C’est via un communiqué très succinct que la banque centrale a lancé, hier soir, un nouvel épisode de la sombre affaire des retraits de « lollars » en annonçant la suspension de l’exécution de la circulaire principale n° 151. Publié en mars 2020, ce texte autorisait les banques à décaisser en livres et au taux de 3 900 livres pour un dollar des montants limités tirés des dépôts en devises bloqués par les restrictions bancaires en vigueur depuis fin 2019. Des restrictions qui n’ont toujours pas été légalisées par le Parlement et qui ont été à l’origine de nombreuses procédures judiciaires lancées par des déposants en près de deux ans de crise.
La décision de la BDL fait suite à la suspension ordonnée lundi par le Conseil d’État, saisi d’un recours déposé au printemps par des demandeurs contestant cette circulaire, qui permet selon eux aux banques de se dérober à leur obligation de rembourser les dépôts dans la devise dans laquelle ils ont été effectués, tout en faisant subir une décote à leurs clients. Si le taux de 3 900 livres pour un dollar est supérieur à la parité officielle de 1 507,5 livres, il est aussi largement inférieur à celui du marché parallèle qui flirte cette semaine avec la barre des 13 000 livres.
La BDL et les banques ont, elles, toujours présenté ce mécanisme comme un moyen de compenser une partie de la dépréciation de la livre dans un contexte économique et financier désastreux. Une conjoncture dont elles imputent l’essentiel de la responsabilité à l’État qui a accumulé les déficits budgétaires pendant des années avant de faire défaut, en mars 2020, sur les obligations en devises (les eurobonds) aux rendement élevés compte tenu du risque pays. Des obligations dans lesquelles elles avaient beaucoup investi.
Cette suspension est une mesure temporaire actée par la juridiction en attendant de pouvoir trancher l’affaire sur le fond, ce qui peut prendre plusieurs mois.
Suspension sans alternative
Plusieurs sources bancaires contactées ont affirmé qu’elles ne s’attendaient pas à ce que la BDL prenne cette décision dès hier soir. Les banques ont d’ailleurs continué, hier, à appliquer la circulaire n° 151 jusqu’à l’annonce de la banque centrale. Les informations qui nous étaient parvenues dans l’après-midi semblaient en outre indiquer que la notification adressée par le Conseil d’État n’avait pas encore été faite dans les normes – ce qui semble avoir été démenti ou rectifié depuis.
Cette notification est importante dans la mesure où elle constitue le moment à partir duquel la suspension ordonnée par la juridiction administrative doit s’appliquer. Comme l’a souligné à L’Orient-Le Jour le directeur du département de recherche de la Byblos Bank, Nassib Ghobril, « les banques sont désormais obligées de suivre la BDL » et d’arrêter de décaisser ces dollars bloqués au taux de 3 900 livres. « Le secteur attend désormais les nouveaux développements de la procédure visant la circulaire de la BDL devant le Conseil d’État », a ajouté l’expert, qualifiant la situation actuelle de très préoccupante dans un pays qui traverse une des pires crises économiques et financières de l’histoire récente – un constat d’ailleurs formulé par la Banque mondiale dans un rapport publié lundi. « Tout le monde, particuliers comme entreprises, a intégré cette circulaire dans ses calculs, que ce soit pour régler les salaires, les cotisations d’assurance et même les loyers. Cette suspension pose un très grand nombre de problèmes », souligne pour sa part une comptable.
Car si la circulaire n° 151 traduisait bien une décote de fait des dépôts en devises, sa suspension sans alternative pour les déposants et sans loi de résolution bancaire (des normes dictées pour organiser la liquidation d’un ou de plusieurs établissements financiers défaillants) crée une situation encore plus explosive. « Très contestable d’un point de vue normatif, cette circulaire a permis aux banques de ménager leurs liquidités en devises et de rembourser en livres des dépôts en dollars réclamés par leurs clients. Si cette faculté est supprimée, cela veut dire qu’elles risquent de ne plus pouvoir payer leurs dettes et être ainsi exposées à des cascades de procédures de mise en faillite », expose un expert financier sous couvert d’anonymat. Comme la majorité des interlocuteurs interrogés, il n’écarte pas la possibilité que les Libanais soient, une fois de plus, pris dans l’engrenage d’un bras de fer politique par institutions interposées, alors que le processus de formation du gouvernement est toujours bloqué.
Clients énervés
Alors que le climat social est de plus en plus tendu en raison de l’effondrement général du pays, un autre banquier craint de son côté que la suspension de la circulaire mette littéralement en danger les employés de banque qui devront faire face à des clients totalement excédés et/ou désespérés d’ici à la fin de la semaine. Hier soir déjà, rapporte ce banquier, le service clients de son établissement était submergé d’appels de clients énervés, voire menaçants. Il affirme également avoir vu des déposants perdant leur calme devant les distributeurs de billets. « La majorité des distributeurs sont réglés de façon à convertir les montants retirés sur les comptes en devises bloqués en livres et au taux officiel, quand la limite mensuelle de retrait de “lollars” à 3 900 livres est atteinte. Je suppose que cette fonctionnalité est désormais programmée par défaut sur de nombreux ATM », ajoute-t-il.
Déjà épuisés par une crise qui ne cesse de s’aggraver, les Libanais sont donc condamnés à attendre l’évolution de la procédure lancée devant le Conseil d’État. quelques heures après l’annonce de la suspension, la BDL publiait un second communiqué expliquant qu’étant donné l’importance de la circulaire n° 151 pour la stabilité sociale et l’activité économique du pays, elle présenterait dès aujourd’hui un recours pour convaincre le Conseil d’État de revenir sur la suspension.
Interrogé un peu plus tôt par L’Orient-Le Jour, un expert en droit administratif avait estimé qu’il « est encore trop tôt pour parler de recours ou d’opposition, dans la mesure où la décision de suspendre l’exécution de la circulaire n° 151 est une mesure provisoire que le Conseil d’État peut prendre dans le cas où il constaterait qu’un acte administratif viole la loi ou crée un dommage irréversible à l’une ou l’autre des parties ou tiers à la procédure (article 77 du régime du statut du Conseil d’État) ». « La BDL peut alors demander au Conseil d’État de revenir sur sa décision de suspendre l’exécution de la circulaire via une simple requête, mais à condition de pouvoir fournir des éléments nouveaux ou un moyen de droit (une norme) qui n’avaient pas été invoqués par les parties avant la suspension », ajoute-t-il. La BDL semble donc avoir opté pour l’argument des troubles à l’ordre public comme élément nouveau.
Un autre expert au fait du dossier estime toutefois que la requête adressée au Conseil d’État par les demandeurs est suffisamment bien pourvue et que la marge de manœuvre de la BDL est très réduite, que ce soit à ce stade de la procédure ou si la juridiction décide d’invalider la circulaire sur le fond. « Sur un plan purement juridique, il était très astucieux de la part des demandeurs de contester la circulaire de la BDL devant une juridiction administrative plutôt que de chercher à attaquer les banques en justice. Mais la situation actuelle est tellement instable qu’il est difficile de se projeter, même sur le court terme », conclut l’expert.
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TOUS LES POLITICIENS AFFIRMENT QUE LE PEUPLE NE PERDRA PAS SON ARGENT ET QUE LES SOLUTIONS SONT LA MAIS DEJA A 3900 LE DOLLAR , LES DEPOSANTS PERDENT 75% DE LEUR AVOIR ET MAINTENANT ILS PLEURENT PARCEQUE ILS NE PEUVENT MEME PLUS AVOIR CES 25% RESTANT. DROLE DE PARADOXE LA VERITE METTEZ UNE FOIS POUR TOUTE LES BANQUES QUI NE PEUVENT PAS PAYER LES DEPOSANTS DANS LA MONNAIE QU'ILS ONT ET METTEZ LES EN FAILLITTE.EN BLOQUANT TOUS LEURS AVOIR ET CELLES DE LEURS PRESIDENT ET DE TOUS LES MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION AVEC UN RELEVE IMMEDIAT DE TOUS LEURS TRANSFERTS EFFECTUES DEPUIS LE 17 OCTOBRE POUR TOUS EN VIOLATION DE LEUR PROPRES DECISIONS.ET EN ENLEVANT LE SECRET BANCAIRE SUR CES TRANSFERTS.VOILA LA VRAIE JUSTICE ET PAS DE FAIRE EN SORTE QUE LE PEUPLE SE REVOLTE PARCEQUE ON NE VEUT MENE PLUS LUI DONNER 25% DE SES DEPOTS EN PERDANT LES AUTRES 75%.. MEME AU CINEMA UN METTEUR EN SCENE N'AURAIT JAMAIS PU IMAGINER UN TEL SCENARIO BRAVO RIAD SALAME UN GENIE DU PONZY
LA VERITE
13 h 26, le 03 juin 2021