L’Arabie saoudite a annoncé hier la suspension des importations de fruits et de légumes en provenance du Liban à partir de dimanche, pour pousser les autorités libanaises à trouver une solution radicale aux opérations de narcotrafic à destination du royaume saoudien.
Cette décision, qui témoigne du ras-le-bol saoudien face au trafic de Captagon ciblant son territoire, tombe à un moment où le pays est accablé par une crise financière, économique et sociale sans précédent. Elle a été prise après la saisie par les autorités policières saoudiennes de plus de 5,3 millions de comprimés de stupéfiants, des amphétamines notamment, dissimulés dans une cargaison de grenades provenant du Liban à bord de camions frigorifiques. La drogue était cachée dans de petits sacs dissimulés à leur tour dans les fruits.
Sur sa page Twitter, le ministère saoudien a diffusé une vidéo de l’opération menée à Djeddah dans la nuit de jeudi à vendredi par la police et qui s’est soldée par l’arrestation de cinq personnes, dont quatre Saoudiens. Le cinquième est identifié comme étant « un émigrant », sans référence à sa nationalitéDans un communiqué publié par l’agence de presse saoudienne officielle (SPA), Riyad souligne que cette décision a été prise après une « augmentation » des opérations de narcotrafic provenant du Liban ou traversant le pays du Cèdre, à destination de l’Arabie ou des pays voisins et passant par le territoire saoudien. Dans le cadre de ces opérations, des drogues sont cachées dans des cargaisons de fruits et légumes, selon le texte.
Elle a été adoptée, précise encore le communiqué parce que « des mesures concrètes pour mettre fin à ces pratiques contre le royaume wahhabite n’ont pas été prises (par Beyrouth) en dépit des nombreuses tentatives de Riyad de signaler le problème aux Libanais et de pousser les autorités du pays à agir ».
Les importations de fruits et légumes du Liban seront ainsi suspendues, à partir de dimanche matin « et jusqu’à ce que les autorités libanaises concernées présentent des garanties suffisantes et fiables pour mettre fin aux opérations de contrebande systématique ciblant le royaume », souligne le texte.
« Le ministère saoudien de l’Intérieur continuera de contrôler avec les services concernés, les différentes cargaisons venant du Liban afin de déterminer si d’autres mesures s’avèrent nécessaires », selon le communiqué qui assure que l’Arabie saoudite continuera de « traquer toutes les menaces à sa sécurité et à celle de ses habitants, qu’elles proviennent du Liban ou d’autres États ».
Vif émoi au Liban
La décision saoudienne a suscité un vif émoi au Liban dont les exportations de produits agricoles vers l’Arabie se chiffrent à près de 24 millions de dollars par an, selon le ministre sortant de l’Agriculture, Abbas Mortada. Un chiffre qui se recoupe avec celui avancé par l’Association des agriculteurs. Celle-ci souligne que Riyad est le deuxième plus gros importateur de fruits et légumes libanais parmi les pays du Golfe, après le Koweït. Les exportations vers le royaume wahhabite représentent 16 % de la totalité des exportations vers ce pays, selon le syndicat, contre 19 % vers le Koweït.Parce que les autorités libanaises ne sont pas capables de contrôler des frontières passoires, à travers lesquelles tous genres de trafics et de contrebande sont organisés, et parce que le pays, bien qu’exsangue, est devenu le poumon de la Syrie, c’est tout le peuple libanais qui est aujourd’hui sanctionné. Et les agriculteurs sont les premiers lésés par la décision saoudienne. Le président du rassemblement d’agriculteurs et de paysans de la Békaa, Ibrahim Tarchichi, assure ainsi que la cargaison viendrait de Syrie. « Tout le monde sait que les grenades ne peuvent pas provenir du Liban. Non seulement ce n’est pas la saison des grenades chez nous, mais ce fruit fait partie de ceux que nous importons », a-t-il indiqué dans une déclaration, avant d’ajouter : « Depuis deux ans, des camions viennent en transit de Syrie jusqu’au port de Beyrouth et suivent la ligne d’exportation syrienne. Toute la drogue saisie provient de ces camions. » Naïm Khalil, patron des exportateurs libanais de fruits et légumes, va dans le même sens. Selon lui, la cargaison saisie par la douane saoudienne n’était pas libanaise mais avait transité par le Liban en provenance de Syrie.
De son côté, le président du syndicat des agriculteurs, Antoine Hoyek, a assuré à L’Orient-Le Jour que cette situation aura des effets néfastes à la longue au Liban.
« L’offre de ces produits va dépasser la demande et faire chuter les prix. Ceci peut être considéré comme une bonne nouvelle momentanée pour les consommateurs libanais qui subissent une crise économique, mais sera problématique pour les agriculteurs qui perdront une part importante de leurs revenus, et surtout des dollars frais, nécessaires à l’achat des intrants » (pesticides, engrais, graines, etc.). Il craint également que les exportations libanaises ne puissent plus atteindre le sol koweïtien par voie terrestre, l’Arabie saoudite souhaitant fermer sa frontière aux produits libanais. Antoine Hoyek appelle donc la classe politique libanaise à se rendre « demain (aujourd’hui) » en Arabie saoudite pour régler ce problème, tout autant « politique que technique ».On ignore la suite que les autorités libanaises vont donner à cette affaire. Notifié de la décision des autorités saoudiennes, le ministère des Affaires étrangères en a fait part aux dirigeants libanais qu’il a appelés, dans un communiqué, à « déployer tous leurs efforts qui s’imposent pour mettre un terme au trafic de drogue ». Il a notamment plaidé pour une intensification des contrôles des services de sécurité et des douanes aux frontières.
Le ministère a en outre rappelé que « le trafic de drogues, notamment dans des conteneurs ou camions transportant des fruits et légumes, est un acte puni par la loi libanaise », et que cela « nuit à l’économie et à la réputation » du pays, ainsi qu’aux citoyens, aux agriculteurs et industriels.
Cité par l’agence Reuters, le ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, a indiqué à son tour que le Liban est « disposé à coopérer avec tous les États de la région afin de lutter contre le trafic de drogue », en mettant l’accent sur l’importance d’un « échange des renseignements entre les services concernés pour pouvoir le combattre ». Le ministre a en outre relevé que le Liban a « fourni des efforts colossaux, le plus souvent couronnés de succès, pour déjouer des tentatives de trafic de drogue ». « Mais les narcotrafiquants parviennent parfois à réussir leurs coups », a-t-il déploré.
À Tripoli, les employés du port ont tenu une réunion extraordinaire au terme de laquelle ils ont exhorté Riyad de revenir sur sa décision, « qui va affecter tout un secteur qui emploie des milliers de familles », en faisant remarquer que « les auteurs de cet acte abject ont causé du tort aussi bien à un pays ami qu’à leur propre pays ». Après avoir demandé aux autorités saoudiennes d’établir une distinction entre les narcotrafiquants « qui n’ont rien de libanais et le peuple qui va être affecté par cette décision », ils ont insisté sur la nécessité d’infliger les sanctions les plus sévères aux instigateurs de ce trafic.
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commentaires (10)
...."""la cargaison saisie par la douane saoudienne n’était pas libanaise mais avait transité par le Liban en provenance de Syrie..."" et pire encore ..."" Depuis deux ans, des camions viennent en transit de Syrie jusqu’au port de Beyrouth et suivent la ligne d’exportation syrienne...""" SI CELA S'AVERE ETRE VRAI il y a UNE SEULE CONCLUSION A EN TIRER: COMPLICITE DES LIBANAIS A LAISSER FAIRE UNE FILIERE ECONOMIQUE D'EXPORTATION INEDITE : SYRIE/LIBAN/HINTERLAND ARABE ALORS QUE C JUSTE LE CONTRAIRE QUI A TOUJOURS EU LIEU: LIBAN-SYRIE/JORDANIE ARABIE SAOUDITE ETC... AINSI DONC LES DOUANES LIBANAISES AURAIENT DU DEJA NS RACONTER LA VERITE, LES SAOUDIENS DEVRAIENT ANNONCER ILLICO CE QU'IL EN EST
Gaby SIOUFI
12 h 11, le 25 avril 2021