Après les Européens et les Arabes, ce sont les Américains qui ont adressé, une nouvelle fois, le même message aux protagonistes politiques libanais : formez un gouvernement de spécialistes indépendants et engagez sans plus tarder les réformes pour que nous puissions vous aider.
C’est ainsi que l’on pourrait résumer le premier jour de la visite à Beyrouth du secrétaire d’État adjoint américain pour les Affaires politiques, David Hale, qui devrait bientôt laisser la place à sa collègue Victoria Nuland. Une source diplomatique américaine confie à L’Orient-Le Jour que le but principal du déplacement de M. Hale est de discuter des réformes que le prochain cabinet devrait lancer. Elle rappelle que la position de Washington à ce sujet n’a pas changé : il faut que le gouvernement soit formé dans les plus brefs délais. Et cela est d’autant plus urgent que les crises économique et sociale n’en finissent pas de s’aggraver.
Grande préoccupation
C’est ce qui ressort également des propos que le diplomate américain a tenus à l’issue de son entretien avec le président de la Chambre Nabih Berry à Aïn el-Tiné. « Je suis au Liban aujourd’hui à la demande du secrétaire d’État (Antony Blinken) pour discuter de la crise politique et économique aiguë au Liban, et pour réaffirmer l’engagement des États-Unis envers le peuple libanais », a affirmé M. Hale. « Les États-Unis et leurs partenaires internationaux sont grandement préoccupés par l’échec à faire progresser l’agenda crucial des réformes réclamées depuis longtemps par le peuple libanais », a-t-il fait savoir. « Je me suis rendu au Liban en décembre 2019 puis en août 2020 (dans la foulée de la double explosion au port de Beyrouth), et j’avais alors constaté une unanimité parmi les dirigeants libanais en faveur de réformes qui se font toujours attendre sur les plans économique, financier et de la bonne gouvernance », a ajouté le responsable américain. « Aujourd’hui, peu de progrès ont été réalisés. Des millions de Libanais souffrent de la crise économique, en plus de la pandémie de Covid-19. Cela est le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption et de l’échec de la classe politique à faire passer l’intérêt du Liban en premier », a martelé David Hale. « Mon message à l’issue de mes entretiens aujourd’hui est simple : les États-Unis et la communauté internationale sont prêts à aider, mais nous ne pouvons rien faire de significatif sans nos partenaires libanais. Il est temps d’appeler les leaders politiques à faire preuve d’assez de flexibilité pour former un gouvernement capable d’opérer de vraies réformes. C’est la seule voie pour sortir de cette crise. Ce n’est aussi qu’un premier pas. Une coopération continue sera requise si nous voulons que des réformes transparentes soient adoptées », a-t-il conclu.
C’est donc autour de ce besoin de mettre en place une nouvelle équipe ministérielle que la réunion entre MM. Berry et Hale s’est articulée, comme le confie à L’OLJ une source proche du chef du législatif. « Pour voir les résultats concrets de la tournée de David Hale, il faudrait probablement attendre qu’il rencontre les autres demain (aujourd’hui) », ajoute le proche de M. Berry dans une allusion au président de la République Michel Aoun, qui recevra l’émissaire américain ce matin à Baabda et que le camp Berry accuse de bloquer sciemment le processus gouvernemental. Toujours selon les berrystes, Baabda mettrait des bâtons dans les roues de l’initiative du chef du législatif destinée à sortir de l’impasse. Initiée par le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, cette proposition repose sur la formation d’un cabinet de 24 ministres sans tiers de blocage.
Une initiative que le Premier ministre désigné Saad Hariri ne semble pas vouloir adopter définitivement avant de « s’assurer que le camp de la présidence renonce au tiers de blocage », affirme un de ses proches. D’autant que David Hale aurait clairement soutenu la position du chef du gouvernement désigné au sujet des tractations ministérielles. Au cours de leur tête-à-tête qui a précédé le départ de M. Hariri en Russie, M. Hale aurait « insisté sur la nécessité de former un cabinet de spécialistes indépendants de la classe dirigeante », confie le proche de la Maison du Centre. Il fait également savoir que le diplomate américain aurait fait comprendre que c’est avec la formation d’une telle équipe que l’administration de Joe Biden serait prête à aider le Liban.
Outre le soutien explicite à Saad Hariri, cette prise de position de David Hale pourrait également traduire un appui au patriarche maronite Béchara Raï qui plaide sans relâche depuis des mois pour que le prochain cabinet soit indépendant de la caste politique, composé de spécialistes, capable d’affirmer la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux et de lancer les réformes, alors que le camp présidentiel semble accorder la priorité à l’audit juricomptable de la Banque du Liban et du reste des institutions publiques. Mais une diplomate américaine qui a requis l’anonymat apporte quelques nuances à ce constat. « Nous n’avons pas de position ou d’initiative préférée. Ce qui nous importe, c’est que les Libanais puissent former un nouveau cabinet », précise-t-elle. Et d’indiquer que David Hale se réunira aujourd’hui avec le président Aoun et avec le patriarche Raï, mais aussi avec les protagonistes hostiles au pouvoir en place, tels que les leaders des Forces libanaises, Samir Geagea, et des Kataëb, Samy Gemayel, ainsi que le chef des Marada Sleiman Frangié, sachant qu’il s’est rendu hier à Clemenceau pour y rencontrer Walid Joumblatt en présence des anciens ministres Ghazi Aridi et Marwan Hamadé, également député démissionnaire du Chouf. En soirée, le numéro trois de la diplomatie américaine s’est entretenu autour d’un iftar avec Nagib Mikati, ex-Premier ministre et actuel député de Tripoli. Il aurait ainsi rencontré l’écrasante majorité des protagonistes, à l’exception notable du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, visé par des sanctions américaines depuis novembre 2020, et du Hezbollah, bête noire de Washington.
Pas de sanctions US
En dépit de leur impatience de voir le prochain gouvernement formé, les Américains n’évoquent pas aujourd’hui l’option de sanctions contre des personnalités dont ils estimeraient qu’elles entravent sa mise en place. « Il faut comprendre qu’il s’agit d’un long processus, et que la préparation d’un dossier solide pour sanctionner quelqu’un exige du temps et du travail », souligne la diplomate citée plus haut.
La question d’éventuelles sanctions devrait être évoquée, lundi prochain, dans le cadre d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles. La semaine dernière, une source diplomatique européenne expliquait toutefois à L’Orient-Le Jour que le fait d’examiner le dossier ne signifie pas que les mesures en question entreront incessamment en vigueur. Cela requiert du temps, précisait la source.Le séjour de David Hale à Beyrouth intervient dans un contexte tendu marqué par le bras de fer portant sur le tracé de la frontière maritime avec Israël, déclenché par le décret 4633/2011 (qui accorde au Liban 1 430 kilomètres supplémentaires dans la perspective des prospections pétrolières off-shore) entre le chef de l’État et le Premier ministre sortant Hassane Diab. Ce dossier épineux sera au menu de la rencontre Aoun-Hale à Baabda, comme l’a révélé le chef de la diplomatie Charbel Wehbé à la suite de son entretien avec le diplomate. La question aurait été évoquée avec le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun et Nabih Berry hier. De source informée, on apprend que le président de la Chambre, interrogé à ce sujet, a préféré renvoyer la balle dans le camp de l’exécutif.
C’est ainsi que l’on pourrait résumer le premier jour de la visite à Beyrouth du secrétaire...
J’espère que les américains ne sont pas assez dupes pour gober les manigances de Berry qui joue un rôle essentiel dans ce bras de fer en simulant la droiture et le patriotisme pendant qu’il œuvre dans les coulisses pour que le projet de son allié HB ne soit pas saboté. Ces belligérants craignent un soudain sursaut qui unirait les libanais pour arriver à une solution qui ruinerait leur plan. Toujours à semer des cailloux et des grains de sables pour gripper la machine. L’accord sur la délimitation des frontières est la meilleure preuve de son double jeu. Il faut être aveugle et bête pour ne pas comprendre le but de Berry qui est de diviser pour mieux régner. HB, Berry c’est bonnet blanc et blanc bonnet.
11 h 33, le 15 avril 2021