La formule a déjà été employée plusieurs fois : les jours à venir seraient décisifs au niveau des efforts fournis pour la formation d’un nouveau gouvernement. Le président de la Chambre Nabih Berry, qui devrait se concerter sous peu avec le Premier ministre désigné Saad Hariri, va essayer de sauver son initiative alors que la déroute gouvernementale se poursuit au milieu d’informations contradictoires sur une éventuelle récusation de ce dernier. Une option que ce dernier n’écarte plus.
Dans un entretien accordé au quotidien panarabe Asharq al-Awsat dans son édition d’hier, M. Hariri a indiqué que « toutes les options sont sur la table, mais qu’il ne prendra aucune décision seul sans consulter le président du Parlement, le Conseil islamique sunnite chérié et les ex-Premiers ministres ». Samedi soir, le coordinateur de presse au sein du courant du Futur, Abdel Salam Moussa, avait affirmé dans une intervention télévisée sur la chaîne al-Hadath que « l’option de la récusation est désormais à l’ordre du jour de Saad Hariri ». Ce dernier en décidera dans les deux prochains jours, a-t-il ajouté.
Les propos du Premier ministre désigné à Asharq al-Awsat interviennent au lendemain d’une réunion du Conseil chérié à laquelle il avait pris part aux côtés des anciens chefs de gouvernement. Ils tranchent cependant avec la position adoptée par Dar el-Fatwa qui a renouvelé son soutien absolu au Premier ministre désigné et à la mission qui lui a été confiée. Ils tranchent aussi avec les déclarations de l’ancien chef du gouvernement Fouad Siniora qui assure à L’Orient-Le Jour qu’il n’est pas question que M. Hariri se retire du jeu.
De sources informées, on indique que Saad Hariri envisageait de se récuser, mais que sa réunion avec les membres du Conseil chérié de Dar el-Fatwa l’aurait poussé à reporter de quelques jours sa décision.
Des informations de presse avaient laissé entendre samedi que lors de ces assises, les dignitaires et responsables sunnites présents étaient divisés autour de cette question. « Il n’en est rien. De tels propos sont infondés et destinés à créer la zizanie », commente Fouad Siniora pour L’Orient-Le Jour. Il fait état d’une unanimité au sein de l’instance sunnite selon laquelle M. Hariri devrait s’acquitter de sa tâche et former un cabinet d’experts indépendants. « C’en est fini avec les gouvernements d’union nationale et les cabinets de paralysie nationale », affirme M. Siniora, laissant ainsi entendre que Saad Hariri ne formera pas de gouvernement au sein duquel le camp du président de la République et du chef du CPL Gebran Bassil détiendrait une minorité de blocage.
Le Conseil chérié avait appelé dans un communiqué les responsables politiques à « œuvrer avec le Premier ministre désigné pour former un gouvernement qui sauve le pays ». Sans toutefois le nommer directement, ils ont accusé le camp aouniste de vouloir « inventer de nouveaux usages ».
Une source proche de la réunion de Dar el-Fatwa a indiqué à L’OLJ que l’un des problèmes majeurs non encore résolus et qui retarde la formation du cabinet est la question de la confiance que M. Hariri souhaite obtenir du bloc parlementaire aouniste une fois son équipe formée. « Saad Hariri n’acceptera pas de tomber dans le jeu pernicieux qui consiste pour le CPL de s’abstenir d’accorder sa confiance au gouvernement. Le camp aouniste pourra alors brandir à n’importe quel moment la menace d’une atteinte au pacte national, sachant que les deux grandes formations chrétiennes, les Forces libanaises et le CPL, n’auront pas accordé leur feu vert au nouveau gouvernement. »
Bkerké hausse le ton
Emboîtant le pas à Dar el-Fatwa, les chefs religieux chrétiens sont montés au créneau hier afin de tirer, pour la énième fois, la sonnette d’alarme et tancer ceux qui mettent des bâtons dans les roues. Cette fois-ci, le patriarche maronite et le métropolite de Beyrouth n’ont pas mis des gants pour pointer, plus ou moins ouvertement, la responsabilité du camp aouniste accusé de manœuvrer pour des intérêts personnels et partisans face à la déliquescence de l’État. « Certains veulent carrément verrouiller le pays et garder les clés pour eux », a martelé le patriarche Béchara Raï lors de son homélie dominicale. « Le pays a besoin d’une direction sage, courageuse et patriotique. À défaut de la trouver, le peuple doit se soulever et se constituer en un mouvement d’opposition pacifique pour obtenir le changement », a-t-il préconisé, critiquant une nouvelle fois la politique des axes à laquelle le Liban a adhéré et qui lui a valu, selon lui, son isolement et ses crises.
Un message tout aussi musclé a été délivré presque simultanément par le métropolite Élias Audi. S’adressant directement à Michel Aoun, il l’a exhorté à « descendre dans la rue pour qu’il puisse constater par lui-même l’infamie » qui frappe les gens. Une manière de dire que le président, qui reste enfermé dans son palais, est complètement déconnecté de la réalité. Il a également condamné la mainmise de M. Bassil sur les rouages des institutions. « Mais que fait donc l’État face à un chef de parti qui, par ses décisions, tient l’ensemble du pays en laisse ? » s’est-il demandé.
Berry s’impatiente
Du côté de Aïn el-Tiné, le ton est tout aussi ferme. Les plus proches conseillers du président de la Chambre, tel que l’ancien ministre Ali Hassan Khalil, directement impliqué dans les pourparlers avec Gebran Bassil, y ont mis le paquet. Dans un tweet virulent, M. Khalil avait accusé vendredi Gebran Bassil de se livrer au « populisme pour couvrir son échec », notamment dans les secteurs de l’électricité et l’énergie. Un autre député d’Amal, Ali Khreiss, a critiqué à son tour hier et sans le nommer le chef du CPL, déplorant les « positions rigides de certains » alors que le pays s’effondre. « Nabih Berry a demandé un laps de temps supplémentaire (pour sa médiation), mais sa patience a des limites. Certaines vérités ont besoin d’être révélées », a-t-il dit sur le ton de la menace.
Si le chef du Parlement entend poursuivre son intercession dans l’espoir d’une percée quelconque, il n’en reste pas moins qu’un plan B est envisagé au cas où les efforts de M. Berry se trouveraient dans une impasse totale. Une « stratégie de sortie » serait alors concoctée de sorte à épargner autant que possible à M. Hariri les conséquences néfastes d’une récusation, confie à L’OLJ une source proche des milieux berrystes, sans vouloir en dire davantage.
Le scénario le plus probable serait un gouvernement chargé uniquement de préparer les législatives de mai 2022. Il serait dirigé par une personnalité sunnite qui aurait obtenu l’aval de Dar el-Fatwa et des anciens chefs de gouvernement sunnites, dont M. Hariri.
La source proche de la réunion de Dar el-Fatwa dément toutefois le bien-fondé de cette information. « Même si c’était le cas, en quoi cela changerait-il la donne ? » s’interroge la source en allusion à la bataille autour des prérogatives du Premier ministre désigné.
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CELLES ET CEUX QUI NE SUIVRONT PAS MERCREDI LA GREVE CONTRE LA CENSURE QU,ELLES ET QU,ILS NE VIENNENT PAS APRES SE PLAINDRE POUR LA CENSURE.
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 13, le 14 juin 2021