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Société - Distinction

Le prix franco-allemand des droits de l’homme et de l’État de droit à Zoya Rouhana

La présidente de Kafa a été récompensée pour son parcours « militant, exceptionnel et exemplaire ».

Le prix franco-allemand des droits de l’homme et de l’État de droit à Zoya Rouhana

Zoya Rouhana entourée des ambassadeurs Andreas Kindl et Anne Grillo. Photo DR

La remise hier du prix franco-allemand des droits de l’homme et de l’État de droit à Zoya Rouhana, présidente de l’ONG Kafa, est comme un rayon de soleil qui égaie le tableau sombre du quotidien libanais. « C’est une reconnaissance des efforts que nous déployons depuis de longues années en faveur des droits de la femme et de l’enfant et des réalisations de l’ONG malgré toutes les mauvaises circonstances par lesquelles passe le pays », confie émue à L’Orient-Le Jour Zoya Rouhana. « Avec la détérioration des droits de l’homme au Liban, ce prix est comme un coup de pouce pour renforcer le rôle des parties qui œuvrent pour la préservation de ces droits », ajoute-t-elle. Elle explique que depuis l’émergence de l’épidémie du Covid-19 au Liban en février 2020, l’ONG s’est adaptée à la nouvelle réalité. Les activités sont ainsi organisées en ligne dans leur majorité. « Le travail ne s’est jamais interrompu tout au long de cette période, assure Zoya Rouhana. Au contraire, un plus grand travail a été mené pour venir en aide aux femmes victimes de violence, d’autant qu’avec le Covid-19 et en raison des bouclages répétés, la violence contre la femme a augmenté. » En 2020, plus de 1 600 femmes ont bénéficié de l’aide de Kafa. Le prix a été remis à Zoya Rouhana au cours d’une cérémonie restreinte – Covid-19 oblige – tenue à la Résidence des Pins, en hommage à son parcours « militant, exceptionnel et exemplaire », comme l’affirme l’ambassadrice de France Anne Grillo. En fait, le combat mené par la présidente de Kafa en faveur des droits de l’homme a commencé bien avant la fondation de l’ONG en 2005. En 1995, avec les préparatifs pour la quatrième édition de la Conférence mondiale sur les femmes qui devait se tenir à Pékin, Zoya Rouhana a eu l’initiative d’organiser pour la première fois à Beyrouth un événement pour donner la parole à des femmes victimes de violence dans la région. Cet événement a été suivi deux ans plus tard par la création de la Commission nationale pour la lutte contre la violence faite aux femmes dont elle a été membre jusqu’en 2005, date à laquelle elle a cofondé Kafa. Une ONG « devenue une référence incontournable non seulement au Liban, mais aussi dans tout le monde arabe », insiste Anne Grillo.

Combat sur plusieurs fronts

Et pour cause. Depuis sa création, l’ONG a développé plusieurs stratégies pour combattre la violence et l’exploitation dont sont victimes les femmes vulnérables et les enfants. Elle a ainsi commencé par mettre en place un numéro vert et un centre de soutien à Beyrouth qui assure une aide psychosociale et juridique à des milliers de femmes et d’enfants, toutes nationalités confondues. En 2012, avec le flux des réfugiés syriens fuyant les combats dans leur pays, elle a inauguré un autre centre à Chtaura pour venir en aide aux femmes et enfants syriens dans la Békaa.

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À travers ses multiples activités, conférences et sessions de formation, Kafa a réussi à briser le silence qui entourait la violence faite aux femmes. Cette cause est devenue une affaire publique. Finalement, au terme de sept années de lutte acharnée et à travers une coalition de 60 ONG qu’elle a rassemblées autour de cette cause, Kafa a réussi à faire adopter par la Chambre en 2014 la loi 293 pour la lutte contre la violence domestique, même si celle-ci avait été déformée. Refusant de lâcher prise, elle a mené campagne, en coopération avec le ministère de la Justice et la Commission nationale de la femme libanaise, pour introduire des amendements à cette loi, dont certains ont été adoptés par le Parlement fin 2020.

En 2012, Kafa a conclu un partenariat avec les Forces de sécurité intérieure pour améliorer leur intervention en cas de violence domestique, formant dans ce cadre plus de 1 300 agents et équipant plusieurs salles pour les enquêtes dans les différents postes de gendarmerie.

L’ONG qui continue de mener campagne contre d’autres formes de violence, comme le harcèlement sexuel, le viol, le mariage des mineurs, la lutte contre l’exploitation et l’esclavage des femmes, la prostitution et les droits des enfants… est intervenue après la double explosion au port, le 4 août de l’année dernière. Elle est venue en aide à 962 femmes vulnérables, y compris des migrantes. Elle a aidé certaines d’entre elles à rentrer dans leur pays en leur assurant le prix du billet d’avion et en accomplissant les formalités nécessaires auprès de la Sûreté générale. Elle a aussi organisé des sessions de soutien psychosocial à des enfants et soignants dans les régions d’Achrafieh, Rmeil et Mazraa, ainsi que dans ses locaux à Badaro.

Code civil du statut personnel

C’est justement ces réalisations qui ont valu à la présidente de Kafa ce prix, accordé pour la seconde fois au Liban (en 2018, le prix a été décerné à Hessen Sayah Corban, responsable du programme « migrants » de Caritas Liban), comme le fait remarquer l’ambassadeur d’Allemagne, Andreas Kindl. Il a mis l’accent sur les difficultés que rencontrent les femmes au Liban à tous les niveaux, notamment dans les régions reculées où le mariage devient l’unique solution, même à un âge précoce. Et d’affirmer que la femme au Liban est « prête et capable de jouer un rôle important dans la vie politique ».

Kafa mène actuellement campagne en faveur d’un code civil du statut personnel susceptible de réaliser une équité entre les femmes et les hommes sur les questions du divorce, de la garde des enfants, de l’héritage… Elle est également sur le point d’achever, en coopération avec certains pays arabes, un texte de loi globale pour la lutte contre toute forme de violence faite aux femmes. Un document qui devrait servir de référence à des ONG arabes désirant mener le combat en faveur des droits des femmes dans leurs pays. Affaire à suivre...

La remise hier du prix franco-allemand des droits de l’homme et de l’État de droit à Zoya Rouhana, présidente de l’ONG Kafa, est comme un rayon de soleil qui égaie le tableau sombre du quotidien libanais. « C’est une reconnaissance des efforts que nous déployons depuis de longues années en faveur des droits de la femme et de l’enfant et des réalisations de l’ONG malgré...

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