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Politique - Institutions

Fin du mandat du CSM : une échéance et beaucoup de questions

Le remplacement du Conseil supérieur de la magistrature semble incertain en l’absence de gouvernement et de permutations judiciaires.

Fin du mandat du CSM : une échéance et beaucoup de questions

Pour former un nouveau CSM, il faut choisir ses membres à travers des élections et des nominations, échéances difficilement réalisables dans le contexte actuel.

Dans le droit fil de la déliquescence de l’État de droit au Liban, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) va droit dans le mur si rien n’est fait avant le 20 mai, date de l’expiration de son mandat, au terme duquel seuls trois de ses dix membres, nommés d’office, resteront en place, ce qui ne garantit nullement le fonctionnement de cet organisme, un des piliers de la justice.

La plupart des juges du CSM sont désignés par le pouvoir exécutif. Trois sont nommés par décret du Conseil des ministres, en vertu de la fonction qu’ils occupent : il s’agit du président de la Cour de cassation, Souheil Abboud, du procureur général près de la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, et du chef de l’inspection judiciaire, Bourkan Saad, qui poursuivront leur mandat. Deux sont élus par les présidents et conseillers des chambres de la Cour de cassation, et les cinq autres sont nommés par décret sur proposition du ministre de la Justice.

À l’approche de l’échéance, plusieurs questions se posent pour savoir si, d’une part, le gouvernement sortant de Hassane Diab peut se réunir en Conseil des ministres pour désigner cinq nouveaux membres et, d’autre part, s’il est possible d’élire les deux autres membres alors que la majorité des postes éligibles sont vacants en l’absence de permutations judiciaires, causées par les diverses crises institutionnelles. Autre question : le mandat du CSM actuel peut-il être prorogé ou renouvelé ? Deux experts juridiques interrogés à ce sujet par L’Orient-Le Jour répondent en mettant en garde contre le grave danger que représenterait un vide au niveau de cette institution, qui chapeaute le pouvoir judiciaire avec son rôle notamment au niveau de la nomination et de la discipline des juges, ainsi que de la législation relative à la justice.

Ni prorogation ni renouvellement

Le mandat du Conseil supérieur de la magistrature ne peut être ni prorogé ni renouvelé, affirment les deux spécialistes. « La loi limite clairement le mandat du CSM à une période de trois ans », souligne Saïd Malek, constitutionnaliste. « Elle interdit à tout membre de cumuler deux mandats consécutifs » affirme, de son côté, Paul Morcos, directeur de Justicia, une organisation non gouvernementale qui œuvre à promouvoir l’État de droit.

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Pour ce qui est des deux membres élus du CSM, ils doivent être choisis parmi les présidents des dix chambres de Cour de cassation. Cependant, six de ces magistrats sont déjà partis à la retraite sans être remplacés en raison du blocage des permutations judiciaires. Quant aux quatre titulaires de postes encore en place, deux sont membres du CSM actuel et ne sont donc pas rééligibles. Les deux autres titulaires ne peuvent pas, non plus, se porter candidats, parce que le principe de la répartition confessionnelle octroie une quote-part de deux membres à la communauté sunnite dont ils font partie et qui est déjà représentée par les deux permanents, Ghassan Oueidate et Bourkan Saad.

Face à cette situation complexe, mais en présence de deux présidents de la Cour de cassation par intérim déjà nommés en vertu d’un décret ministériel, Saïd Malek suggère de combler de la même manière les autres postes vacants pour élire les deux membres du CSM, ce à quoi s’oppose M. Morcos, selon lequel ceux qui ont un statut d’intérimaire ne peuvent être élus au sein de l’organisme.

Le directeur de Justicia affirme toutefois qu’un décret de permutations judiciaires partielles qui serait destiné à l’affectation de magistrats aux postes vacants de présidents de la Cour de cassation est un moyen d’ouvrir la voie à des élections. Un décret similaire avait été pris en 2014, après la fin du mandat du président de la République, Michel Sleiman. Évoquant ce précédent, l’ancien président de la VIe chambre de la Cour de cassation, Joseph Samaha, affirme à L’OLJ que le CSM peut décider de réviser le projet de décret de permutations judiciaires bloqué par le chef de l’État, Michel Aoun, depuis le mois de mars 2020, et choisir de nommer uniquement les présidents de la Cour de cassation. Encore faut-il que les responsables à qui revient le droit de signer le décret, à savoir la ministre de la Justice, le chef du gouvernement et le chef de l’État, approuvent les noms choisis par le CSM, ajoute M. Samaha.

Une question pressante

Quid des cinq membres dont la désignation relève du gouvernement? Là encore, l’un est choisi parmi les présidents de la Cour de cassation, deux autres sont sélectionnés parmi les présidents des cours d’appel, le quatrième dans les rangs des présidents des tribunaux de première instance, et le cinquième parmi les présidents des unités affectées au ministère de la Justice. Pour M. Malek, le gouvernement actuel ne peut pas procéder à leur nomination. « Étant chargé de la seule gestion des affaires courantes, il n’a pas la prérogative de désigner les juges du CSM (…) La désignation des magistrats nécessite une décision prise en Conseil des ministres et, qui plus est, elle doit être prise à une majorité des deux tiers », ajoute-t-il, en rappelant que le cabinet démissionnaire ne peut pas tenir de réunion.

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À l’opposé, Paul Morcos estime qu’en l’absence d’un nouveau gouvernement l’équipe ministérielle sortante doit nommer de nouveaux membres du CSM. À cet égard, il s’appuie sur la jurisprudence belge, conformément à laquelle le périmètre des affaires courantes doit être élargi lorsqu’un nouveau cabinet tarde à s’installer. « Au cas où la non-formation d’une équipe ministérielle dépasse un délai raisonnable, il faut interpréter la notion d’affaires courantes de manière extensive, comme l’a fait la Belgique qui a connu à maintes reprises de longues périodes de crises gouvernementales », insiste-t-il, en soulignant que la désignation d’un nouveau CSM est une question urgente, qui doit être réglée sur-le-champ, à défaut de quoi elle risque de causer un dommage à la collectivité : « Il s’agit d’un préjudice imminent et grave qui menace le service public. »

Quoi qu’il en soit, les deux juristes s’accordent cependant à dire que l’élection et la nomination ne sont pas suffisantes chacune à elle seule. Pour qu’un nouveau CSM soit complet, sa formation doit être soumise au cumul des deux échéances.

Les risques encourus

Quels sont les risques encourus au cas où le mandat du CSM actuel expire sans qu’il ne soit remplacé ? « Il ne s’agira plus d’une vacance de l’institution, mais de sa vidange », martèle M. Morcos. « Il sera ainsi porté gravement atteinte à une institution qui veille à la bonne marche des tribunaux et de la justice (…) et dont l’absence ferait qu’un magistrat ne serait pas inquiété pour des infractions qu’il commettrait dans le cadre de ses fonctions », avertit, pour sa part, M. Malek. Il rappelle, à ce sujet, que c’est le CSM qui avait recommandé au procureur Oueidate de prendre des mesures à l’encontre de la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, lorsqu’il l’avait accusée d’avoir violé la loi. Toujours dans le cadre disciplinaire, si le CSM n’existe plus, il en irait de même du Conseil de discipline, puisque ses membres sont nommés chaque année par le CSM.

Sur un autre plan, le constitutionnaliste craint que, le cas échéant, les législations relatives à la justice soient adoptées par le Parlement sans consultation et accord préalables du CSM, contrairement à ce qui est exigé par la loi. Citant un exemple, M. Morcos rappelle, pour sa part, que pour être désigné au poste de juge d’instruction près la Cour de justice, un magistrat proposé par la ministre de la Justice (Marie-Claude Najm) doit avoir été approuvé par le CSM. Si le juge Tarek Bitar, en charge de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, quitte ses fonctions pour une raison ou une autre, comment en cas de vide un magistrat pourrait-il être nommé à sa place ? s’interroge le directeur de Justicia.

Dans le droit fil de la déliquescence de l’État de droit au Liban, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) va droit dans le mur si rien n’est fait avant le 20 mai, date de l’expiration de son mandat, au terme duquel seuls trois de ses dix membres, nommés d’office, resteront en place, ce qui ne garantit nullement le fonctionnement de cet organisme, un des piliers de la...

commentaires (3)

Tout part en vrille avec ce président fort qui achèvera le pays pays avant la fin de son mandat. Il a fait de cette tâche sa priorité absolue.

Sissi zayyat

13 h 21, le 06 mai 2021

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Commentaires (3)

  • Tout part en vrille avec ce président fort qui achèvera le pays pays avant la fin de son mandat. Il a fait de cette tâche sa priorité absolue.

    Sissi zayyat

    13 h 21, le 06 mai 2021

  • Une institution de plus qui s’effrite. Who’s next? Décidément les réalisations du régime fort s’accumulent de jour en jour... bientôt le noir total a l’EdL, l’essence à 150.000 LL les 20 litres et la tonne de mazout a 7.500.000 LL et donc plus de générateurs privés à moins de 5.000LL le kWh.

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 48, le 06 mai 2021

  • Il est clair que l’axe de la moumana’a va reussir son dessein diabolique de detruire totalement les assises du Liban d’antan. Lorsque le chef de l’Etat s’assoit sur les permutations judiciaires et empeche le bon fonctionnement de la justice, que peut-on esperer de bon ? Lorsqu’il lache ses juges et les envoie defoncer des portes en direct a la tele, par demagogie et par haine pour ses opposants, alors que peut-on esperer de bon ? Le malheur c’est que toute cette haine n’est dirige’e que contre les « souverainistes ». Aucun mot aucune action contre les vrais destructeurs du Liban, la milice sectaire et ses allie’s, tout ce beau monde se targuant publiquement d’etre lie’ a des puissances etrangeres. Tant que les criminels corrompus demeurent en poste rien de positif a esperer pour notre pays !

    Goraieb Nada

    07 h 53, le 06 mai 2021

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