La réunion parlementaire de samedi, consacrée à un débat autour du contenu d’une lettre envoyée par le président de la République Michel Aoun concernant l’« incapacité » du Premier ministre désigné Saad Hariri à former un nouveau gouvernement, a été l’occasion d’une nouvelle joute verbale entre les deux personnages dont le désaccord est généralement pointé du doigt pour expliquer le retard dans la formation du cabinet : Saad Hariri et Gebran Bassil. Certes, le Parlement s’est contenté de formuler une prise de position sur la question soulevée par la lettre, en confirmant la « nécessité » pour M. Hariri de former « rapidement » son gouvernement « en accord avec le président Aoun ». Une position à égale distance des deux parties qui a permis au président du Parlement Nabih Berry de se sortir de cette impasse constitutionnelle – étant donné que la Constitution n’impose pas au Premier ministre désigné de délai pour la formation du gouvernement – sans froisser le président de la République.
Cette réunion laisse cependant sa marque dans un paysage déjà sombre. Sachant que Saad Hariri a quitté le Liban hier pour Abou Dhabi et ne devrait pas être de retour cette semaine, l’impasse gouvernementale n’a jamais semblé aussi inévitable. Ou est-ce vraiment le cas ?
Suivant des sources politiques bien informées, il s’agira ces prochains jours de rester attentifs à certains signaux. D’une part, il faudra observer ce que Nabih Berry pourrait entreprendre en vue de rapprocher les points de vue et de paver la voie vers un compromis. Ces sources indiquent que l’ancien ministre Ali Hassan Khalil, bras droit du président de la Chambre, s’est rendu chez Saad Hariri la veille de la séance parlementaire, et que les contacts sont ininterrompus avec le Hezbollah comme avec l’ancien ministre Gebran Bassil. Certes, une tentative d’organiser une rencontre entre MM. Hariri et Bassil par M. Berry au cours des derniers jours a échoué, le Premier ministre désigné refusant que le chef du CPL continue de lui imposer ses conditions dans la formation du gouvernement. Toutefois, M. Berry compterait poursuivre ses efforts, d’autant plus que la position très médiane affichée par le Parlement – au grand dam de Baabda qui aurait préféré une recommandation plus ferme à l’encontre du Premier ministre désigné, accompagnée d’un délai – lui permettra de jouer ce rôle de médiateur. Comme indice de ces efforts en vue, on retient une déclaration de Ali Hassan Khalil, qui estime que « malgré les discours virulents prononcés dans l’hémicycle, il est possible d’y percevoir une matière pour un terrain d’entente ».
D’autre part, poursuit-on de même source, ce auquel il faudrait prêter attention ces prochains jours est la proximité d’éventuelles sanctions européennes, étant donné que le délai donné par les Européens aux responsables libanais expire fin mai. L’allocution prononcée traditionnellement par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah le 25 mai, jour anniversaire du retrait israélien en 2000, sera également une date à retenir. Les grèves syndicales ponctueront également cette semaine et constitueront une pression supplémentaire en vue de la formation d’un cabinet.
Problème interne ou couverture d’un blocage extérieur ?
Dans ce contexte très flou, le Parlement a donc pris une position médiane samedi, en réponse à la lettre du président, « étant donné que toute décision remettant en cause la désignation (de Saad Hariri, NDLR) ou qui la limiterait nécessite un amendement constitutionnel, ce que nous ne pouvons pas nous permettre aujourd’hui ». Cette démarche vise aussi à ne pas contrevenir au principe de séparation des pouvoirs, selon le texte officiel lu en fin de séance par le président du Parlement. Ce dernier a précisé que la Chambre « veille à ne pas créer une nouvelle crise constitutionnelle et à assurer la stabilité en cette période complexe et dangereuse ». C’est dans ce cadre que le pouvoir législatif « affirme la nécessité de faire avancer les choses conformément aux principes de la Constitution » et se prononce pour que « le Premier ministre désigné parvienne rapidement à former un nouveau cabinet en accord avec le président de la République ».
À quoi a donc servi cet épisode de la lettre au Parlement ? Selon l’analyste Sami Nader, ce « festival » s’est déroulé à un moment où aucun changement ne paraît possible dans l’immédiat. « Les piliers de ce système de partage du gâteau ont consacré leurs différends, et montré une fois de plus qu’ils sont très loin des réelles préoccupations du peuple libanais », dit-il à L’Orient-Le Jour.
À la question de savoir pourquoi une telle lettre aurait été envoyée au Parlement quand elle est de toute évidence insuffisante pour initier un changement, et pourquoi en contrepartie cette réponse acerbe du Premier ministre désigné, M. Nader estime que « quand on ne veut pas changer de position mais que l’on est soumis à des pressions internes et internationales, on tente de se lancer la balle ». « Dans ce cas, le président a tenté de lancer la balle au Parlement, mais celui-ci s’en est sorti en restant à équidistance de tous, poursuit-il. D’un autre côté, les leviers de pression pour la formation du gouvernement sont principalement aux mains du Hezbollah qui, jusque-là, se montre à égale distance de tous les protagonistes, se contentant de couvrir l’immobilisme gouvernemental. Tant qu’un marché n’a pas encore été conclu entre Iraniens et Américains dans la région, pourquoi le Hezbollah abandonnerait-il cette carte de pression ? »
Toutefois, selon l’analyste, le plus dangereux, dans des débats tels que celui auquel nous avons assisté durant le week-end écoulé, c’est de donner l’impression que le problème est libano-libanais. « Si le problème est purement libanais, et si les responsables opposent à la crise qui secoue le pays un débat stérile sur les prérogatives des uns et des autres, c’est très grave, dit-il. Et si, à l’opposé, le blocage gouvernemental est dû à des raisons qui ont à voir avec l’étranger, et que les débats internes leur servent de couverture, alors c’est encore plus grave. »
La joute verbale Bassil-Hariri
Durant la séance parlementaire de samedi, plusieurs chefs de groupe se sont exprimés sur la question soulevée par la lettre envoyée par le président de la République au Parlement, et dans laquelle il accuse le Premier ministre désigné d’être incapable de former le cabinet. Toutefois, deux interventions resteront en mémoire, celle du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et celle de Saad Hariri lui-même.
Dans son intervention, Gebran Bassil se voulait conciliant, assurant que « l’objectif de mes propos est d’exhorter le Premier ministre désigné à former le cabinet et non pas que sa désignation soit retirée », et certifiant que son groupe ne désire pas le tiers de blocage ou un ministère spécifique. Il est revenu sur « le droit du président à savoir qui a proposé les noms, afin que nous n’aboutissions pas à une équipe qui serait à nouveau rapidement chargée de l’expédition des affaires courantes ». Il a rappelé que son groupe parlementaire a préparé un texte visant à amender la Constitution, afin de limiter à un mois les délais de formation des gouvernements, même s’il reconnaît que le temps ne soit pas propice aux débats constitutionnels.S’exprimant sur un ton beaucoup plus virulent, Saad Hariri s’est employé à énumérer les raisons pour lesquelles c’est le camp présidentiel qui devrait assumer la responsabilité du retard dans la formation du gouvernement. « Le président a dit aux députés : Vous avez nommé un Premier ministre et je n’en veux plus, débarrassez-moi de lui », s’est offusqué Saad Hariri. « Le président veut que nous changions la Constitution, au moins dans la pratique, et en attendant que cela arrive, il bloque le pays », a-t-il lancé. « Nous ne formerons pas le gouvernement de la manière que réclame le président de la République, mais de sorte à mettre un terme à l’effondrement qui menace tous les Libanais. Je ne formerai qu’un cabinet de technocrates non partisans, ce qui est la condition pour obtenir des aides étrangères, tel que cela est précisé dans l’initiative française », a-t-il ajouté. « J’ai fait tout ce qu’il fallait, même davantage, pour mettre sur pied un cabinet qui peut éviter l’effondrement », s’est encore justifié Saad Hariri.
commentaires (11)
On vient nous vendre Berry comme le sauveur de notre pays alors qu’il a été et restera le premier fossoyeur et allié de son vrai allié et faux ennemi HN qui ont toujours joué leurs partitions destructrices en parfait tandem tout en se lançant des fleurs l’un à l’autre ou simulant un désaccord pour tromper son monde. Il n’y a qu’à relire le discours de HN qui plaide la solution de Berry qui est d’accepter un gouvernement de 24 sinistre qui seront choisis en catimini par les deux manitous et qu’ils nous vendraient comme des technocrates comme ceux de Diab qui pataugent dans la semoule depuis leurs nominations intempestives et dans l’expectative attendant les ordres quelque soit le sujet à traiter. Mais ils se croient si intelligents que soit ou nous prennent ils pour des demeurés? Allez vous coucher les vieux singes on ne nous la fait plus.
Sissi zayyat
19 h 57, le 26 mai 2021