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Économie - Interview

Lamia Moubayed : Le code des marchés publics fait entrer le Liban dans l’ère moderne

Dans le sillage de l’adoption de la carte d’approvisionnement, les députés ont adopté mercredi une loi instituant le tout premier code des marchés publics de l’histoire du Liban. Pour la présidente de l’Institut des finances Bassel Fleyhane, Lamia Moubayed, ce texte pourra combler efficacement les importantes lacunes du pays dans ce domaine, si son processus de mise en œuvre se déroule comme prévu.

Lamia Moubayed : Le code des marchés publics fait entrer le Liban dans l’ère moderne

Photo DR

Lamia Moubayed, vous avez participé aussi bien au processus d’élaboration du nouveau code des marchés publics qu’au pilotage de l’outil diagnostique de la commande publique MAPS II qui a dévoilé au grand jour les immenses lacunes du pays par rapport aux standards internationaux. Pouvez-vous revenir sur le long processus qui a abouti cette semaine à l’adoption de cette loi ? 

Il faut remonter à juin 2018, lorsque l’idée a été lancée pendant un forum consacré à l’évaluation de manière précise de la qualité de la législation libanaise en matière de marchés publics, en tenant compte des standards internationaux définis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les travaux lancés dans le cadre de MAPS II (Methodology for Assessing Procurement Systems), l’outil diagnostique prévu à cet effet et qui possède une forte dimension participative, ont finalement démarré en juin 2019. En juillet 2020, les données collectées ont permis de confirmer avec précision l’ampleur du chantier, le Liban ne remplissant alors que 11 des 210 critères retenus, ce qui est vraiment très peu à défaut d’être surprenant.

Or l’institut avait été mandaté par le ministre des Finances pour piloter cette évaluation, mais aussi pour préparer l’élaboration d’un code des marchés publics, la réforme du système d’adjudication figurant alors parmi les principales recommandations des soutiens du Liban lors de la conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE). Comme les carences du pays étaient connues, les travaux sur le nouveau code ont pu démarrer bien avant la publication des résultats de MAPS II, et avec là aussi l’assistance du programme Sigma (UE-OCDE) OCDE. L’approche a consisté à voir ce qui se faisait de bien ailleurs pour retenir ce qui pourrait convenir au Liban. Les principes fédérés par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUCDI) en termes de passation de marché public ont servi de base à cette réflexion, qui a également été enrichie par des échanges avec d’autres pays comme l’Égypte, l’Ukraine, la Tunisie et la Palestine. Le projet a été transmis aux commissions parlementaires en juin 2020 et il a donc fallu un an d’échanges avec les députés pour le finaliser ; un an ponctué par de nombreux drames, y compris l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth.

Pourquoi ce processus a-t-il mis autant de temps et en quoi l’adoption de ce code constitue-t-elle une avancée aussi décisive ?

Parce qu’il s’agit d’un véritable code des marchés publics, construit sur la base de politiques publiques, de données et d’études comparatives, le premier du genre dans l’histoire législative du pays à avoir été rédigé, et non un simple bouquet de mesures permettant d’organiser des procédures. Jusqu’à présent, les marchés publics étaient régis au Liban par quelques articles contenus notamment dans le code de comptabilité publique.

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La nouvelle loi qui doit être publiée dans les deux semaines au Journal officiel contient 116 articles qui introduisent des principes fondateurs – inclusion, transparence, exigence, professionnalisme, soutenabilité, jeu de la concurrence, équité ou encore obligation de concertation – et des définitions complètes des nouveaux concepts qu’ils identifient et réglementent, notamment des infractions comme le népotisme ou le conflit d’intérêts. Pour vous donner une idée, les trois premiers articles contiennent pas moins de 47 définitions, ce qui est littéralement du jamais-vu dans la législation libanaise et qui explique que le processus d’élaboration ait été aussi long.

Il met également en place des procédures aussi innovantes que nécessaires, à savoir la possibilité de suspendre une procédure avant la signature du contrat en cas d’infraction ou de soupçon d’infraction. Les trois piliers mis en place pour garantir le respect des principes et procédures institués par le code, à savoir l’autorité de régulation, l’autorité de recours et la plateforme électronique « e-procurement » où seront publiés et rendus accessibles l’ensemble des documents et des données relatifs aux marchés publics, font aussi partie des innovations notables.

Il n’est pas exagéré de dire que ce code fait entrer le Liban dans l’ère moderne en instituant un modèle qui tend non seulement à rendre l’attribution et l’exécution des marchés publics plus transparentes, mais aussi à faire en sorte que les chantiers soient mieux étudiés et plus rentables, que ce soit pour l’État, les entreprises qui y participent ou les citoyens qui bénéficieront du projet lancé.

Qu’est-ce qui peut aujourd’hui entraver la mise en œuvre de ce code ?

Comme pour beaucoup de textes bien élaborés et adoptés par le Parlement, le risque que le processus de mise en application du code soit mis en échec par l’absence de volonté politique d’aller au bout des choses existe, mais il est mitigé par les dispositions de la loi et le soutien de la communauté internationale.

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La loi prévoit tout d’abord une période de mise en œuvre de douze mois, qui doit servir aussi bien à former les autorités créées, former les fonctionnaires à appliquer les dispositions du code, rédiger l’ensemble des documents standardisés qui seront obligatoires pour toutes les procédures d’adjudication, ou encore créer la plateforme en ligne. La loi permet de plus à l’actuelle Direction des adjudications de se préparer à jouer pleinement son rôle d’autorité de régulation.

Enfin, le texte fixe lui-même les conditions d’éligibilité ainsi que le processus de sélection des candidats aux différents postes institués, limitant ainsi la possibilité que les nominations soient trop tributaires des intérêts politiques en jeu. Reste la volonté réelle de progresser pour mettre en œuvre ce gros chantier qui, avec le vote de cette loi, vient juste de débuter.

Lamia Moubayed, vous avez participé aussi bien au processus d’élaboration du nouveau code des marchés publics qu’au pilotage de l’outil diagnostique de la commande publique MAPS II qui a dévoilé au grand jour les immenses lacunes du pays par rapport aux standards internationaux. Pouvez-vous revenir sur le long processus qui a abouti cette semaine à l’adoption de cette loi ? Il...

commentaires (2)

La loi prévoit tout d’abord une période de mise en œuvre de douze mois, qui doit servir aussi bien à former les autorités créées, former les fonctionnaires à appliquer les dispositions du code, EVIDEMENT JE TE NOMME A CE POSTE ET TU NE VOIS RIEN ET APPROUVES TOUT CE QUE JE FAIS SIGNES: TOUS LES DIRIGEANTS DE CE PAYS DU PLUS HAUT AU PLUS BAS

LA VERITE

13 h 07, le 02 juillet 2021

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Commentaires (2)

  • La loi prévoit tout d’abord une période de mise en œuvre de douze mois, qui doit servir aussi bien à former les autorités créées, former les fonctionnaires à appliquer les dispositions du code, EVIDEMENT JE TE NOMME A CE POSTE ET TU NE VOIS RIEN ET APPROUVES TOUT CE QUE JE FAIS SIGNES: TOUS LES DIRIGEANTS DE CE PAYS DU PLUS HAUT AU PLUS BAS

    LA VERITE

    13 h 07, le 02 juillet 2021

  • nous en venons a l'essentiel qui veut que les services de controle soient renforces a l'extreme afin d'accroitre leur efficacite et soient le vrai bras d'une justice qui fasse vraiment peur. en passant par l'abrogation de la loi sur l'immunite des fonctionnaires (ttes categories confondues) ET bien sur celles des politiques ( tous les politiques )

    Gaby SIOUFI

    10 h 44, le 02 juillet 2021

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