Selon une source gouvernementale citée par le Daily Star, le ministère des Finances s’apprêterait à payer 150 000 dollars au cabinet Alvarez & Marsal chargé depuis septembre 2020 du volet juricomptable de l’audit des comptes de la Banque du Liban (BDL). L’auditeur avait jeté l’éponge en novembre dernier, en expliquant que la BDL avait refusé de lui fournir les documents demandés en se réfugiant derrière le secret bancaire. Il avait ensuite été approché une nouvelle fois par le ministère des Finances qui cherchait à le relancer, ce qui semblait avoir abouti en avril.
Contacté par L’Orient-Le Jour, le ministère n’a pas souhaité faire de commentaires. Si elle se confirmait, cette information constituerait une surprise sur un dossier ayant enregistré très peu d’avancées depuis l’adoption en décembre par le Parlement d’une loi permettant la levée du secret bancaire pendant un an sur les comptes de la BDL et des institutions publiques en son sein. La source aurait indiqué que le cabinet « allait reprendre l’audit juricomptable lorsque le contrat avec l’État libanais serait signé ». « La BDL a déjà donné à l’entreprise les documents et données demandés par Alvarez & Marsal », toujours selon la source gouvernementale.
150 000 dollars
Un détail fourni par cette information interpelle cependant. La somme de 150 000 dollars à laquelle elle fait référence correspond selon la source gouvernementale au montant que le Liban devra payer dans les jours qui viennent pour qu’Alvarez & Marsal poursuive sa mission. Or, selon le contrat initial, il s’agissait du montant que le cabinet pouvait garder pour lui dans le cas où il n’aurait pas réussi à obtenir tous les documents requis pour entamer son audit. Le contrat portait sur un montant total de 2,1 millions de dollars et aucun élément rendu public n’a pour l’instant permis de déterminer si le cabinet avait encaissé les 150 000 dollars prévus pour le cas de désistement prévu.
L’audit des comptes de la Banque du Liban, en marge de la grave crise financière et économique que subit le pays depuis près de deux ans, est l’une des conditions (avec la mise en place de réformes) exigées par le Fonds monétaire international et la France pour tout déblocage d’une assistance financière. KPMG, pour le volet comptable, et Oliver Wyman, spécialiste des banques centrales, ont également été choisis par l’État libanais pour le contrôle des comptes de la BDL, mais leurs audits ne semblent pas avoir progressé non plus depuis la signature des contrats en septembre, selon plusieurs sources proches du dossier. Plus spécifiquement, Alvarez & Marsal, spécialiste de la restructuration mais qui possède un département dédié aux audits juricomptables, a été pour sa part mandaté pour tenter de retracer l’historique des transactions passées par la BDL de manière à pouvoir collecter suffisamment d’éléments pouvant être produits en justice pour confirmer ou infirmer leur régularité.Une mission délicate dans un pays où le secteur bancaire et la classe politique sont soupçonnés d’avoir transféré plusieurs milliards de dollars hors du pays pendant qu’un contrôle des capitaux illégal avait unilatéralement été imposé au commun des déposants et qui n’a donc pas pu être mené à bien jusqu’à présent. Les détracteurs de l’audit se sont jusqu’ici réfugiés sur une interprétation du secret bancaire qui a été critiquée, notamment par la ministre sortante de la Justice Marie-Claude Najm.
Il semble que l'audit juricomptable, va continuer à piétiner jusqu'à tomber dans l'oubli.
22 h 44, le 29 juillet 2021