Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui doit arriver jeudi à Beyrouth, a placé son déplacement sous le signe d'"une grande fermeté" à l'égard des "responsables politiques" et d'"une pleine solidarité" vis-à-vis des Libanais, alors que Paris intensifie les pressions pour sortir le pays du Cèdre d'une crise politique interminable.
"Je serai au Liban demain avec un message de grande fermeté aux responsables politiques et un message de pleine solidarité aux Libanais. Fermeté face à ceux qui bloquent la formation du gouvernement : nous avons pris des mesures nationales, et ce n’est qu’un début", a twitté mercredi en fin de soirée le chef de la diplomatie française. "Mon déplacement assure également de la solidarité de la France sur les plans scolaire, médical, du patrimoine, et auprès des Libanaises et des Libanais qui se mobilisent pour leur pays.
Le programme officiel du ministre français n'a toujours pas été annoncé, mais selon plusieurs sources, il rencontrera jeudi le président de la République, Michel Aoun, et le président du Parlement, Nabih Berry, quelques jours après avoir annoncé des sanctions et alors qu'une plainte a été déposée en justice à Paris.
Désigné en octobre, le Premier ministre Saad Hariri n'a toujours pas formé de gouvernement, en raison d'un conflit politique l'opposant au président Aoun et son gendre, le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil. Chaque camp se rejette la responsabilité de cette impasse profonde. L'équipe actuelle, qui gère les affaires courantes sous la présidence de Hassane Diab, a démissionné en août après l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés. Il n'est toujours pas clair si M. Le Drian s'entretiendra avec MM. Hariri et Bassil. Ces dernières heures, des rumeurs laissaient croire que le Premier ministre désigné pourrait jeter l'éponge après la visite de Jean-Yves Le Drian, afin de signifier, entre autres, son ras-le-bol face au blocage en cours.
Après avoir brandi la menace pendant plusieurs mois, la France a annoncé jeudi dernier avoir restreint l'accès au territoire français de plusieurs personnalités libanaises jugées responsables du blocage politique. Ni le type exact des restrictions, ni le nombre et les identités des personnes concernées n'ont été communiquées, une façon pour la France, allié historique du Liban, de laisser planer la menace sur l'ensemble de la classe politique locale. "Je voudrais le redire ici : les responsables du blocage doivent comprendre que nous ne resterons pas inactifs", avait précisé la semaine passée Jean-Yves Le Drian, rappelant que Paris avait déjà engagé une réflexion dans le cadre de l'Union européenne sur les instruments utilisables "pour accroître la pression" sur les responsables visés.
Selon des sources interrogées par L'Orient-Le Jour, M. Le Drian devrait brandir autant la carotte que le bâton durant ses entretiens au Liban. Une visite, assurent-elles, qui jouit du soutien de plusieurs grandes puissances, y compris la Russie qui œuvre à maintenir la stabilité au Liban, afin de protéger ses intérêts en Syrie.
Le pays du Cèdre traverse une crise économique très grave. La dépréciation de la livre libanaise, l'explosion de la pauvreté et du chômage, l'érosion du pouvoir d'achat et la précarisation provoquent la colère de l'opinion publique, avec des manifestations et des blocages de routes sporadiques. Début avril, une centaine de personnalités libanaises avaient demandé au président français Emmanuel Macron le gel des actifs douteux de leurs responsables.
Lundi, l'ONG Sherpa qui lutte contre la grande délinquance financière, et le "Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban", constitué par des épargnants spoliés lors de la crise qui frappe le pays depuis 2019, ont par ailleurs annoncé avoir déposé une plainte auprès du parquet national financier à Paris. Le gouverneur de la banque centrale du Liban Riad Salamé, son frère Raja, son fils Nadi, son neveu et une proche collaboratrice, Marianne Hoayek, sont visés par cette procédure, qui réclame des investigations internationales pour "blanchiment et recel", "escroquerie", "pratiques commerciales frauduleuses" et "absence de justification de ressources", le tout en "bande organisée". Les associations demandent à la justice d'enquêter sur la fuite massive de capitaux libanais depuis le début de la crise, l'acquisition de patrimoine immobilier luxueux en disproportion avec les revenus des personnes visées, mais aussi sur la responsabilité des intermédiaires financiers, via des paradis fiscaux et des prête-noms.
commentaires (4)
A force de menacer sans mettre en execution ces menaces, celles ci sont devenus caduques. Encore une fois ce ne sera que gesticulations sans grand effet.
IMB a SPO
21 h 58, le 05 mai 2021