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Politique - Décryptage

Entre aspects technique et politique, l’affaire des grenades envenime les relations libano-saoudiennes

En dépit du souci officiel libanais de maintenir l’affaire des « grenades piégées au Captagon » dans un cadre purement technique et juridique, de plus en plus de voix s’élèvent pour lui donner une dimension politique. Sur le plan officiel, l’enquête est désormais entre les mains du ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, qui se charge de la coordination avec son homologue saoudien. Il a d’ailleurs eu avec ce dernier un entretien téléphonique mardi pour échanger les informations sur ce dossier. Le Liban officiel reconnaît une responsabilité dans l’envoi de la cargaison de grenades truffées d’amphétamines en Arabie. Mais, selon des sources officielles, cette responsabilité est limitée, car dans tous les pays du monde, les réseaux de trafic de stupéfiants sont très puissants et bien organisés et ils sont souvent plus forts que les États. Le Liban, comme les autres États, ne parvient pas toujours à lutter contre ces réseaux qui sont en général bien infiltrés dans les rouages officiels. Certes, depuis quelques années, une action sérieuse est entreprise dans ce sens, mais elle se heurte à deux obstacles : d’abord un certain pourrissement au sein des administrations publiques où le système de corruption est bien implanté, et ensuite la crise économique très aiguë qui pousse de plus en plus de gens à s’impliquer dans des réseaux parallèles pour assurer des revenus. Dans le cas précis de cette saisie, c’est vrai que la cargaison était importante, mais le Liban a démontré aux autorités saoudiennes qu’elle provenait de Syrie et elle est arrivée au port de Beyrouth en passant par le poste frontalier de Abdé au Nord. Selon certaines informations, la cargaison aurait été envoyée dans la Békaa dans un premier temps et c’est là qu’elle aurait été entassée dans des camions portant des plaques d’immatriculation libanaises. D’où la confusion en Arabie saoudite sur sa provenance. Certaines sources disent aussi qu’une partie des comprimés de Captagon auraient été dissimulés dans les grenades lors de l’escale dans la Békaa. Mais les sources officielles refusent de confirmer ce fait. Entre-temps, la cargaison aurait obtenu l’autorisation d’exportation au port de Beyrouth et elle a pu être envoyée en Arabie. Comme d’habitude au Liban, dès qu’il s’agit d’une question délicate, les responsabilités deviennent difficiles à déterminer. Dans le cas des « grenades piégées au Captagon », la question s’est posée sur l’identité de la partie qui délivre le permis d’exportation. Une polémique a ainsi été déclenchée entre les ministères de l’Agriculture et de l’Économie. Finalement, il est apparu que c’est le ministère de l’Agriculture qui délivre le permis et il s’agit d’une opération de routine qui n’exige pas l’approbation du ministre en personne.

L’enquête libanaise se poursuit donc et quatre personnes, dont trois Syriens, ont été jusqu’à présent arrêtées. Le Liban fait ainsi de son mieux pour calmer la colère des autorités saoudiennes, insistant sur le fait qu’il est très difficile de lutter contre les réseaux de trafic de stupéfiants. Il s’interroge aussi sur les destinataires de la cargaison en Arabie et il espère qu’il pourra, avec l’aide des autorités saoudiennes, démanteler la totalité du réseau. Son principal souci est actuellement de montrer aux autorités saoudiennes son sérieux et sa détermination dans le combat contre le trafic de drogue qui vise en particulier « les États frères » comme le royaume saoudien. En même temps, il espère pousser les autorités saoudiennes à revenir sur leur décision. Tous les amis libanais des Saoudiens sont ainsi mis à contribution pour tenter d’autoriser de nouveau les importations de fruits et légumes libanais vers l’Arabie. Mais pour l’instant, rien ne semble devoir changer. Au contraire, certains milieux libanais proches de l’Arabie affirment que la décision saoudienne pourrait s’étendre aux produits industriels libanais, et d’autres États du Golfe pourraient suivre l’exemple du royaume wahhabite.

Cette fermeté à l’égard du Liban, suite à une cargaison de stupéfiants qui, de l’avis même des responsables saoudiens, est une parmi tant d’autres, surprend les Libanais qui, contrairement à leurs responsables, y voient une connotation politique. Cette décision intervient en effet à un moment où le pays traverse une crise économique, financière et sociale sans précédent qui favorise le recours de certains Libanais aux ressources parallèles et au trafic interdit pour se procurer de l’argent. Tout en étant justifiée et compréhensible, la décision saoudienne reste étonnante de la part d’un État qui s’est toujours tenu aux côtés du Liban. Si, en dépit de tous les efforts officiels pour boucler rapidement l’enquête et désigner les responsables, l’Arabie saoudite maintient la décision, c’est que celle-ci va au-delà des questions purement techniques et devient politique. La plupart des analystes ont d’ailleurs mis l’accent sur ce point, faisant ainsi le lien entre la décision saoudienne et le début de la normalisation de certains États du Golfe avec Israël. Pour ces analystes, l’idée se répand de plus en plus dans le Golfe que le Liban s’est pratiquement placé sous la tutelle du Hezbollah et, par conséquent, il ne peut plus bénéficier de l’appui des pays arabes, qui commencent d’ailleurs à faire des investissements en Israël. Le passage de la cargaison par la Békaa est ainsi interprété comme une implication du Hezbollah dans le trafic. Les analystes précités en déduisent que l’enquête officielle ne parviendra pas à désigner ce parti et, par conséquent, elle ne convaincra pas les autorités saoudiennes. Il ne faudrait donc pas trop miser sur elle pour faire changer d’avis les Saoudiens qui ne cachent d’ailleurs plus leur désintérêt à l’égard du Liban...L’affaire des « grenades piégées au Captagon » ne serait donc qu’un nouvel épisode dans l’histoire du conflit entre les dirigeants saoudiens et le Hezbollah qui s’est amplifié depuis le déclenchement de la guerre au Yémen, conflit dont tout le Liban paie désormais le prix. Les développements des prochains jours devraient montrer si ces analystes ont raison ou si le Liban parviendra à convaincre l’Arabie saoudite de revenir sur sa décision.

En dépit du souci officiel libanais de maintenir l’affaire des « grenades piégées au Captagon » dans un cadre purement technique et juridique, de plus en plus de voix s’élèvent pour lui donner une dimension politique. Sur le plan officiel, l’enquête est désormais entre les mains du ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, qui se charge de la coordination avec...

commentaires (3)

Quelle risée! Les arguments deviennent de plus en plus ridicules. On doit glorifier ceux qui nous prennent tout et blâmer ceux qui refusent toute compréhension pour nos petites erreurs négligeables. Et puis c‘est quand même la faute à l‘acheteur! Le vendeur n‘est pas coupable! Y-a-t-il de mieux? L’objectivité manque malheureusement dans ces rangs.

Khazzaka May

15 h 14, le 29 avril 2021

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Commentaires (3)

  • Quelle risée! Les arguments deviennent de plus en plus ridicules. On doit glorifier ceux qui nous prennent tout et blâmer ceux qui refusent toute compréhension pour nos petites erreurs négligeables. Et puis c‘est quand même la faute à l‘acheteur! Le vendeur n‘est pas coupable! Y-a-t-il de mieux? L’objectivité manque malheureusement dans ces rangs.

    Khazzaka May

    15 h 14, le 29 avril 2021

  • ..."les comprimés auraient été dissimulés dans les grenades lors de l’escale dans la Békaa. Mais les sources officielles refusent de confirmer ce fait..."" ces cons, ces responsables incompetents en plus d'etre corrompus ne savent ils pas que l'attitude ci-haut ne fait qu,enfoncer le clou puisqu'on comprendrait qu'ils veulent eviter d'incriminer la syrie/soeur? ET PUIS NON, nul n'hesite encore a accroire LA SEULE VERITE que les aounistes essayent encore de cacher: LA SEULE raison qui fait que l'arabie, les pays du golfe, bientot le reste du monde -civilise- nous enveulent est l'iran libanais aka HEZBOLLAH.

    Gaby SIOUFI

    10 h 42, le 29 avril 2021

  • Pour l’auteure la position saoudienne est inacceptable ! Pour elle, il faut que le régime saoudien continue à se laisser insulter et menacer par le parti dominant au sein du gouvernement libanais et en contre partie se taire et continuer à injecter des centaines de millions de dollars dans l’économie libanaise. On peut prendre les autres pour des pigeons mais il faut peut être éviter de le leur dire. Quant au captagon, tout le monde, dont l’auteure, sait parfaitement où et par qui il est fabriqué. Par ailleurs, les lecteurs de l’OLJ sont complètement déroutés en lisant le jour même dans le journal un article disant clairement le contraire de celui de Mme Haddad. Il y a de quoi perdre son arable littéraire ou son perse !!!

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 54, le 29 avril 2021

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