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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

La mort d’un opposant disqualifie encore davantage l’Autorité palestinienne

Nizar Banat, connu pour ses prises de position critiques contre l’Autorité Palestinienne, est décédé de ses blessures après avoir été arrêté et battu par les forces de sécurité palestiniennes.

La mort d’un opposant disqualifie encore davantage l’Autorité palestinienne

Des manifestants appellent au départ du président palestinien, à Ramallah en Cisjordanie, le 24 juin 2021, suite à la mort du militant et opposant politique Nizar Banat qui avait été arrêté quelques heures plus tôt. Abbas Momani / AFP

C’est un « martyr » d’un autre genre. Ou presque. Le discrédit frappant l’Autorité palestinienne (AP) a atteint un nouveau stade critique lorsque le vocable d’ordinaire réservé aux victimes de l’occupation israélienne a circulé sur les réseaux sociaux pour qualifier la mort d’un militant politique, dont la responsabilité était cette fois imputée aux forces de sécurité palestiniennes.

L’annonce de la mort de Nizar Banat, jeudi matin, a en effet agité les esprits. L’homme a été arrêté la nuit précédente par une vingtaine de membres des forces de sécurité palestiniennes. Ces derniers, selon le témoignage de son cousin, auraient pénétré au domicile de l’oncle du militant en tirant du gaz lacrymogène avant de l’insulter et de le rouer de coups. Hier en début de matinée, les autorités locales à Hébron ont fait part de sa mort officielle. Les organisations de défense des droits de l’homme ont indiqué, quant à elles, que l’homme aurait suffoqué suite à une accumulation de sang dans les poumons après avoir été battu.

Ancien membre du Fateh, le militant était connu pour ses prises de position critiques vis-à-vis de l’Autorité palestinienne, qui lui avaient déjà valu plusieurs arrestations par le passé. Sur Facebook, il dénonçait par exemple la corruption de la classe politique et les méthodes d’intimidation utilisées pour faire taire la population. Dernièrement, il s’était élevé contre le projet d’accord entre l’AP et les autorités israéliennes portant sur un échange de vaccins Pfizer contre le Covid-19. Il était à la tête d’une liste en vue des élections législatives initialement prévues pour mai, avant d’être annulées en avril par le président Mahmoud Abbas qui avait alors justifié sa décision par le refus des Israéliens d’autoriser les Jérusalémites à prendre part au scrutin.

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Autour du hashtag « le Khashoggi palestinien », en référence au dissident saoudien assassiné en 2018 dans le consulat de son pays en Turquie, la mort de Nizar Banat a été vécue par une partie de la population comme un douloureux assassinat politique. « Beaucoup d’autres militants sont déjà en prison », explique Hamada Jaber, consultant au Palestinian Center for Policy and Survey Research basé à Ramallah. « Les autorités ont pris l’habitude de traquer les opposants de différentes manières, mais c’est la première fois que cela mène à un assassinat », poursuit ce dernier.

Une brutalité qui a provoqué la colère sur les réseaux sociaux, mais également dans les rues de Cisjordanie. À Ramallah, des milliers de Palestiniens sont descendus protester contre les méthodes des autorités, appelant, plus généralement, à la chute du régime. « Nous tenons le président de l’Autorité pour responsable de la mort de Nizar », indiquait une pancarte à Ramallah, siège de l’AP, tandis que les manifestants criaient au départ du président Abbas (« Erhal, erhal, ya Abbas »). « La majorité d’entre eux sont des citoyens qui ne sont affiliés à aucun mouvement ou parti », note Hamada Jaber. Hier, des milliers de Palestiniens s’étaient également rassemblés en signe de solidarité à Hébron lors des funérailles, certains appelant à venger la mort de l’opposant.

« Un simple fournisseur de services »

Dans ce contexte peu favorable, les déclarations du Premier ministre Mohammad Chtayeh, qui a annoncé l’ouverture d’une enquête afin d’éclaircir les conditions de la mort du militant, n’ont pas apaisé les esprits. « Le régime apparaît de plus en plus clairement comme un simple agent de l’occupation israélienne, même lorsqu’il s’agit de gérer l’opposition », estime Hamada Jaber, qui précise que d’autres manifestations sont attendues. Un sentiment renforcé par le fait que le domicile perquisitionné, près d’Hébron, était situé en zone sous contrôle israélien (zone C) : les autorités palestiniennes ont donc dû coordonner le raid avec les forces d’occupation qui ont également dû fournir une autorisation.

Cette nouvelle vague de protestation ne fait que renforcer les critiques qui enflaient contre l’AP, tombée en disgrâce depuis plusieurs années, mais dont le discrédit s’est aggravé dernièrement suite à la campagne de répression orchestrée au mois de mai lors des évènements de Jérusalem et de Gaza. « Les gens sont très en colère, ils estiment que l’AP est un sous-traitant de l’oppression », affirme de son côté Dana el-Kurd, docteure en sciences politiques et auteure du livre Polarized and Demobilized : Legacies of Authoritarianism in Palestine. « Ils ont conscience que le processus de paix dans lequel l’AP est engagée est mort depuis longtemps : si cette dernière continue d’exister, car les gens ont toujours besoin de services, elle n’est plus représentative du peuple, mais un simple fournisseur de services », poursuit la jeune femme.

À l’intérieur du circuit officiel et au-delà de la figure présidentielle, ce sont les services de sécurité palestiniens qui cristallisent les critiques. Surnommés les « services Dayton », en référence au rôle du général américain dans leur reconstruction après la seconde intifada, ils sont dans le collimateur d’une majorité de Palestiniens. « Les slogans ont évolué, les gens sont beaucoup plus conscients que la doctrine des services de sécurité n’a rien à voir avec leurs intérêts », avance Hamada Jaber.

Le Hamas, qui est probablement le seul à bénéficier politiquement de cet assassinat, a de son côté appelé à une participation massive aux funérailles tout en pointant du doigt le leadership de Cisjordanie. Ce dernier est dominé par le Fateh, avec qui le mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza est en conflit ouvert depuis 2007. « Aujourd’hui, l’opposition palestinienne est incarnée par le Hamas, dans la mesure où toutes les autres factions sont d’une manière ou d’une autre affiliées à l’AP ou à l’OLP », estime Hamada Jaber, pour qui le taux de popularité du Hamas atteint des niveaux record dans le sillage de la dernière opération militaire israélienne contre la bande de Gaza en mai dernier.

C’est un « martyr » d’un autre genre. Ou presque. Le discrédit frappant l’Autorité palestinienne (AP) a atteint un nouveau stade critique lorsque le vocable d’ordinaire réservé aux victimes de l’occupation israélienne a circulé sur les réseaux sociaux pour qualifier la mort d’un militant politique, dont la responsabilité était cette fois imputée aux forces de...

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on ne peut que leur souhaiter ce que nous libanais n'avons pas : des leaders dignes de ce titre !

Gaby SIOUFI

12 h 19, le 26 juin 2021

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Commentaires (1)

  • on ne peut que leur souhaiter ce que nous libanais n'avons pas : des leaders dignes de ce titre !

    Gaby SIOUFI

    12 h 19, le 26 juin 2021

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