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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour préserver l’unité du Liban... Fédéralisons son système politique

On a beaucoup parlé du système politique fédéral comme étant une solution envisageable pour remplacer la Constitution de la « Deuxième République » (accord de Taëf), qui semble être un fardeau pour tous les groupes, ou communautés, constituant le Liban. En effet, l’injustice qui était ressentie par les communautés musulmanes, et qui était légitimée par la Constitution de la première République (1943), semble toucher actuellement tous les groupes libanais : la communauté chrétienne considère que la Constitution de Taëf l’a dépouillée de plusieurs de ses droits et privilèges, la rendant subordonnée à d’autres groupes après avoir été le pionnier du développement du Liban.

Le groupe sunnite, qui craint de perdre certains des privilèges que l’accord de Taëf lui a accordés, traverse une période de frustration similaire à la situation chrétienne et appelle à la mise en œuvre des dispositions de la Constitution avant de discuter de sa modification. Quant à la communauté chiite, qui soulignait, depuis l’adoption de l’accord de Taëf, que la nouvelle Constitution les excluait du pouvoir exécutif, elle a fini par imposer, dans de nombreux cas et jusqu’à ce jour, son influence par la force. Cette situation nous amène à affirmer que trente ans après l’adoption de la nouvelle Constitution, il n’y a pas d’accord qui puisse durer si l’une ou plusieurs de ses parties prenantes sent, ou sentent, que ses droits, ou leurs droits, sont bafoués, devenant ainsi une source d’obstruction et d’instabilité.

Quelle pourrait être alors la solution ? Il ne fait aucun doute qu’il existe une idée fausse ou une interprétation erronée des systèmes décentralisés, en particulier du système politique fédéral. Par conséquent, il est nécessaire d’aborder rapidement le concept ou le principe du fédéralisme, qui au cours des dernières décennies a fait l’objet de tensions, de critiques et de rejet de la part de nombreux Libanais en raison de la conviction qu’ils avaient, depuis la malheureuse guerre civile, que ceux qui proposaient le fédéralisme avaient l’intention de partitionner le pays.

Il faudrait préciser que le mot fédération signifie union et non division. Fédérer, c’est unifier ou rassembler. L’Allemagne, l’Argentine, l’Autriche, le Brésil, le Canada, la Suisse et les Émirats arabes unis font partie de 28 pays fédéraux, parmi les plus prospères, où vivent plus de 40% de la population mondiale et qui sont tous « unis » et non pas « divisés ». Il serait bon de noter que le nombre de pays à assise fédérale est en augmentation.

À ses débuts, le fédéralisme était un concept politique visant à rassembler plusieurs régions ou États souverains qui n’étaient pas capables de rivaliser seuls sur les fronts économiques ou militaires. Au XXIe siècle, l’enjeu n’est plus de constituer des fédérations en groupant des pays (comme c’est la tentative de certains qui cherchent à transformer l’Union européenne en un territoire politiquement fédéré), mais plutôt de mettre en œuvre la décentralisation ou la régionalisation, dans des pays dont l’autorité est centralisée, comme ce qui se passe actuellement en Italie, au Royaume-Uni, en Espagne et même en France.

Les pratiques tout au long de l’histoire ont prouvé que le fédéralisme reste l’outil constitutionnel le plus sophistiqué pour faire face à la pluralité des intérêts de divers groupes religieux, culturels ou ethniques au sein d’un même pays. L’un des avantages du fédéralisme est qu’il contribue à mettre fin à la tyrannie des majorités au détriment des minorités en accordant aux collectivités locales des privilèges sociaux et économiques.

Il y a longtemps que nous pratiquons au Liban une fédération non déclarée, ou implicite, au sein d’un État centralisé. En effet, au Liban, il n’y a pas de loi unifiée sur le mariage. L’héritage et le divorce suivent également des lois différentes. Dans de nombreuses régions, les autorités locales émettent des décisions qui sont en contradiction avec la Constitution de l’autorité centrale. Il n’y a rien de mal à tout cela tant qu’un groupe n’essaie pas d’imposer son idiosyncrasie aux autres groupes. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est le courage de reconnaître nos particularités et de nous mettre d’accord autour d’une formule politique qui préserve les spécificités de chaque groupe sans préjuger des particularités des autres groupes, le tout au sein d’un Liban unifié.

Aujourd’hui, aucune communauté au Liban ne peut prétendre être plus patriotique ou plus libanaise que toute autre communauté. Après des décennies de tensions et de combats, il est évident que chaque communauté a donné ses martyrs et célèbre ses héros, pour défendre un « Liban qui lui est propre ». Le patriotisme ou « pratique nationale » au Liban diffère d’un point de vue chrétien, druze, sunnite ou chiite. Cependant, ce qui ne fait aucun doute, c’est la certitude que le Liban est la patrie définitive de tous ces groupes. Le moment est venu de reconnaître que le système politique centralisé du Liban est un fardeau et constitue le problème, qui n’a fait que générer des crises, voire des guerres, tout au long des cent dernières années.

Nous ne devons pas réitérer les erreurs du passé, mais plutôt préparer le Liban à un avenir prospère et stable. Nous avons de nombreuses options que nous pouvons envisager pour notre système politique. Je n’entrerai pas dans l’énumération des avantages et des inconvénients de chacune, mais je passerai plutôt à ma conclusion :

Pour le bien de nos générations futures, il est temps d’aborder la question du fédéralisme avec un esprit ouvert et sans préjugés. Le fédéralisme est un moyen d’éviter que les pays ne s’effondrent.

Si nous voulons préserver l’unité du Liban, l’un des plus anciens pays multiculturels du monde, ayons le courage de fédéraliser son système politique !...

Joe W. ISSA EL-KHOURY

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

On a beaucoup parlé du système politique fédéral comme étant une solution envisageable pour remplacer la Constitution de la « Deuxième République » (accord de Taëf), qui semble être un fardeau pour tous les groupes, ou communautés, constituant le Liban. En effet, l’injustice qui était ressentie par les communautés musulmanes, et qui était légitimée par la Constitution de la première République (1943), semble toucher actuellement tous les groupes libanais : la communauté chrétienne considère que la Constitution de Taëf l’a dépouillée de plusieurs de ses droits et privilèges, la rendant subordonnée à d’autres groupes après avoir été le pionnier du développement du Liban. Le groupe sunnite, qui craint de perdre certains des privilèges que l’accord de Taëf lui a accordés, traverse une...
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