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La bombe et le pétard

Ce n’est plus, cette fois, pour ses exceptionnels attraits touristiques et culturels que Vienne est, depuis hier, le point de mire d’une bonne partie de l’humanité. Rescapée de l’anschluss hitlérien, s’étant judicieusement dotée d’un statut de neutralité – permanente et perpétuelle, comme le souligne sa Constitution – l’Autriche abrite un des quatre sièges de l’ONU, mais aussi de nombreux organes internationaux, dont l’Agence internationale de l’énergie atomique. Quoi de plus normal, donc, que de voir le beau Danube bleu servir de toile de fond, pour la deuxième fois depuis 2015, aux pourparlers sur ce dossier hautement explosif qu’est, pour l’ensemble de notre région, le nucléaire iranien…


L’atome, la bombe et ses mortelles radiations, ce n’est évidemment pas le rayon du Liban. Et s’il est vrai que les Libanais ont indécrottablement tendance à se prendre pour le centre du monde ; s’il est vrai aussi qu’ils attendent sans cesse du dehors que l’on remette de l’ordre dans leurs affaires, même les plus intimes, il ne faut pas leur jeter la pierre cette fois, et cela pour deux raisons. La première est que de toutes les malédictions qui poursuivent notre pays, la plus terrible est la classe dirigeante la plus désespérément incompétente et irresponsable, la plus hors du coup, de son histoire. La deuxième est que notre minuscule pays, retenu en otage par Téhéran et ses instruments locaux, a effectivement beaucoup à espérer, mais tout autant à redouter, d’un éventuel accord irano-américain : surtout quand viendra le moment de dépasser le nucléaire pour traiter de la stabilité du Proche et du Moyen-Orient. Donner et recevoir, échanger des concessions, demeure l’immuable règle d’or de toute négociation ; or c’est sans équipage de qualité, crédible et respecté, que dérive la galère libanaise dans cette mer d’incertitudes. L’incroyable cafouillis cartographique relevé dans le contentieux maritime avec Israël, puis l’inqualifiable silence observé face aux empiètements syriens sur nos eaux en disent long à ce propos.


Regards libanais braqués sur Vienne donc, comme tout le monde ; mais ce n’était que d’un œil, l’autre lorgnant hier du côté de Paris qui, en harmonie avec le Vatican, se démène pour embrigader en notre faveur l’Égypte et les royaumes du Golfe. Surprenante était pourtant l’annonce d’une invitation adressée à deux des principaux acteurs de la crise libanaise à venir se rencontrer dans la Ville Lumière, dans l’espoir qu’ils y trouveraient quelque halo de raison. Le chef du parti présidentiel Gebran Bassil avait déjà bouclé ses valises, voyant dans ce voyage une occasion de redorer son blason passablement terni en se faisant recevoir, par exemple, à l’Élysée. Manque de pot, c’est le Premier ministre désigné Saad Hariri qui se refusait à l’équation imaginée par les Français, ne reconnaissant d’autre interlocuteur valable que le chef de l’État. Tantôt complices comme larrons en foire et tantôt à couteaux tirés : la voilà bien, cette autre règle d’or (et d’argent, des masses d’argent!) régissant le jeu politique libanais, et qui a fini par ruiner le pays.


Prendre les mêmes et tout recommencer ne sortira jamais le Liban de l’ornière ; la France le sait mieux que personne, elle qui œuvre à l’adoption de sanctions européennes contre la mafia politico-affairiste qui nous gouverne. L’influent Le Monde publiait fort opportunément hier une tribune signée d’une centaine d’influentes personnalités libanaises ; il y est demandé le gel des avoirs détenus en France par une classe politique corrompue et on ne peut plus réticente aux réformes. Reste à espérer que ce texte fera plus de bruit, aura plus de suites que le pétard mouillé des fausses retrouvailles parisiennes ratées.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Ce n’est plus, cette fois, pour ses exceptionnels attraits touristiques et culturels que Vienne est, depuis hier, le point de mire d’une bonne partie de l’humanité. Rescapée de l’anschluss hitlérien, s’étant judicieusement dotée d’un statut de neutralité – permanente et perpétuelle, comme le souligne sa Constitution – l’Autriche abrite un des quatre sièges de l’ONU,...