes fois remis sur le tapis pour aucun résultat probant. Il Faut croire en la puissance intellectuelle de nos élites apolitique, qui pourront un jour prendre le relais, et emmener le Liban au sommet du monde. Vive le Liban Libre.

    Le Point du Jour.

    16 h 32, le 02 août 2021

  • Qu‘en est-il des dossiers que la juge a récupéré par force? Qu‘ont-ils dénoncé? C’était pour dénoncer ou cacher? Maintenant que rien n‘a été dévoilé la théorie de cacher s’épaissit de plus en plus.

    Khazzaka May

    15 h 09, le 02 août 2021

  • "L'automne du patriarche"...Requiem pour un échec annoncé...

    otayek rene

    12 h 17, le 02 août 2021

  • Je voulais dire Le liban agonisait depuis le décès de bachir…. Il est mort aujourd’hui à cause de ces gens

    LE FRANCOPHONE

    11 h 04, le 02 août 2021

  • The CPL and Aoun have fought the system long enough and hard enough only to become part of it . They have certainly caught up and may have even surpassed the most corrupt since Aoun's 'inglorius' return from exile.

    EL KHALIL ABDALLAH

    10 h 57, le 02 août 2021

  • on dirait que depuis octobre 2019 , Aoun obsède tout le monde : on ne lit et écoutons aussi farouchement que contre lui . Les composants de la troika et anciennes milices sont devenus les sauveurs de ce pauvre pays . Il n'y pas plus kelloun yaaneh kelloun ???

    Lecteurs OLJ 2 / BLF

    10 h 27, le 02 août 2021

  • .. et l accord entre Cedrus bank et la banque du Liban ? Il n entend rien, ne voit rien, ne dit rien.

    diala yafi

    10 h 22, le 02 août 2021

  • Je voudrais bien croire que le général avait de bonnes intentions mais comment l'a-t-il démontré? - En attaquant les FL, seules a avoir défendu le Liban et ses institutions contre les invasions étrangères, et nous mettre sous occupation Syrienne ? - En s'alliant au Hezbollah dont l’idéologie est la destruction des institutions de l’état et de le transformer en province Iranienne? Sans compter que ce parti couvre justement toutes les corruptions des uns et des autres pour se servir de sous la table en catimini et en arriver a ses fins? - En couvrant le fait que les membres du partis Chiites ne payent ni factures d’électricité, ni eau ni téléphone au dépends des finances de l’état? - En couvrant que le parti Chiite contrôle des points de passages frontaliers a travers lesquels ses membres se permettent toutes sortes de trafiques sans payer des taxes a l’état ? - Lorsque, pour faire plaisir au Hezbollah, il refuse la construction de nouvelle centrales électriques et accepte plutôt des bateaux merdiques mais s'en prend aux FL pour justifier ses échecs? - ou enfin en couvrant les meurtres commit par le Hezbollah contre tous ceux qui s'opposent a lui ? - Peut être encore en encourageant le parti Chiite a envahir le pays et en finir avec tous les autres? Sa réussite? Il a prouvé que, lui comme ses officiers, ne peuvent être garant de rien puisqu'ils sont tous des ignares bêtes et stupides qui au final, de par leur comportement, ont conduit le pays a la catastrophe.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 47, le 02 août 2021

  • Tel Don Quichotte, mongénéral s'est attaqué a tous les moulins a vent qu'il a pu croiser (les FL, le Hezbollah, les Syriens, Nabih Berri, Walid Jumblatt, le clan Harriri, Riad Salamé, et j'en oublie surement...) Tel Don Quichotte il fut defait partout. Nous sommes HELAS les Dindons-Pancha de cette sinistre farce conduite par ce sinistre sieur.

    Lebinlon

    09 h 43, le 02 août 2021

  • Ce monsieur a provoqué la guerre dite de libération en 1989: morts, destructions et malheurs. En 1990 il combat les FL en utilisant une partie de l’armée nationale :encore plus de morts, de destructions et divisions irréversibles de la société chrétienne libanaise. Il fuit le premier le palais de Baabda pour se réfugier à l’ambassade de France alors que la veille il avait promis qu’il serait le dernier à partir tout en laissant une partie de l’armée nationale se faire décimer par l’armée d’occupation syrienne. En 2014, il bloque le pays durant 2 ans pour s’imposer à la présidence en promettant monts et merveilles, il est élu en 2016 et le résultat est : le pays est pillé, ruiné et toutes les institutions sont en faillite. La population manque de tout : nourriture, eau, électricité, médicaments, carburants… et pour conclure l’explosion apocalyptique du 4 août 2020. Alors ses états d’âme, il peut se les garder, nous on essaye de survivre pendant ce temps alors que ses proches affichent un train de vie luxueux totalement indécent. Je n’ai fait que relater des faits qui se sont déroulés et qui ont été rapportés dans toute la presse et je prie les modérateurs de l’OLJ de ne pas considérer ce commentaire comme une attaque et donc de ne pas me censurer

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 22, le 02 août 2021

  • Michel Aoun a de bonnes intentions. Ses objectifs sont corrects. Mais ses methodes trop couteuses. La tete de Berri contre bruler le pays...

    Mon compte a ete piraté.

    08 h 37, le 02 août 2021

  • Nous le constatons depuis le 31oct. 2016, il n'est capable que de cela: oeuvrer pour ses obessions et ambitions personnelles ! Le Liban et son peuple, il ne connait pas...et nous en subissons chaque jour les conséquences de plus en plus désastreuses. Et toutes ses déclarations officielles ou en privé n'y changeront malheureusement rien !!! - IrèneSaïd

    Irene Said

    07 h 41, le 02 août 2021

  • "Le président accuse aujourd’hui le parti chiite de ne pas avoir rempli sa part du contrat, en refusant de le soutenir dans son combat contre la corruption,". J;avoue ne pas très bien comprendre de à quel " combat contre la corruption" il peut bien faire allusion. Tout le monde sait que la moitié de la dette du Liban, soit 50 milliards de dollars, provient de l'EDL géré depuis 12 ans par son gendre. Je n'ai jamais entendu dire qu'il avait demandé une enquête à ce sujet

    Yves Prevost

    07 h 28, le 02 août 2021

  • "... Il s’agit pour lui de s’attaquer à la Middle East Airlines ..." - une des rares choses qui fonctionnent encore quoi...

    Gros Gnon

    03 h 13, le 02 août 2021

  • LA SCHIZOPHRENIE EST UNE MALADIE MALIGNE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    01 h 10, le 02 août 2021

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