Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré vendredi que sa formation n'entendait pas intervenir dans le débat autour du tracé de la frontière maritime entre le Liban et Israël, appelant l'Etat libanais à "s’acquitter de ses responsabilités historiques" dans ce dossier. Des propos qui interviennent alors que les négociations qui avaient repris mardi entre les deux pays après plusieurs mois de suspensions ont de nouveau été reportées sine die. A l’occasion de la journée de Jérusalem, Hassan Nasrallah a prononcé un discours en majorité consacré aux développements régionaux. Il s’est ainsi félicité du dialogue actuellement en cours entre l’Iran et l’Arabie saoudite, estimant qu’une telle démarche "apaisera" les tensions dans la région.
Frontière maritime
Seul dossier local évoqué par le dignitaire chiite, celui des pourparlers indirects entre le Liban et Israël autour du tracé de leur frontière maritime commune. Suspendues depuis décembre derniers, ces négociations avaient repris mardi aux locaux de l'ONU à Naqoura, sous les auspices des Nations unies et en présence du médiateur américain John Desrocher. Toutefois, les discussions n'ont pas permis d'obtenir des avancées, et aucune nouvelle date n'a été fixée pour la prochaine réunion. La superficie de la zone de litige continue de constituer une importante pierre d'achoppement dans les pourparlers. Ceux-ci avaient en effet démarré en octobre 2020 sur la base d’une zone contestée d’une superficie de 860 km² à partager entre les deux pays (la ligne 23 qui délimite le triangle des 860 km2, adoptée par le gouvernement en 2011). La ligne Hof, du nom du diplomate américain Frederic Hof qui a joué les médiateurs entre les deux parties entre 2010 et 2012, attribuait au Liban 55 % de cette zone contre 45 % à Israël. Mais après l’imposition de sanctions américaines contre le chef du Courant patriotique libre et gendre du chef de l’État, Gebran Bassil, le Liban avait fait monter les enchères, réclamant une zone supplémentaire de 1.430 km² délimitée par la ligne 29 qui part de la pointe de Ras Naqoura. Une revendication technique qui prend sa source dans un rapport publié en 2011 par le United Kingdom Hydrographic Office, mais qui n’a été annoncée par les négociateurs libanais que fin 2020, poussant la partie israélienne à interrompre le processus. Le Liban et Israël ne sont donc pas d’accord sur l’ampleur de la zone contestée. D’un côté, le président Michel Aoun se réserve le droit de signer le décret amendant officiellement les revendications libanaises de 2011, sans pour autant passer à l’acte. D’un autre, la partie israélienne fait également de la surenchère, revendiquant une nouvelle ligne encore plus au nord, "sans fondement légal", selon les experts libanais. Quant au médiateur américain, il voit d’un mauvais œil les revendications libanaises et rappelle que la ligne Hof avait été acceptée par le président du Parlement, Nabih Berry, lors de sa préparation du dossier.
"Certains se demandent pourquoi le Hezbollah observe le silence à ce sujet et expliquent cela par notre position embarrassée vis-à-vis de nos alliés", a-t-il souligné, affirmant qu'il n'en était rien surtout qu'il s'agit de "dossier stratégique". Il faisait allusion au président Aoun et au chef du législatif, Nabih Berry, tous deux alliés de longue date du Hezbollah, mais qui entretiennent des rapports en dents de scie et des points de vue divergents concernant le dossier des frontières. "En 2000, après la libération (le 25 mai), j'avais dit que la résistance n'était pas intervenue, n'intervient et n'interviendra pas dans la question du tracé des frontières", a rappelé le secrétaire général du Hezbollah. "Aujourd'hui aussi, nous ne nous prononçons pas, pour plusieurs motifs", a-t-affirmé sans vouloir donner plus d'explications. Et de poursuivre: "Nous nous sommes attachés aux fermes de Chebaa, aux hauteurs de Kfarchouba et à la partie libanaise du village de Ghajar parce que le gouvernement libanais les avait déclarés territoires libanais". "Que l'Etat libanais s'acquitte de ses responsabilités historiques dans ce dossier", a lancé le dignitaire chiite, appelant à ce que soient préservés les droits des Libanais. Selon lui, "l'Etat est en position de force et ne devrait faire aucune concession ni aux Israéliens, ni aux Américains".
En novembre 2020, peu après l'annonce de l'accord-cadre en le Liban et Israël, Hassan Nasrallah avait déjà affirmé que la "résistance se conformerait aux décisions officielles".
Annonçant des manœuvres militaires israéliennes prévues dimanche à la frontière, Hassan Nasrallah a lancé une mise en garde à l'Etat hébreu. Soulignant que ces manœuvres dureront plusieurs semaines, il a estimé qu'il est "de notre droit d'appeler à la vigilance". Hassan Nasrallah a ainsi adressé "un message clair" aux Israéliens les mettant en garde contre "tout faux pas à l'égard du Liban". "Nous ne seront pas indulgents (...) et nous prendrons toutes les mesures calmes sans susciter des craintes sur la scène libanaise", a-t-il averti.
"Apaiser" les tensions
Sur le plan régional, Hassan Nasrallah, grand allié de Téhéran, a longuement évoqué le dialogue en cours entre l'Iran et l'Arabie saoudite, estimant qu'il pourra "apaiser" les tensions régionales. Le chef du Hezbollah a cité des rencontres en Irak entre les deux rivaux régionaux et de récentes déclarations du prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane qui a dit souhaiter "des relations bonnes et spéciales avec l'Iran". "Nous soutenons tout dialogue impliquant l'Iran au niveau international ou arabe. Il contribuera à apaiser la région et à renforcer l'axe de la résistance" face à Israël, a-t-il indiqué alors que le Hezbollah est d'ordinaire adepte des déclarations hostiles à l'Arabie saoudite sunnite qui le considère comme une "organisation terroriste".
Ces propos interviennent alors que les États-Unis et l’Iran sont en pleines négociations pour tenter de ressusciter l’accord nucléaire. En parallèle, un canal de dialogue a été mis en place entre Riyad et Téhéran à Bagdad, signe d’un revirement diplomatique au moment où le royaume pétrolier du Golfe tente désespéramment de se sortir du bourbier yéménite. Et dimanche, une amorce de rapprochement entre Riyad et Damas a été observée après une rencontre entre le président Assad et le chef des renseignements saoudiens dans la capitale syrienne.
Commentant tous ces développements, Hassan Nasrallah a déclaré : "Le plus important c'est que tous les paris américains et israéliens sur l'Iran sont tombés à l'eau". Rappelant que les priorités de Joe Biden ne sont pas les mêmes que celles de son prédécesseur Donald Trump, il a estimé que Washington privilégie aujourd'hui la diplomatie et le dialogue. "L'Iran a dépassé la phase de danger, et les paris sur son retour à l'axe mené par Israël et les Etats-Unis sont tombés à l'eau. Et c'est ce qui explique le changement de ton de certains pays. Cela est dans l'intérêt de l'axe de la résistance".
commentaires (10)
Ha ha ha aucune concession aux israéliens et aux Americains , j'aime ca ......
Eleni Caridopoulou
20 h 45, le 08 mai 2021