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Campus - ENTRAIDE COMMUNAUTAIRE

Lebnéné Élé, une initiative étudiante pour venir en aide à la classe moyenne du Liban

Deux jeunes étudiantes s’activent pour essayer d’empêcher la disparition de la classe moyenne à l’origine de la prospérité du Liban d’avant-guerre. 

Lebnéné Élé, une initiative étudiante pour venir en aide à la classe moyenne du Liban

Une équipe composée de 120 jeunes bénévoles, tous engagés à faciliter la logistique de l’initiative Lebnéné Élé à travers différentes régions libanaises. Photo Layal Beyhum

« Aujourd’hui au Liban, nous n’avons presque plus de classe moyenne. Nous retrouvons soit des individus très riches, soit une majorité vivant sous le seuil de pauvreté. Et les quelques rescapés de cette classe moyenne mènent une lutte quotidienne pour garder leur place. La plupart de ces Libanais ont perdu leurs emplois ou abandonné leurs études, et arrivent à peine à joindre les deux bouts. Mais les institutions gouvernementales et les ONG ne se soucient guère de cette classe », estime Layal Beyhum, en 3e année de sciences politiques à l’Université Notre-Dame de Louaïzé (NDU). C’est pour cette raison que la jeune étudiante de 21 ans décide de lancer une initiative étudiante qu’elle nomme Lebnéné Élé (Mon Liban à moi), dont le but est de subvenir aux besoins des familles qui reçoivent le moins de donations. « Nous ne voulons pas que les gens voient leur potentiel anéanti et leur avenir perdu à cause de la crise. Il est donc de notre devoir en tant que Libanais de soutenir nos frères et sœurs pour construire une chaîne de solidarité et d’entraide au sein de notre société, de notre Liban à nous », affirme-t-elle.

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Tout a commencé d’une manière très spontanée en novembre 2020, tandis que la crise économique s’accentuait avec le confinement. Avant de créer Lébnéné Élé, Layal Beyhum avait pris l’habitude de réaliser de petites initiatives personnelles via son compte Instagram. « Un ami m’a contactée pour me dire que ses voisins, en difficulté pour payer leur loyer, ont été menacés par le propriétaire d’être mis à la porte au bout de 48h. Comme à chaque fois que j’entendais parler de cas pareils, j’ai partagé le message sur les réseaux sociaux pour demander de l’aide à mes quelques abonnés, qui sont d’ailleurs tous des gens ordinaires, en grande partie des étudiants comme moi-même. Mais petit à petit, de bouche à oreille, ou plutôt d’écran à écran, j’arrivais quand même à épauler certaines personnes », raconte la jeune femme.


De gauche à droite : Layal Beyhum, fondatrice de Lebnéné Élé, et Teresa Hojeily, responsable des médias. Photo DR


Près d’une centaine de familles aidées

C’est à l’occasion de Noël que Layal Beyhum démarre son projet en lançant un appel aux volontaires et monte une équipe pour fonder sa nouvelle plateforme (@Lebnenele). « Durant cette période de fêtes, ma priorité était de procurer de la nourriture et des médicaments à ceux qui en avaient le plus besoin. Nous avons ainsi réussi à aider une cinquantaine de familles », indique-t-elle, en ajoutant : « Désormais, nous collectons aussi des dons financiers pour payer leurs loyers, leurs frais d’hospitalisation ou la scolarité de leurs enfants. »

Pour sa part, Teresa Hojeily, étudiante en 2e année de publicité et marketing à la NDU et responsable des médias au sein de Lebnéné Élé, précise : « Aujourd’hui, nous sommes 120 jeunes bénévoles dont le travail consiste généralement à collecter des denrées alimentaires et des produits hygiéniques, les emmener à notre entrepôt à Jeita pour ensuite les trier et les emballer avant de les distribuer aux 98 familles que nous prenons en charge. » Et de poursuivre : « Notre équipe est également secondée par plusieurs spécialistes qui nous donnent un coup de main dans les domaines de communication, de photographie, de conception graphique et d’analyse des données. »

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Techniquement, il existe deux procédures pour les demandes des personnes dans le besoin : soit de remplir un formulaire Google (disponible en anglais ou en arabe), dont les données sont examinées de près et restent confidentielles, soit par appel téléphonique. Toutes les informations fournies doivent être basées sur des preuves écrites telles que des reçus, des prescriptions médicales, des contrats de location, etc. « Après avoir vérifié les critères, nous pouvons juger à quel point le cas est critique. Ce sont les problèmes les plus urgents que nous publions sur les réseaux sociaux, et qui jusqu’à présent sont pratiquement résolus en quelques jours », raconte Teresa Hojeily.

En ce qui concerne le processus des donations, l’association s’est heurtée à des obstacles, étant donné qu’elle n’est pas encore officiellement enregistrée comme ONG. « Les formalités légales étant suspendues en l’absence de gouvernement, nous n’avons pas pu ouvrir un compte bancaire. En plus des dons reçus directement de main à main, nous avons eu recours à la plateforme Fund a Hope, spécialisée dans les levées de fonds caritatives, qui nous permet de recevoir des transferts monétaires locaux en espèces », explique Layal Beyhum. Et d’ajouter : « Quant aux expatriés, toujours prêts à aider généreusement même s’ils sont physiquement loin du pays, leurs donations peuvent être collectées à travers Go Fund Me, un site international certifié. »

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En outre, Lebnéné Élé élargit ses horizons et vise à promouvoir les petites entreprises locales, d’abord pour les encourager mais aussi pour qu’elles puissent elles-mêmes participer à l’entraide collective grâce à leurs profits. Une autre facette des activités réalisées s’adresse aux diverses communautés estudiantines et professionnelles, qui participent à des campagnes de collecte de dons à travers des compétitions et des événements en ligne. « Notre plus grande réussite jusqu’à présent a été notre collaboration avec des influenceurs tels que Patrick Daoud, qui a pris l’initiative de lever des fonds pour 22 familles libanaises à l’occasion de son 22e anniversaire, et nous avons pu récolter 52 000 000 LL ! » révèle Layal Beyhum avec enthousiasme.

De son côté, Teresa revient sur une histoire qui l’a marquée, celle d’une mère célibataire et son fils à la santé très précaire qui peinent à payer les frais de leur humble demeure et le coût des traitements médicaux. « Un jour, en conduisant cette brave femme chez le propriétaire pour régler son loyer, elle m’a avoué timidement qu’elle avait acheté du chocolat pour son fils avec le petit montant qui lui restait. Sa sincérité et sa sensibilité m’ont beaucoup touchée. Depuis, je l’appelle toujours pour m’assurer que tout se passe bien avec eux et elle-même demande souvent de mes nouvelles… J’apprécie lorsque les personnes que nous aidons gardent le contact avec nous et ne nous voient pas uniquement comme une machine à sous. Ces gens ont besoin d’un soutien moral, pas seulement d’une aide matérielle. Pour cela, nous tenons à ne pas les lâcher et nous préférons maintenir un support à long terme avec un nombre restreint de familles, plutôt que de s’engager avec beaucoup plus et devoir les abandonner à mi-chemin. »

« Je dis à toutes les familles en difficulté de ne pas avoir honte de demander de l’aide en ces temps difficiles, car ce qui est vraiment honteux, c’est la corruption des responsables qui nous ont menés à cette situation », lance Teresa.

Quant à Layal Beyhum, elle adresse ce message aux jeunes Libanais : « Ne perdez jamais espoir en votre Liban, et tant que vous pouvez encore y rester, essayez d’en faire un meilleur pays. Enfin, pour les expatriés, je dis : gardez toujours le Liban dans votre cœur et ne renoncez pas à y revenir un jour, parce que nous avons besoin de vous pour le reconstruire. »



« Aujourd’hui au Liban, nous n’avons presque plus de classe moyenne. Nous retrouvons soit des individus très riches, soit une majorité vivant sous le seuil de pauvreté. Et les quelques rescapés de cette classe moyenne mènent une lutte quotidienne pour garder leur place. La plupart de ces Libanais ont perdu leurs emplois ou abandonné leurs études, et arrivent à peine à joindre...

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Le Herisson

11 h 32, le 20 mai 2021

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  • ou peut on vous contacter?

    Le Herisson

    11 h 32, le 20 mai 2021

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