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Politique - Onze mois après l’explosion

Devant le port, la douleur des proches, mais aussi l’espoir

À l’appel de l’Association des victimes de l’explosion au port de Beyrouth et de l’Union libanaise pour les personnes atteintes de handicap physique (LPHU), des dizaines de manifestants se sont de nouveau rassemblés pour réclamer que justice soit rendue.

Devant le port, la douleur des proches, mais aussi l’espoir

Onze mois après le drame, les proches des victimes, de nouveau devant le port. Photo Joao Sousa

À un mois du premier anniversaire de la double explosion au port de Beyrouth qui a fait plus de 200 morts et 6 000 blessés, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées hier devant l’une des entrées du port pour réclamer une nouvelle fois justice pour les disparus et les blessés, ainsi que des réponses sur les causes et responsabilités dans ce drame qui continue de marquer fortement la capitale, dont plusieurs quartiers sont toujours en ruine ou en chantier. Ce sit-in intervenait, en outre, deux jours après l’annonce par le juge Tarek Bitar, en charge du dossier, du lancement de poursuites contre de hauts responsables politiques et sécuritaires et de son intention d’interroger le Premier ministre sortant Hassane Diab.

L’un des faits marquants du sit-in d’hier est la participation de l’Union libanaise pour les personnes atteintes de handicap physique (LPHU), qui s’est associée à l’Association des victimes de l’explosion au port de Beyrouth, pour demander que justice soit rendue. L’implication de la LPHU n’est pas anodine, puisque des centaines de blessés sont frappés d’un handicap à vie depuis l’explosion.

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Selon notre journaliste sur place Matthieu Karam, une soixantaine de personnes se sont rassemblées à 17h devant la porte n° 3 du port. Parmi elles, des familles de victimes mais aussi des blessés suite à l’explosion. Dans une ambiance pesante toujours empreinte d’une douleur sans cesse renouvelée, les participants ont observé un silence qui n’était entrecoupé que par quelques discussions et des chants patriotiques. Les victimes, elles, restent omniprésentes à travers les portraits portés par leurs proches, jeunes et moins jeunes, ou alors accrochés à la balustrade. Vers 18h, les manifestants ont fait une prière avant de se diriger vers le Parlement « en guise d’avertissement », ont-ils dit.

Vendredi, le juge Bitar a notamment adressé une requête au Parlement pour lever l’immunité des députés et ex-ministres Nouhad Machnouk, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, en vue de les inculper et d’engager des poursuites contre eux pour « éventuelle intention d’homicide » mais aussi pour « négligence et manquements ».

Entourés d’agents des forces l’ordre, les manifestants se sont tenus face aux barbelés qui protègent le siège de la Chambre et certains n’ont pas hésité à crier : « Dressez les potences ! » Près d’un an après la catastrophe, la colère demeure intacte.

Au cours de cette manifestation, une pancarte dédiée aux blessés du port et signée par la LPHU portait un message poignant : « Ignorer nos blessures ouvertes est un crime. Notre destin n’est pas un détail. » Plusieurs manifestants s’étaient déplacés en chaise roulante.

À notre journaliste Zeina Antonios, Sylvana Lakkis, présidente du LPHU, explique l’essence de ce message. « Malheureusement, il n’y a aucune avancée dans le dossier des blessés et des handicapés du port. Environ 800 personnes sont devenues handicapées à cause des explosions, dont une vingtaine d’enfants. Si l’État ne fait rien, ceux-ci rejoindront la liste des handicapés réduits à la vulnérabilité et la précarité. Nous demandons aux autorités de leur verser des dédommagements. Or le gouvernement a uniquement accordé le statut de martyr de l’armée aux personnes tuées (dont les familles recevront un salaire mensuel). Il a exclu les blessés, sous prétexte qu’il existe une loi pour les droits des handicapés. Sauf que cette loi n’a jamais été respectée. » Sylvana Lakkis fait état de « 20 cas qui n’ont toujours pas eu accès aux traitements, faute de moyens ». « Nous essayons de les aider à se faire opérer, grâce au soutien d’associations et de particuliers », ajoute-t-elle.

Accusé de tergiverser

Dans leurs témoignages, les personnes présentes réitèrent l’omniprésence de la douleur, mais expriment aussi leur espoir dans l’enquête en cours et dans l’action du juge Bitar. « La justice est notre dernier recours, affirme Ibrahim Kaadan, père d’Ahmad, 30 ans, tué dans l’explosion. Sans justice, il ne peut y avoir de pays. » « Mais aujourd’hui, c’est à un gang, plutôt qu’à un État, qu’on demande justice ! » lance-t-il, ajoutant néanmoins : « Le juge Bitar a l’air déterminé à aller au bout de l’enquête. » Ahmad Kaadan, chauffeur de taxi, était de passage à Gemmayzé en cette journée fatidique.

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Stéphanie, la vingtaine, a perdu son amie Gaïa Fodoulian dans l’explosion. Pour elle, « le seul moyen de changer les choses est de descendre dans la rue et de réclamer nos droits ». « C’est ainsi que la révolution aboutira, il n’y a pas d’alternative », poursuit-elle.

Kayane Tleiss, frère de Mohammad Tleiss, un employé du port tué sur son lieu de travail, affirme « garder espoir ». « La décision du juge Bitar a eu l’effet d’une bombe. Cette enquête est notre planche de salut, nous soutiendrons le juge Bitar jusqu’à la fin. Les ministres et députés concernés doivent se présenter devant le juge. S’ils sont innocents, ils n’ont rien à craindre ! »

Vendredi, Tarek Bitar, qui a succédé au juge Sawan après la récusation de ce dernier, a frappé fort en engageant le processus de poursuites contre pas moins de neuf responsables. Sont concernés par cette décision : les députés et ex-ministres Machnouk, Khalil et Zeaïter (ces deux derniers étant proches du président de la Chambre Nabih Berry), ainsi que l’ex-ministre Youssef Fenianos, l’ex-commandant en chef de l’armée Jean Kahwagi, le chef de la Sécurité de l’État, Tony Saliba, le chef de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, un ex-chef des renseignements de l’armée, Camille Daher, et d’autres officiers.

Également interrogé par L’Orient-Le Jour, Ibrahim Hoteit, porte-parole du comité des familles des victimes, estime que « la décision de Bitar est courageuse et essentielle ». « C’est un dossier épineux dans un pays où règnent des mafias qui ne vont pas capituler facilement, poursuit-il. Nous agirons main dans la main avec le juge Bitar et l’ordre des avocats. Nous ne permettrons pas que certains se cachent derrière leur parti ou leur communauté. Il est honteux d’évoquer des protections partisanes quand il s’agit d’un tel crime. Il n’y aura plus d’immunité et notre sang ne sera plus versé en vain. » Au micro devant les manifestants, M. Hoteit s’est lancé dans une violente diatribe contre le ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, l’accusant de tergiverser alors qu’il lui est demandé d’accorder l’autorisation de poursuivre le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim.

Une nouvelle fois, les proches des victimes des explosions du port de Beyrouth ont demandé, hier, que justice soit faite. Photo Matthieu Karam

Berry « à 100 % pour l’application de la loi »

Samedi, le président du Parlement s’est contenté de déclarer, dans une réaction recueillie par le quotidien al-Joumhouria, être « à 100 % pour l’application de la loi » concernant la levée de l’immunité. Le chef des Forces libanaises Samir Geagea a, pour sa part, qualifié les décisions du juge Bitar de « sérieux point de départ pour découvrir les circonstances de l’explosion au port de Beyrouth, arrêter les criminels et obtenir justice ». « Nous déploierons tous nos efforts pour ne laisser personne ni aucune partie entraver le cours de la justice », a-t-il twitté. Enfin, l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea a demandé « que des comptes soient rendus et que l’enquête soit conclue, à l’approche de ce triste anniversaire de la double déflagration », et ce, « tout d’abord pour les victimes et plus largement pour toute personne qui veut tourner la page sur cette vieille façon de faire des affaires », en référence à la corruption et à l’impunité au Liban.

À un mois du premier anniversaire de la double explosion au port de Beyrouth qui a fait plus de 200 morts et 6 000 blessés, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées hier devant l’une des entrées du port pour réclamer une nouvelle fois justice pour les disparus et les blessés, ainsi que des réponses sur les causes et responsabilités dans ce drame qui continue de marquer...

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On verra si le chef du parlement qui ne cesse de déclarer sa soif pour la justice tout en attendant de trouver une astuce pour gripper la machine s’il arrivera à tout stopper avec l’aide de son allié et protecteur ou si le peuple aura le dernier mot. Il serait temps épique la peur change de camp. LIBANAIS, REMUEZ-VOUS NOM D’UN NOM. NOUS N’AVONS PLUS RIEN À PERDRE.

Sissi zayyat

15 h 43, le 05 juillet 2021

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Commentaires (1)

  • On verra si le chef du parlement qui ne cesse de déclarer sa soif pour la justice tout en attendant de trouver une astuce pour gripper la machine s’il arrivera à tout stopper avec l’aide de son allié et protecteur ou si le peuple aura le dernier mot. Il serait temps épique la peur change de camp. LIBANAIS, REMUEZ-VOUS NOM D’UN NOM. NOUS N’AVONS PLUS RIEN À PERDRE.

    Sissi zayyat

    15 h 43, le 05 juillet 2021

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