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Politique - Éclairage

Au Liban, l’affaire Pegasus n’a pas fait scandale

Le fait que la plupart des responsables aient été ciblés par un logiciel israélien utilisé par les pays du Golfe n’a pas provoqué de secousses politiques.


Au Liban, l’affaire Pegasus n’a pas fait scandale

Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammad ben Salmane et Saad Hariri, alors Premier ministre du Liban, à La Mecque, le 1er juin 2019. Photo AFP

Michel Aoun, Saad Hariri, Samir Geagea, Gebran Bassil, Ali Hassan Khalil, Wafic Safa ou encore Abbas Ibrahim : la liste des responsables politiques libanais ciblés par le programme d’espionnage israélien Pegasus est très longue. Les pays du Golfe, Arabie saoudite et Émirats arabes unis, auraient ainsi mis sous surveillance quasiment tous les dirigeants les plus importants du pays, à l’exception de Hassan Nasrallah, selon les informations publiées par un consortium de médias, dont le site libanais Daraj qui a mis en lumière l’un des plus gros dossiers d’espionnage depuis WikiLeaks. Le gouvernement israélien dispose d’un droit de regard sur les pays à qui la compagnie NSO fournit son logiciel. On est donc en présence d’une affaire dans laquelle des pays alliés utilisent le logiciel d’un État ennemi pour surveiller tout ce qui se passe au Liban : dans n’importe quel autre pays, ses révélations auraient sans doute provoqué une importante secousse sur la scène politique locale. Mais pas au Liban. L’affaire n’a engendré ni débats ni réflexions, alors que plus de 300 numéros libanais ciblés par Pegasus ont été répertoriés. « Nous n’avons pas pu vérifier les numéros de la présidence, mais durant l’investigation, beaucoup de politiciens ont été informés que leur téléphone était infecté par Pegasus. La plupart des journalistes ont été prévenus également, mais certains préfèrent que cette information reste confidentielle, et nous respectons leur choix », explique Diana Moukaled, cofondatrice du journal Daraj. En collaboration avec Amnesty International, chaque personne ciblée par le programme devait accepter d’envoyer son téléphone à l’organisation afin qu’un laboratoire scientifique puisse vérifier si oui ou non l’appareil était infecté. 

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Du côté des alliés des pétromonarchies du Golfe, on préfère faire taire l’affaire pour ne pas envenimer un peu plus des relations déjà assez tendues. L’Arabie saoudite a pris ses distances avec le Liban depuis la séquestration de Saad Hariri à Riyad en novembre 2017. La question du Hezbollah, le dossier de la contrebande de Captagon ou, plus récemment, les insultes de l’ancien ministre des Affaires étrangères Charbel Wehbé proférés contre les pays du Golfe ont éloigné le Liban de ses alliés traditionnels. « De nombreux personnes et médias affiliés au pays du Golfe n’ont pas intérêt à parler du scandale des écoutes Pegasus. Au contraire, les grands médias ont très vite changé de sujet », affirme Mohammad Negm, directeur général de SMEX, organisation qui travaille sur l’avancée des « droits numériques » dans le monde arabe. « La majorité des “mainstream media” au Liban ont des intérêts financiers conséquents dans le Golfe, ce qui ne les encourage pas à donner à cette affaire la place qu’elle devrait avoir par rapport à la gravité des faits », renchérit Diana Moukalled. Le contexte local, marqué par l’effondrement du pays et l’impasse politique, ont certainement contribué aussi à reléguer l’affaire au second plan.

Un protocole de sécurité très strict

Alors que le camp sunnite cherche à restaurer les liens avec l’Arabie saoudite, il avait tout intérêt à la ranger dans les tiroirs. Selon Mohammad Negm, Nouhad Machnouk se serait dit flatté que l’Arabie saoudite s’intéresse à lui quand il a été informé de ce dossier, puisque l’ancien ministre est aujourd’hui à la marge des discussions politiques. Contacté par L’Orient-Le Jour, le responsable de la communication de Saad Hariri a estimé n’avoir rien à dire sur le sujet.

L’affaire aurait pu faire aussi grincer quelques dents du côté du Hezbollah. Outre le responsable de la sécurité, Wafic Safa, les députés Ali Fayad et Hassan Fadlallah ont aussi été ciblés par le logiciel, tout comme le patron de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, proche du parti chiite, et plusieurs personnes dans l’entourage proche du président du Parlement Nabih Berry. De quoi susciter des interrogations quant à de possibles transmissions d’informations à la partie israélienne. Fayçal Abdessater, analyste politique proche du Hezbollah, considère que le parti sait pertinemment que tous ses membres et collaborateurs peuvent être sous écoute par le biais des téléphones portables. « Un protocole de sécurité très strict est déjà appliqué, et ce n’est pas la première ni la dernière fois que ce parti est visé par ce type de programme d’espionnage. Je suis convaincu que les dégâts sont limités », précise-t-il. Il est de notoriété publique que le Hezbollah possède au Liban son propre réseau de télécommunication, une infrastructure parallèle qui ne passe pas par le câblage libanais. La découverte de ce réseau en 2007 fut d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le Hezbollah déclencha l’invasion de Beyrouth durant les événements du 7 mai.

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Le logiciel espion de la société israélienne NSO est potentiellement le plus développé qui ait été révélé au grand jour. Sa capacité à s’introduire dans les appareils sans même un message, un courriel sur lequel l’individu clique en utilisant les failles d’application téléphonique, est sans commune mesure. Il enregistre, active le micro, la caméra, vide le téléphone de son contenu, et aucune application n’y résiste, même WhatsApp et Telegram, pourtant connus pour leur système de cryptage. Ce programme se comporte avec le téléphone comme un utilisateur sans n’y laisser aucune trace. « Ce virus balaye absolument tout sur le téléphone. Il est aussi pratiquement impossible à détecter par les forensic, il faut une technologie très perfectionnée », confie Lina Oueidate, chargée d’affaires nationale pour la cybercriminalité au Liban. Elle souligne que le programme a quatre manières de s’introduire dans le téléphone : le « zero click », en envoyant simplement un message sur le téléphone à travers une application comme WhatsApp qui envoie un message piège, par le biais d’un réseau WiFi sur lequel le téléphone est connecté, et physiquement, en connectant le téléphone à une clef.

Le Liban a lancé en 2019 une stratégie nationale de lutte contre la cybercriminalité,, qui n’a cependant jamais été validée en Conseil des ministres. Sous-équipé et bénéficiant d’un budget modeste, le pays du Cèdre n’est pas au niveau afin de lutter efficacement contre ce type d’attaque. Nicolas Sehnaoui, membre du Courant patriotique libre (CPL) et ancien ministre des Télécommunications, déclare à L’OLJ que Pegasus « est une atteinte indéniable à la vie privée. Malheureusement, au Liban, il n’y a ni secret d’État ni confidentialité, le pays est une vraie passoire où rien ne reste entre quatre murs ».

Michel Aoun, Saad Hariri, Samir Geagea, Gebran Bassil, Ali Hassan Khalil, Wafic Safa ou encore Abbas Ibrahim : la liste des responsables politiques libanais ciblés par le programme d’espionnage israélien Pegasus est très longue. Les pays du Golfe, Arabie saoudite et Émirats arabes unis, auraient ainsi mis sous surveillance quasiment tous les dirigeants les plus importants du pays, à...

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On sait que le Hezbollah est un état dans l’etat

Eleni Caridopoulou

18 h 42, le 29 juillet 2021

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Commentaires (2)

  • On sait que le Hezbollah est un état dans l’etat

    Eleni Caridopoulou

    18 h 42, le 29 juillet 2021

  • au point ou ils en sont ! de l'arabe, ""MOI QUI SE NOIE, NE ME SOUCIE GUERE DE ME TREMPER."" apres tout nos bonnes gens ont tres peu de choses a chacher, en fait LA SEULE CHOSE tout ce qui les auraient inquiete d'etre devoilees sont leurs magouilles financieres. OR, meme ca n'est plus qu'une verite de la palice MONDIALEMENT ET LOCALEMENT CONNUE depuis belle lurette.

    Gaby SIOUFI

    09 h 32, le 29 juillet 2021

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