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Sport

JO et politique, un très ancien flirt

JO et politique, un très ancien flirt

Les poings levés des athlètes américains Tommie Smith et John Carlos sur le podium du 200 m olympique à Mexico en 1968, pour protester contre le racisme aux États-Unis, résonnent encore fortement cinquante-trois ans après, avec le mouvement Black Lives Matter. Cette scène, où ils étaient accompagnés sur le podium par l’athlète australien Peter Norman, a été immortalisée dans une peinture murale à Melbourne. William West/AFP

De la propagande nazie aux manifestations antiracistes, les Jeux olympiques entretiennent depuis toujours une relation tumultueuse avec la politique. Le Comité international olympique (CIO) a longtemps banni les prises de position politiques, pourtant omniprésentes. Il vient d’autoriser – avec un cadre précis – les sportifs participant aux JO à exprimer leur point de vue politique.

« Cette politisation des Jeux remonte en fait à leur fondateur Pierre de Coubertin, et au lien étroit entre le mouvement olympique naissant et le mouvement pour la paix », explique le professeur Jean-Loup Chappelet de l’université de Lausanne, expert de l’histoire olympique. « Quand le CIO a été créé en 1894, il y avait une volonté d’utiliser les Jeux pour promouvoir le thème de la paix, dit-il, de sorte que les Jeux ont toujours été beaucoup plus qu’une série de championnats du monde, il y a eu dès le début une volonté de donner un objectif politique. » Utilisée par les États, l’arme politique s’est aussi retournée contre eux, lorsque des militants ont utilisé la caisse de résonance mondiale des JO pour promouvoir leur cause.

Exclusions

Les chroniqueurs de la Grèce antique rapportent que Sparte, dans les années 420 av. J.-C., avait été exclu des Jeux pour n’avoir pas respecté la trêve olympique, qui imposait un arrêt des combats.

Dans l’ère moderne, exclure un pays des Jeux est devenu un moyen de mise au ban de la communauté internationale : les vaincus de la Première Guerre mondiale (Allemagne, Autriche, Hongrie, Turquie et Bulgarie) ont été exclus des Jeux d’Anvers 1920, puis ceux de la Seconde Guerre mondiale (Allemagne et Japon) de Londres 1948. L’Afrique du Sud de l’apartheid (de 1964 à 1988 inclus) et la Yougoslavie frappée de sanctions internationales en 1992 sont deux autres cas célèbres d’exclusion.

Boycott

À l’inverse, certains ont boycotté les Jeux pour « sanctionner » le pays organisateur, ou pour s’opposer à la présence d’une délégation d’un pays « hostile ». Ce type d’action a surtout été utilisé pendant la décolonisation et la guerre froide.

Le mouvement débute spectaculairement en 1956, quand l’Égypte, le Liban et l’Irak snobent les Jeux de Melbourne pour protester contre l’intervention militaire franco-britannique sur le canal de Suez. Simultanément, l’Espagne, la Suisse et les Pays-Bas refusent de participer pour dénoncer l’intervention soviétique contre le mouvement prodémocratie à Budapest, tandis que la Chine se retire en raison de la présence d’une délégation de Taïwan.

Les boycotts « croisés » des Jeux de Moscou 1980 par les Américains (en raison de l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge) et une partie de leurs alliés, puis de ceux de Los Angeles en 1984 par le bloc soviétique, sont des épisodes célèbres de la guerre froide. De même que le retrait des Jeux de Montréal, en 1976, des pays africains refusant de participer aux côtés de la Nouvelle-Zélande qui avait accepté de jouer au rugby contre l’Afrique du Sud raciste.

Propagande

Assez confidentiels à leurs débuts, les Jeux prennent une dimension nouvelle en 1936, lorsque le régime hitlérien décide d’en faire un spectacle grandiose au service de la propagande nazie. « À partir de là, les JO deviennent une affaire très importante », note le professeur Chappelet, « et ça n’a fait que continuer après la Seconde Guerre mondiale, avec cette confrontation permanente entre les blocs de l’est et de l’ouest ». Le symbole politique « a été utilisé par beaucoup de gouvernements », décrypte-t-il : « Les Jeux de Rome en 1960 marquent le retour de l’Italie dans le concert des nations, ceux de 1964 marquent celui du Japon, puis en 1968, à Mexico, c’est le tiers-monde qui arrive. En fait, après la guerre, les Jeux deviennent un enjeu géopolitique d’autant plus important que les gouvernements mordent à l’hameçon et voient l’intérêt politique de les organiser. »

Les démocraties font aussi des Jeux une vitrine, comme la Corée du Sud (Séoul 1988), l’Angleterre (Londres 2012) ou la France (Paris 2024). « Le bénéfice d’image est même la principale raison d’organiser des Jeux aujourd’hui », analyse l’historien : « Pourquoi le Japon n’a-t-il pas voulu annuler les Jeux, alors que c’était la solution la plus simple ? Parce qu’il ne veut pas perdre la face vis-à-vis de la Corée qui les a organisés en hiver ou de la Chine qui va organiser les Jeux d’hiver en 2022. Et si les Jeux n’ont pas lieu, la marque Japon va souffrir. »

Poings levés et attentats

Les poings levés des athlètes américains Tommie Smith et John Carlos sur le podium du 200 m à Mexico en 1968, pour protester contre le racisme aux États-Unis, résonnent encore fortement en 2021, après le mouvement Black Lives Matter. Les deux hommes furent ensuite interdits de compétition à vie. Quatre ans plus tard, à Munich en 1972, les Jeux ont vécu le pire drame de leur histoire avec la mort de 17 personnes, dont onze otages israéliens, dans une attaque perpétrée par un commando de l’organisation palestinienne Septembre noir. En 1996, à Atlanta, un attentat d’extrême droite a fait un mort et 111 blessés.

Christophe BEAUDUFE/AFP

De la propagande nazie aux manifestations antiracistes, les Jeux olympiques entretiennent depuis toujours une relation tumultueuse avec la politique. Le Comité international olympique (CIO) a longtemps banni les prises de position politiques, pourtant omniprésentes. Il vient d’autoriser – avec un cadre précis – les sportifs participant aux JO à exprimer leur point de vue...

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