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Moyen-Orient - Éclairage

Nucléaire iranien : les négociations au point mort

Les déclarations mardi de l’AIEA selon lesquelles Téhéran a l’intention de « produire de l’uranium métal avec un taux d’enrichissement de 20 % » suscitent l’inquiétude des chancelleries occidentales mais apparaissent comme un moyen de pression de la part de la République islamique visant à aboutir au plus vite à un deal avec Washington.

Nucléaire iranien : les négociations au point mort

Abbas Araghchi, à droite, adjoint politique au ministère iranien des Affaires étrangères, et Kazem Gharibabadi, ambassadeur d’Iran auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique, à Vienne, après les pourparlers nucléaires à huis clos le 20 juin. Joe Klamar/AFP

Après quelques semaines d’optimisme, les négociations sur le nucléaire iranien semblent battre de l’aile. Exit le temps des discours européens rassurants mais prudents ; des discours américains méfiants mais relativement réconfortants. Aux annonces donnant à voir un Enrique Mora – coordinateur pour l’Union européenne des discussions indirectes entre Washington et Téhéran – en apparence sûr de lui, se fendant, le 19 mai, d’un « Je suis convaincu qu’il y aura un accord final », succède à présent l’inquiétude. Dans un communiqué publié le 6 juillet, les ministres des Affaires étrangères de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni ont insisté sur leur grande préoccupation concernant le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) « qui confirme que l’Iran a débuté les étapes nécessaires à la production d’uranium métal enrichi », ajoutant que « ceci constitue une violation grave » par la République islamique de ses engagements dans le cadre de l’accord international sur son programme nucléaire (JCPOA).

Selon le dernier rapport de l’agence onusienne, Téhéran compterait désormais « produire de l’uranium métal avec un taux d’enrichissement de 20 % ». Pour le représentant iranien auprès de l’AIEA, Kazem Gharibabadi, la démarche se justifie par la volonté d’améliorer « la production de produits pharmaceutiques ». Pour Paris, Londres et Berlin en revanche – qui jouent les médiateurs entre les États-Unis et la République islamique depuis l’ouverture des pourparlers en avril dernier –, la manœuvre compromet sérieusement le retour de Washington dans l’accord actuellement en négociation à Vienne. Depuis la prise de fonctions de l’administration Biden en début d’année, la Maison-Blanche mène une course contre la montre pour réactiver le deal conclu en 2015 avec l’Iran sous le mandat de Barack Obama et permettant de restreindre drastiquement les activités nucléaires de Téhéran en échange d’un allégement des sanctions économiques à son encontre.

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En 2018, le président Donald Trump s’était retiré de manière unilatérale de cet accord, entraînant la mise en œuvre d’une pression maximale contre la République islamique qui, en réaction, s’est défait d’une large partie de ses engagements. Joe Biden avait fait de la reprise des négociations avec Téhéran l’une de ses priorités en matière de politique étrangère mais savait d’avance qu’il se heurterait à deux difficultés de taille. D’abord, une levée de boucliers dans les rangs des faucons américains se faisant l’écho des appréhensions israéliennes mais aussi saoudiennes relatives au programme balistique et aux activités régionales iraniennes par le biais de ses supplétifs en Syrie, en Irak, au Liban et au Yémen. Ensuite, la victoire – déjà pressentie à l’époque – d’un partisan de la ligne dure à l’issue du scrutin présidentiel iranien du 18 juin. Des prévisions qui ont conduit les Occidentaux à accélérer la cadence afin d’aboutir le plus rapidement possible à un accord avec Téhéran, avant le remplacement du président « modéré » Hassan Rohani et de son chef de la diplomatie Mohammad Javad Zarif. Certes, pas de quoi renverser la table, puisque le seul véritable décisionnaire sur le sujet du nucléaire est le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. Mais, du point de vue occidental, le gouvernement sortant pouvait, sur la forme du moins, se montrer plus commode. D’autant qu’il avait intérêt à ce que l’allégement des sanctions fasse vite ses preuves pour redorer son blason aux yeux d’une opinion publique désabusée.

Point mort

Tandis que l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi s’apprête à prendre ses fonctions en août, les discussions entre les deux ennemis jurés semblent aujourd’hui au point mort et la suite manque pour l’heure de lisibilité. Quel sera le négociateur en chef du côté iranien et, surtout, existe-t-il une date butoir à la conclusion d’un accord ? Une chose est sûre pourtant : malgré une rhétorique plus belliqueuse, les durs du régime veulent coûte que coûte aboutir à un deal avec Washington. Et Ali Khamenei pourrait, pour cela, leur accorder une plus grande marge de manœuvre qu’à leurs prédécesseurs, à l’heure où le numéro un de la République islamique prépare sa succession, où tous les centres du pouvoir sont aux mains des conservateurs et des ultras, et où les réformistes et les modérés sont laminés. Dans ce contexte, la production d’uranium métal enrichi à 20 % apparaît surtout comme un levier stratégique pour Téhéran : augmenter la pression sur ses interlocuteurs pour aller plus vite vers la conclusion d’un accord.

« Cette dernière initiative concernant la production d’uranium métal enrichi ainsi que les préoccupations persistantes concernant la coopération de Téhéran avec l’AIEA sont considérées par les États-Unis et les Européens comme inutiles et préoccupantes. Mais dans un sens, elles soulignent également l’importance d’atteindre un accord négocié qui restaure pleinement les restrictions du JCPOA sur l’activité nucléaire de l’Iran », commente Naysan Rafati, analyste sur l’Iran au sein du Crisis Group.

Pour mémoire

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Avant les annonces de l’AIEA, les discussions entre les États-Unis et l’Iran semblaient avoir avancé mais butaient sur deux points particulièrement épineux. Côté iranien, on souhaite que Washington s’engage à ce qu’aucune administration ultérieure ne puisse torpiller l’accord final. Il faut en somme garantir que le deal se fasse d’État à État et non pas de gouvernement à gouvernement. Côté américain, on souhaite que Téhéran s’astreigne à des négociations futures sur les dossiers non nucléaires. Ce à quoi le successeur de Hassan Rohani a déjà opposé une fin de non-recevoir. Faut-il dès lors percevoir dans la dernière démonstration de force iranienne la volonté de montrer des muscles pour pousser Washington à abandonner missiles et milices? « Ces développements ne sont pas nécessairement liés à de futurs pourparlers mais un signal que les Iraniens continueront d’étendre leur activité nucléaire en l’absence d’un accord sur la relance du JCPOA et l’obtention d’un allégement des sanctions américaines », insiste Naysan Rafati.

Pour le moment, Washington joue pleinement la carte diplomatique, fait part de ses craintes en évitant de trop monter le ton. « C’est inquiétant que l’Iran ait choisi l’escalade (...) », a déclaré le porte-parole du département d’État Ned Price, ajoutant que « de telles provocations ne donneront aucun levier à l’Iran dans les discussions » et appelant Téhéran à « être prêt à terminer le travail » entamé en avril. « Parvenir à un accord reste pour l’instant l’objectif des deux parties, mais si ce processus d’escalade nucléaire se poursuit, il est possible que les États-Unis et les Européens saisissent l’affaire devant l’AIEA en temps voulu », avance Naysan Rafati.

Après quelques semaines d’optimisme, les négociations sur le nucléaire iranien semblent battre de l’aile. Exit le temps des discours européens rassurants mais prudents ; des discours américains méfiants mais relativement réconfortants. Aux annonces donnant à voir un Enrique Mora – coordinateur pour l’Union européenne des discussions indirectes entre Washington et Téhéran – en...

commentaires (2)

Esperons que ces negociations en trompe-l' oeil echouent... Les americains comprendront qiu' il n' y a que la maniere forte pour traiter ce dossier !

LeRougeEtLeNoir

10 h 31, le 08 juillet 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Esperons que ces negociations en trompe-l' oeil echouent... Les americains comprendront qiu' il n' y a que la maniere forte pour traiter ce dossier !

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 31, le 08 juillet 2021

  • L’échec éventuel des négociations sur le nucléaire iranien ne serait pas une mauvaise mais une bonne nouvelle. Il maintiendrait la pression maximale sur le régime des mollahs que Donald Trump avait eu raison d'exercer,

    Tabet Ibrahim

    09 h 20, le 08 juillet 2021

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