La perte de Farès Sassine laissera un grand vide au Liban. Car ce personnage modeste et discret, né en 1947, a joué un rôle considérable dans la vie culturelle du pays. Professeur de philosophie diplômé de la Sorbonne, il a formé des milliers d’étudiants à l’Université libanaise, avant de se consacrer à l’édition, au sein de Dar an-Nahar, aux côtés de Ghassan Tuéni dont il était le conseiller et dont il projetait d’écrire un jour la biographie...
On doit à Farès Sassine l’édition de nombreux livres rédigés par nos meilleurs romanciers ou essayistes et révisés par sa plume exigeante, et des ouvrages collectifs qui n’auraient jamais vu le jour sans son travail acharné, notamment le recueil consacré à Sélim Takla, l’album sur la place des Martyrs (al-Borj), qui a obtenu le Prix Ignace Maroun en 2001, ou encore Le Livre de l’indépendance (coécrit avec Ghassan Tuéni et Nawaf Salam) qui a rencontré un franc succès…
Incollable en philosophie, en histoire, en littérature…
L’homme était doté d’une culture encyclopédique : incollable en philosophie, en histoire et en littérature, c’était aussi un amateur d’art, un cinéphile averti et un mélomane enthousiaste qui ne ratait aucun concert programmé au Festival international de Baalbeck ou au Festival al-Bustan. Derrière ses lunettes épaisses, ses yeux brillaient d’intelligence et s’allumaient quand il décochait un trait d’humour ou une réplique ironique.
Farès Sassine a à son actif des centaines d’articles publiés dans des revues libanaises et étrangères, dont L’Orient-Express de Samir Kassir et L’Orient Littéraire dont il fut l’un des piliers depuis sa renaissance en 2006. Il y commentait les essais les plus ardus avec une aisance déconcertante : analyser des textes de Sartre, Hegel, Nietzsche, Schopenhauer... était pour lui une promenade de santé. Ses incursions dans le domaine poétique (Bonnefoy, Baudelaire...) étaient pour lui des moments de détente... Nombre de ses papiers sont toujours disponibles sur son blog malicieusement baptisé « Assassines ».
Ce fils de Zahlé, très attaché à sa ville natale, ce mari et père attentionné était aussi un Libanais authentique, soucieux du devenir de son pays. Dans un article intitulé « L’entité libanaise internationale et constitutionnelle » et récemment publié en Suède, il écrivait avec amertume : « Le paradoxe libanais peut être formulé ainsi : alors que l’idée libanaise, celle d’un État indépendant reconnu par tous ses citoyens et par eux revendiqué, s’est enrichie, a survécu à une guerre atroce, le fait libanais, celui d’un État souverain assumé par ses institutions représentatives, est désormais évanescent… »
Fidèle en amitié, celui qui aimait rappeler que Nietzsche mesurait un « grand sentiment » non à son intensité, mais à sa durée, est parti quelques heures après son complice, le romancier Jabbour Douaihy, comme s’il tenait à ne pas le laisser entreprendre seul ce voyage « au fond de l’inconnu ».
commentaires (1)
Paix à l’âme de ce brillant monsieur ??
Torbey marianne
06 h 58, le 26 juillet 2021