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« Lupin », tête de série qui chamboule la fiction européenne

« Lupin », tête de série qui chamboule la fiction européenne

Derrière le triomphe du très frenchy « gentleman-cambrioleur » dans un Paris de carte postale, il y a les investissements colossaux du géant américain pour produire des programmes sur tous les continents. Emmanuel Guimier/Netflix

Grâce à la série française Lupin, Netflix a réussi le casse de l’année. Un succès qui illustre la stratégie de la plate-forme américaine sur le Vieux Continent avec des contenus plus européens qui chamboulent le paysage audiovisuel.

Derrière le triomphe du très frenchy « gentleman-cambrioleur » dans un Paris de carte postale, il y a les investissements colossaux du géant américain pour produire des programmes sur tous les continents.

Mais en Europe, Netflix – comme les plates-formes concurrentes DisneyPlus ou Amazon Prime – n’avait plus le choix : une directive de l’UE adoptée en 2018 les oblige à proposer 30 % de programmes européens à leurs abonnés et à investir dans des productions locales.

De quoi inciter les télévisions nationales à s’adapter face à un éventail d’offres internationalisées et gouvernées par algorithmes.

Netflix a actuellement une centaine de films et de séries en cours de production à travers l’Union européenne, avec des équipes basées en France, Espagne, Allemagne et en Italie.

« Si on parle de contenus européens, on se demande forcément quel programme français va triompher en France, quel programme allemand sera plébiscité par les abonnés allemands », observe Larry Tanz, qui supervise les programmes originaux du groupe californien sur le continent.

Mais, insiste-t-il, « il y a une différence entre des programmes très locaux » qui auront de l’audience au niveau national, mais du mal à passer leurs frontières, et ceux susceptibles d’attirer une vaste audience comme Barbares (série historique en allemand), Casa de Papel (série policière en espagnol) ou The Crown sur la famille royale britannique.

Flamand et universel ?

À l’inverse des studios hollywoodiens traditionnels, Netflix veut proposer une offre plus locale à ses abonnés.

« Avant, celui qui recevait des scénarios traduits dans un bureau à Los Angeles décidait. Désormais, notre équipe exécutive à Paris reçoit le script en français et prend sur place la décision de tourner », souligne M. Tanz. C’est le signal que « nous voulons nous engager, avoir notre place dans l’industrie française » du secteur, renchérit Damien Couvreur, responsable de Netflix à Paris.

Netflix a annoncé mardi le lancement d’une trentaine de projets originaux français en 2021, dont une fiction sur l’incendie de Notre-Dame de Paris.

Pour autant, la plate-forme « ne cherche pas à copier ce qui existe déjà ».

Avant de créer ses propres contenus, Netflix a dû se résoudre à racheter des programmes européens existants : parmi eux, la série Beau séjour, thriller fantastique produit par la télévision publique flamande VRT.

Sanne Nuyens, coscénariste, a pu mesurer la force de frappe de Netflix : la série, tournée dans un rare dialecte flamand, a été saluée... par l’écrivain américain Stephen King.

« Vous écrivez un scénario avec un certain public en tête. Si l’audience grandit, que ce n’est plus simplement la Flandre, la Belgique ou l’Europe, mais le monde entier, c’est merveilleux », s’exclame-t-elle.

L’intrigue se déroule dans la petite région du Limbourg, mais « le spectateur peut s’y retrouver s’il a déjà expérimenté ces villages où tout le monde se connaît. Une situation locale qui peut devenir universelle », commente-t-elle.

Tout en restant vigilante pour que ce caractère « local » d’une fiction ne soit pas dilué dans des superproductions européennes.

« Ovnis » audiovisuels

Face au mastodonte américain, des regroupements comme Nordic12, The Alliance ou Drama Initiative (au sein de la Fédération européenne de radiotélévision EBU), permettent aux groupes audiovisuels de s’associer pour des coproductions au budget plus élevé.

« Pour notre marché local, ce sont des séries chères à produire, nous avons besoin de financements supplémentaires », reconnaît Elly Vervloet, chargée des programmes dramatiques internationaux à la VRT.

Même s’il n’est pas toujours facile de réussir le cocktail de plusieurs cultures.

Netflix est « un bon partenaire », mais « cela a un coût, vous devez négocier vos droits, la communication... et quand vous vendez votre contenu à une plate-forme, il devient moins accessible pour les autres groupes audiovisuels publics, c’est un problème en Europe », avertit Mme Vervloet.

Jérôme Dechesne, président de l’Association européenne des producteurs indépendants (CEPI), salue néanmoins cette mutation : Netflix brise « l’oligopole » de géants comme la BBC ou TF1, qui dominent la production depuis des décennies, et met fin au « complexe d’infériorité » des séries tournées dans d’autres langues que l’anglais, se réjouit-il.

Comme Hollywood, Netflix « finance tout et se réserve le final-cut » (montage définitif), mais l’UE entend justement préserver les productions indépendantes, très vivaces en France ou en Italie, en obligeant les plates-formes à investir dans les contenus locaux au-delà de leurs propres productions, explique-t-il.

Dans l’abondance des contenus, « il y aura les séries “carte postale” mais aussi des “ovnis” hyperintéressants », estime-t-il.

Alex PIGMAN/AFP

Grâce à la série française Lupin, Netflix a réussi le casse de l’année. Un succès qui illustre la stratégie de la plate-forme américaine sur le Vieux Continent avec des contenus plus européens qui chamboulent le paysage audiovisuel.
Derrière le triomphe du très frenchy « gentleman-cambrioleur » dans un Paris de carte postale, il y a les investissements colossaux du...

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